Le gargantuesque monde de Petit Vampire s’est étoffé grâce à ses nombreux (et bons) albums, des romans, des produits dérivés mais aussi un excellent film, passé inaperçu à l’automne 2020 entre deux confinements, heureusement revenu pour la séance de rattrapage du 19 mai.
Mais ce Petit Vampire et ses monstres qui ne font pas peur et son ami humain Michel se sont déjà animés en 2004 pour une série coproduite par France Animation, Story et Telegael. En 52 épisodes, la série a repris les albums déjà sortis mais s’est aussi développée avec de nouvelles histoires et idées, toujours entre les mains de Joann Sfar et de Sandrina Jardel, créateur de Petit Vampire et sa femme (à l’époque) et fidèle soutien.
Je n’ai malheureusement pu en voir que 10 épisodes, c’est bien peu. La série a été éditée en DVD mais avec 6 épisodes chacun dessus, je n’ai pu me procurer que le premier, Petit Vampire va à l’école. Elle semble être toujours diffusée sur certaines chaînes et disponible sur certaines plateformes SVOD (Salto par exemple) et services de streaming, avec quelques épisodes sur la chaîne officielle. A vous de compléter si vous en avez vu plus que moi.
L’ensemble étant très proche de l’original, le premier album « Petit Vampire va à l’école » est adapté fidèlement dans le premier épisode, c’est une nouvelle fois un grand plaisir que de retrouver cet univers gothique et farfelu, composé de monstres qui ne font pas peur. Petit Vampire et Michel sont ces deux enfants différents mais si proches, si amusants, tandis que leurs camarades de jeux composent un bel équipage une fois encore bien saugrenu. Fantomate, le chien fantôme râleur, Marguerite, la créature de Frankenstein simplette, ronde et amatrice de cacas, le crocodile humain Claude un peu soupe-au-lait, sont bien évidemment présents, tels qu’on les connaît, dans leur singularité faussement morbide, toujours excentrique. Le Capitaine des morts et Pandora, parents de Petit Vampire et responsable de ce petit monde outre-tombe useront de leur autorité naturelle pour faire revenir le calme, à moins qu’ils ne prendront part à leurs jeux.
De nouveaux personnages font leur apparition, se fondant dans ce petit monde avec facilité, à l’image de Tonton Tepech, oncle éloigné valeureux guerrier dans sa jeunesse qui s’est laissé aller depuis et que Petit Vampire va vouloir remettre en selle (dont littéralement), un colonel d'une poule géante militarisée (oui, oui) ou Youyou, joueur de flûtes étrange qui demande à se rapprocher du groupe mais qui semble en vouloir à Pandora. La galerie de personnages est élargie, chaque nouvel individu ne ressemblant pas au précédent.
Les épisodes ne dépassent pas la douzaine de minutes, alors il faut y aller, le rythme est entraînant. Les péripéties sont là, les traits d’humour aussi, avec quelques petites touches plus douces mais vite présentées. L’ensemble a le sourire d’une bande d’amis, prêt à faire quelques bêtises mais aussi à se serrer les coudes, où la tolérance est discrète mais évidente vis à vis de ces créatures fantasmagoriques, à la fois différentes mais proches de nous. Sous la réserve d’un plus large échantillon visionné, le monde des humains semble plus anecdotique, délaissé pour ces créatures de la nuit joyeuses et amicales.
Le traitement esthétique choisi est en tout cas bien différent de son adaptation en long métrage de 2020, à l’animation fluide et aérienne, mais au trait lissé, plus consensuel. Cette version de 2004 en est le contre-exemple, car elle respecte le trait granuleux de Joann Sfar, ses traits hachés et même la colorisation plus franche de la bande-dessinée, avec ses personnages hauts en couleurs et ses fonds plus sombres. Certains arrière-plans avec cette méthode évoquent d’ailleurs les gravures du XIXe siècle (les traits fins de Gustave Doré) ou l’impressionnisme, une comparaison amusante pour un mouvement pictural solaire. La contrepartie, c’est que l’animation est bien plus sommaire, elle est plus statique, composée de blocs animés. Mais cela n’a rien de regrettable, cela rapproche le visuel de la bande dessinée, ne sacrifiant pas la belle beauté graphique des planches de Joann Sfar.
Le doublage semble moins réussi que pour le film, à titre de comparaison. Mais une fois devant l’écran et les enceintes, le résultat ne choque guère les petites oreilles. Le choix de Riad Sattouf, célèbre auteur de bande-dessinée depuis, pour Petit Vampire reste curieux, avec son ton un peu traînant. En contre-point la série accentue aussi les accents de ses personnages, très chantants, avec Fantomate et son parler marseillais, Claude et son accent du Nord ou Ophtalmo et ses intonations créoles.
Si Riad Sattouf, qui allait se révéler à cette époque avec son incroyable série La Vie secrète des jeunes, a doublé Petit Vampire, il a aussi écrit pour la série animée quelques scénarios. On y trouve d’ailleurs un certain nombre de jeunes pousses qui allaient se faire connaître plus tard, comme Florence Dupré La Tour, qui s’était fait remarquer en 2020 avec Pucelle ou Marie Pommepuy et Sébastien Cosset qui allaient travailler avec Joann Sfar sur Donjon Crépuscule tandis que Miss Pas Touche est leur série la plus connue.
La série est donc l’œuvre de professionnels et de passionnés de bande-dessinée, pas un dérivé délégué à des studios lointains et qui abattent de l’épisode à la chaîne. C’est un peu plus artisanal sur la forme, mais le trait et l’ambiance des albums sont parfaitement respectés. Tandis que pour l'histoire, on baigne dans le même jus, délicieusement poisseux pour de rire. Dix épisodes sur la cinquantaine c’est bien peu pour juger de la qualité d’une telle série, mais ce qui a été vu et ces garanties avec une telle équipe à l’oeuvre sont rassurants. Petit Vampire (2004) est donc une belle adaptation, enjouée, où son univers joyeusement morbide n’a pas été sacrifié, ni ses personnages, ni sa bonne humeur. Tant mieux.