Tabouret cherche corde pour pendre son propriétaire
Ma culture anime est balbutiante. Je ne connais pas (encore) grand chose, je n'ai pas (encore ?) passé le cap du consommateur frénétique d'animation japonaise, et pourtant, je prèche déjà la bonne parole auprès de mes connaissances et amis pour leur faire comprendre que non, l'animation japonaise ne se limite pas à Club Dorothée, Naruto ou One Piece. Et dans ma mallette de bon prêcheur, on trouvera maintenant à côté de Spice and Wolf et Haruhi Suzumiya.
Puella Magi tire sa force de deux pôles : son scénario à se damner et un dessin à couper le souffle.
Pour ce qui est du scénario, il faut savoir que c'est un Magical Girl. Pour ceux qui ne savent pas trop ce que c'est, il suffit de savoir qu'un Magical Girl est une série où une ou plusieurs jeune(s) fille(s) (pré)pubère(s) reçoit(/vent) de la part d'une bestiole ressemblant à une peluche "trop kawaï" des pouvoirs magiques par l'intermédiaire d'un objet généralement rose et immonde grâce auquel elle(s) pourra(/ont) devenir chanteuse(s) et/ou combattre les forces du mal, le tout dans une ambiance étouffante où la guimauve suinte de tous côtés "parce que le bien et les copines c'est trop cool". C'est la catégorie dans laquelle on peut ranger Sailor Moon ou Sakura Card Captor. Dans la forme, Madoka Magica appartient à cette catégorie d'animes : jeune fille de quatorze ans, se lie avec sa meilleure amie à Mami, une Puella Magi qui grâce à sa Soul Gem (que lui a confié Kyubey, la peluche de service) peut combattre les sorcières et ainsi protéger l'humanité de ce pernicieux fléau.
Maintenant que j'ai perdu la moitié de mon lectorat, expliquons où se situe l'originalité et la force de ce chef d'oeuvre. Si nous retrouvons les ingrédients nécessaire à tout Magical Girl, Puella Magi Madoka Magica se distingue des autre sur ce point : c'est que la guimauve est remplacée par du café noir, serré, et sans sucre. Grosso modo, rajoutez à les ingrédients suivants à la liste de ceux composant le Magical Girl typique : désillusions, désespoir, inéluctabilité, trahisons, conséquences de choix perverses, contreparties impitoyables, mensonges, et beaucoup, beaucoup de détresse. Secouez le tout et vous obtenez la toile de fond de cet anime. Sachez déjà qu'à chaque épisode vous vous exclamerez catastrophé et au bord de la tentative de suicide face à tant de noirceur qu'on en peut pas créer de situation plus désespérante et/ou déprimante, et au suivant, vous vous reprendrez une mandale...
Sans vous gâcher le plaisir de la découverte de l'histoire en elle même, il est capital de noter que ce scénario n'a pas seulement d'intérêt que pour lui-même, mais vaut aussi dans un second degré de lecture que je lui ai trouvé, à savoir une sorte de parabole de la sortie de l'enfance et de son insouciance pour découvrir un monde adulte, souvent dur et cruel. Cette seconde lecture s'appuie non seulement sur l'aspect "lutte du bien contre le mal" (avec toutes mes "mauvaises surprises scénaristiques" auxquelles j'ai fait allusion pus haut), mais aussi sur les séquences que je qualifierais de plus intimes, sociales et familiales. Cette série montre assez souvent Madoka chez elle ou échanger avec sa mère. Ces conversations en famille qui pourraient sans doute paraître anodines sont pour moi bien plus lourdes de sens qu'il n'y parait. Âpreté au travail, difficultés, doutes, amitié... tout y passe. C'est en quelque sorte dans ces moments de "répit" quant à l'action principale où l'on tatane dans la joie et la bonne humeur (enfin, c'est surtout une façon de parler, ici...) que Madoka fait le point, remet en question certaines choses, et prend ses grandes décisions. On voit au fil des épisodes la jeune Madoka naïve et hésitante une autre Madoka s'affirmer de plus en plus pour finalement prendre une décision capitale, en toute connaissance de cause et en assumant pleinement son choix.
Maintenant, passons au dessin. Ce sera bien plus rapide car j'ai bien moins à dire sur le sujet. Globalement, si le dessin m'a au début laissé de marbre (simple, pas aussi travaillé à mes yeux que du Spice and Wolf) même si le travail est plus qu'honnête, la claque est venue lorsque l'on découvre pour la première fois "l'univers" d'une sorcière : sorte bad trip au lsd montrant les pensées torturées de chacune de ses sorcières, l'ensemble m'a fait penser à deux choses qui n'ont a priori rien à voir : l'ambiance graphique des deux derniers albums d'Indochine (Alice et June et dans une moindre mesure la République des Météors) qui est très présent dans "l'image même" et de l'autre côté j'ai retrouvé Okami (le jeu vidéo) dans le traitement du dynamisme. Au final, l'ensemble des dessins plus conventionnel et l’irrationnel des sorcières se combine parfaitement, car montrant bien la distance séparant l'un et l'autre.
En conclusion, je ne dirai qu'une chose : en regardant cet anime, vous risquez fort de déprimer épisode après épisode, chacun d'entre eux tapant plus loin que le précédent et plus loin que ce qu'on aurait cru possible. C'est triste et déprimant. Mais vous allez aimer. C'est littéralement un chef d'oeuvre qui doit être vu, qui est à des cent et des lieues de l'anime lambda sans saveur ni personnalité à 356 épisodes. Ici, vous aurez à faire à une oeuvre mature et réfléchie qui ne laisse pas indifférent. Ici, ce n'est pas la surenchère qui a été recherchée mais la qualité, et je vous assure que vous allez la trouver. Foncez, vous ne verrez plus jamais le genre Magical Girl comme avant après l'avoir vu.