Pas facile, en 2024, de regarder une série de procès sans comparer : avec Saint Omer, par exemple ; avec Anatomie d'une chute, bien sûr (qui risque fort de rendre la concurrence un petit peu fade) ; ou dans un style (et une géographie) plus proche, avec Les Sept de Chicago. C'est probablement ce dont a d'abord souffert, pour moi, Présumé Innocent. C'est une série sur un procès, dont le procès arrive tardivement, et qui n'est pas spécialement plus brillante que les propositions précitées.
Mais si l'on juge de la qualité intrinsèque, plusieurs problèmes demeurent. Une réalisation paresseuse, d'abord, ou qui ne donne en tout cas jamais l'impression de vouloir proposer plus que le minimum syndical. Les innombrables scènes de piscine, puis de tapis de courses ; les flash-backs tournoyants et ralentis ; la caméra qui ne peut s'empêcher de se déplacer pendant l'audience... Rien ne nous aura été épargné. La musique est elle aussi quelconque. En revanche, il faut bien admettre que les performances d'acting sont, elles plutôt d'un bon voire très bon niveau.
Mais le vrai problème se situe ailleurs : l'histoire, si elle a sans doute un intérêt dans sa version littéraire (de 1986) ou en film (de 1990), traîne bien trop en longueur. Cela a été relevé dans beaucoup d'autres critiques ; la série aurait pu tenir en six épisodes, et si l'on veut faire preuve de mauvais esprit, peut-être même en deux ou trois d'une grosse heure. À la place de cela, nous avons huit épisodes d'une quarantaine de minutes, avec des cliffhangers qui paraissent artificiels, surtout au regard de la révélation finale.
Et c'est le coup de grâce de ce qui aurait pu être une oeuvre judiciaire banale mais bien jouée. La révélation (que je m'apprête à commenter, avec spoilers donc), tombe complètement à plat. Le suspens autour de l'identité de l'assassin est pourtant plutôt bien entretenu au fil de la narration : c'est probablement bien Rusty Sabich, non ? Ou bien serait-ce Liam Reynolds, aidé par un comparse ? Et puis finalement, pourquoi pas le fils ou l'ex-mari de la victime ? Ou même le fils de Rusty lui-même ? J'avais personnellement acquis la conviction (et c'était j'imagine voulu) que le coupable était en fait Tommy Molto. Les plaidoiries finales étant assez bien écrites, je me serais même contenté du jugement et d'une part de mystère.
Mais non, il faut qu'on nous explique que le meurtre a été en fait commis, non pas par la compagne de Rusty (ce qui semblait déjà relativement ridicule), qui avait acquis la certitude que c'était le cas, mais par sa fille, qui a pété un boulon et repris sa vie normale le lendemain. Le problème est que pour garder le mystère intact, pas un seul élément ne pointe dans cette direction pendant 90% de ce qu'on nous montre (avant les quinze dernières minutes du dernier épisode donc). Cela rend le personnage de Rusty d'autant plus minable (bonjour le procureur, qui préfère ligoter le corps mort de sa maîtresse et collègue en estimant que sa compagne l'a probablement tuée que d'appeler les secours) et le discours de la série franchement questionnable.
Puisque c'est bien ce que nous raconte ce grotesque épilogue de trois minutes : mangeons une dinde pour Thanksgiving, et faisons comme si de rien n'était. Les sacro-saintes valeurs familiales américaines sont donc au-dessus d'un féminicide (puisqu'il n'est pas difficile d'argumenter que Carolyn a été tuée parce que femme, sans oublier le fait que son corps encore chaud a donc été ligoté par son amant), et la vérité judiciaire peut aller se faire voir, puisqu'on a acquis la certitude que cette famille quelque peu dysfonctionnelle allait pouvoir continuer sa routine. Et si toute l'histoire était en fait celle d'une horrible famille immorale de sociopathes, il aurait fallu la raconter différemment.
Une morale douteuse, des personnages médiocres (même si bien interprétés) et un emballage artistique sans ambition : voilà le cocktail d'une série qui aurait pu être correcte, mais dont on ne se rappellera pas longtemps.