7-4 pour Jalil Lespert.
Avec sa tronche d'ahuri qu'il promène tout le long du film, son jeu d'acteur tout droit inspiré d'un encart d'été du journal de Mickey, son vieux trench col relevé et cette façon d'interpeller et d'empoigner n'importe qui, femme ou homme, jeune ou vieux qui se trouve sur son chemin, le rôle de cet acteur confine à la farce.
On dirait un espèce de bully du lycée des années 90, le cool kid de l'époque avec son jean trop large et sa coupe de poney. Sérieusement, cet acteur est une catastrophe, il joue exactement comme tu le ferais spontanément si un réalisateur alcoolo te demandais de jouer le mec énervé, un peu stressé, menaçant mais pas trop. Après avoir vu cette série, je suis obligé de demander pourquoi je n'ai pas eu ma chance, moi qui comme n'importe qui aurait fait mieux.
Le reste du casting est à cet avenant. A part Eric Ruf, le seul dont se voit à l'écran qu'il a appris à jouer quelque part, et dans une moindre mesure Simon Abkarian.
Gueule magnifique, de celles qui te font aimer n'importe quelle série, on lui a collé un rôle tellement improbable qu'il peine à l'endosser correctement. Un tenancier de boîte de strip tease avec un nom arabe, un accent vaguement titi, une vie de famille quasiment comme il faut à notre époque (comprendre, un divorce et une fille qui voit son papa de temps en temps OKLM), des "putains" et des "fait chier" lâchés un peu aléatoirement à ses deux sbires qui inspirent encore moins la crainte que lui.
Heureusement qu'il a du charisme et de l'endurance car il finit par s'approprier le rôle et le faire joliment vibrer.
Et pour les autres, un premier rôle féminin dont on comprend assez vite que c'était la seule à accepter de jouer à poil la moitié du temps, une quinqua quirky qui fait très bien le sourire gêné de la femme qu'on drague pour la première fois depuis trente ans, un rebeu à tignasse qui s'embrouille pour la première fois de sa vie sur un plateau de série, et le vieux russe façon Niels Arestrup de la Volga... Je m'arrête là.
Côté réalisation, il faut qu'ils se dépêchent de breveter le plan "par dessus les voitures, panneau mal cadré sur un mec qui marche l'air hagard et en même temps décidé, les épaules voutées" parce qu'on en bouffe sur le huit épisodes. Ne parlons pas des passants qui se retournent, regardent la caméra et sourient parce que oui on est sur un tournage.
Il y a cette tentative de créer une ambiance, de donner une identité à Pigalle, qui malheureusement n'en à plus, malgré les petites notes de jazz qui reviennent de temps en temps et les néons rouges. Finalement, la seule identité qui revient régulièrement, ce sont les couloirs de bus Delanoë et les échoppes de maître-artisan kébabier.
Quelques jolies surprises malgré tout, la fille de De battre mon coeur s'est arrêté dans le rôle d'une pharmacienne, Archie Shepp sur lequel on fait des tonnes mais dont le personnage finit par fonctionner.
Enfin, niveau scénario, cette série aurait été une tuerie si on l'avait confiée au David Simon de Pigalle, et pas à deux bobos branle-couilles de Canal+ qui ont leur loft à Billancourt et qui ne comprennent rien de l'esprit parisien parce que les péripéties sont franchement ratées.
Et pourquoi est-ce qu'on s'obstine à faire jouer les chiens de garde dangereux à Hubert Koundé, le renoi avec la voix et la tronche les plus inoffensives de France ?