Pose
7.9
Pose

Série FX (2018)

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Category is : Perfect tv show realness

C'est l'histoire d'un univers haut en couleur, bariolé, pailleté et extravagant. C'est l'histoire d'une communauté forcée de briller sous terre, dans les lieux underground du New-York des années 80. Aussi éclatant et foisonnant soit-il, ce monde connait sa part d'ombre et de difficultés. C'est donc aussi (et surtout) l'histoire des exclus, des pauvres, des noirs, des latinos, des gays, des trans, des discriminés, et des malades.


La communauté LGBT+ de cette époque souffre déjà, oui, mais elle se construit et vit notamment dans les "bals", des concours de beauté impitoyables où ces rejetés de la société peuvent s'exprimer ; là, tout n'est que lumière, musique, danse, mode et création. Le but de ces bals, est d'incarner au mieux le thème du défilé. Le temps d'un soir, chacun peut être ce cadre, cette riche héritière, ce roi, cette reine ou cette miss météo qu'il rêve d'être... Une manière de faire semblant d'intégrer des milieux qui leur sont refusés en raison du genre ou de l'orientation sexuelle. Alors, le lieu foisonne d'idées, d'art et de personnalités aussi puissantes que fragiles. Sur ces bals règnent des dynasties (ou "houses") fabriquées de toutes pièces. Ce sont des familles composées d'individus rejetés par leur famille biologique et dirigées par des "mères", mentors toutes puissantes. Elles concourent et s'affrontent pour briller parmi les exclus. Pourtant, ce n'est pas un monde angélique car la concurrence fait rage sur la piste... et en dehors ! Le tout, dans un contexte où le SIDA sévit durement, et encore plus au sein de la communauté LGBT+.


Chaque personnage éclaire à sa manière la difficulté d'être soi dans une Amérique normée et effrayée par la différence. Ce monde s'est donc armé, construit et édifié à part de celui de l'Américain hétérosexuel moyen de l'époque... Du moins en apparence ! Les parallèles sont nombreux, les codes ne divergent pas tant que ça entre ces deux univers. Les jeux de pouvoir, les problèmes d'identité et de sexualité existent de part et d'autre de cette barrière artificielle ! L'intrigue permet à ces deux univers de se rencontrer, de (difficilement) coexister et de poser des questions importantes toujours d'actualité : doit-on être dans une case pour exister en paix ? L'amour est-il une affaire de genre ? Le genre est-il une question de physique ? Qui joue le plus la comédie : un homosexuel s'improvisant mannequin pour Gucci voguant sur le parquet d'un club underground ? Ou un homme d'affaires ambitieux qui renie ses désirs pour se fondre dans la masse ? Pose vous laisse l'occasion d'y réfléchir, et la réflexion est, à mon goût, loin d'être superflue ! Surtout quand le tout se déroule à une époque où Donald Trump n'est pas (encore) président, mais où il règne sur le business de l'Amérique du haut de sa Trump Tower. Déjà, l'American Dream semblait inaccessible pour les discriminés, mais le monde a-t-il beaucoup évolué ? Donald Trump a peut-être changé de bureau, mais la communauté LGBT+, elle, connait toujours la violence et les discriminations.


Le thème et l'engagement politique sont donc évidents dans cette série et le travail effectué par les réalisateurs et les acteurs sont magistraux. Son, image, jeu, costumes, lumières, musiques, tout y est et c'est un régal pour les yeux et les émotions. Je voudrais d'ailleurs m'attarder un peu plus longuement sur la musique qui est parfaitement utilisée tout au long des épisodes. Synthé surannés, classiques de la pop de l'époque et, surtout, cette chanson de Kate Bush, "Running up that Hill", implorant de sa voix habitée : "If I only could make a deal with God And I'd get him to swap our places (...) let's exchange the experience", des mots qui prennent une dimension toute particulière ; hymne quasi prophétique et solennel. Véritable ode à l'amour, à l'échange et à la compréhension de la différence, la chanson, vient, et revient pour nous rappeler les thèmes qui traversent le show. Envoûtante elle est, envoûtée je suis...


Grande fan du magnifique documentaire "Paris Is Burning" (1990), du magistral "Mala mala" (2014) et d'émissions comme "RuPaul's Drag Race", la magie ne pouvait qu'opérer. En revanche, je dois dire que "Pose" dépasse toutes mes attentes et me donne la subtilité, le réalisme, le regard et la bienveillance que je souhaitais voir dans une telle série. J'attends la suite avec impatience, mais, franchement, regardez cette série, imprégnez-vous de toute cette beauté et inspirez-vous-en pour rendre ce monde un peu plus ouvert et tolérant !

Maeva-Wallace
9
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le 25 juil. 2018

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Maeva-Wallace

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