J'ai du mal à m'expliquer ce qui m'a poussé à me plonger dans Puella Magi Madoka Magica. Parce que les séries de magical girls, ce n'est pas vraiment mon kiff à la base, je ne me suis jamais penché dessus plus que ça mais déjà quand je tombais sur Sailor Moon par hasard à la télé, c'était mignon mais un tout petit peu con quand même. Loin de moi l'idée d'insulter les fans de SM (hihi), mais voilà, ce n'est pas un concept que je trouve follement attirant. Et puis j'ai entendu parler de Madoka Magica, soit disant une version « dark » du concept de magical girl, qui en reprenait les codes pour mieux les détruire. Ça a bizarrement suscité ma curiosité et, motivé par la courte durée de la série, je me suis lancé.
J'émettais des réserves avant le visionnage, liées au concept même de la série. En effet, est-ce qu'un tel détournement d'un genre comme la série de magical girl pouvait se montrer pleinement efficace face à un profane comme moi, seulement vaguement familier avec le genre en question ? Mais en fait, on comprend bien vite comment Madoka Magica se distingue du reste : oh tiens être une magical girl c'est pas un truc trop cool, ça a des conséquences et parfois assez graves, ah tiens le ton n'est pas innocent et gentillet, c'est même carrément dramatique, ah l'animal de compagnie tro kawai est plus complexe et intéressant qu'il n'y parait, ... Mais surtout, pas besoin d'être un fin connaisseur en magical girl pour voir les qualités, évidentes, de la série.
Ce qu'est Madoka Magica, c'est avant tout une véritable tragédie. La série commence relativement innocemment, introduisant le spectateur au concept de magical girl, tout en présentant ses personnages. Mais le ton va s'assombrir progressivement à mesure que l'anime révèle son vrai potentiel. On est clairement pas dans un dessin animé pour fillettes et, sans vous spoiler, disons que certains passages vous fendront le coeur. L'ambiance globale devient carrément désespérée passé la moitié de la série, sans toutefois jamais en faire trop. Je m'attendais à une overdose de d4rk, de gore pour choquer et bien souligner le contraste avec le côté rose bonbon, en réalité c'est beaucoup plus subtil que ça. L'approche est avant tout psychologique et la descente aux enfers est d'abord intérieure. Pour autant, l'anime n'est pas qu'un enchainement de gros moments de déprime, il s'autorise quelques instants de véritable poésie, nettement plus légers, et globalement l'atmosphère a quelque chose de délicieusement mélancolique.
Madoka Magica bénéficie d'une écriture très solide tout au long de son déroulement, gérant avec aisance le temps alloué par sa faible durée (plus ou moins 5 heures pour se faire l'ensemble!). L'intrigue, en apparence simple, s'enrichit et se complexifie au fil des révélations, mais ne tombe jamais toutefois dans le twist facile, et les clichés sont généralement habilement détournés. De plus, la série possède une vraie richesse thématique, et se permet met d'être carrément métaphysique dans sa partie finale. Bon je ne vais pas tout analyser dans le détail, certains l'ont fait bien mieux que moi, et ce n'est pas forcément mon intention en écrivant cette critique.
Le point d'accroche émotionnel de toute oeuvre de fiction, ce sont bien sûr les personnages. Ceux de Madoka Magica sont, tous autant qu'ils sont, de vraies réussites, chacun à leur manière. La Madoka du titre est curieusement la moins développée des protagonistes principale, sans doute la plus uniforme et la moins torturée, elle n'en demeure pas moins véritablement attachante (et mignonne dans le sens le plus pur et le moins pedobear du terme), et surtout sert véritablement de moteur à l'histoire et aux motivations des autres personnages. Tous révéleront leur richesse et l'étendue de leurs conflits interne, de Sayaka, la meilleure amie dévouée, à la mystérieuse Homura dont l'importance n'ira que grandissante au fur et à mesure de l'évolution de la trame. Toutes ont une solide backstory, je retiens en particulier le superbe flashback racontant l'histoire de Hyouko, et auront un rôle à jouer dans cette véritable oeuvre tragique.
L'une des grandes qualités de la série, est indéniablement son visuel. Dès le début, le parti pris est assumé : les personnages ont des traits simples, et tous mignons. A l'inverse, les décors sont très détaillés, nettement plus nuancés dans leurs couleurs, et à vrai dire véritablement magnifiques. La série exploite à merveille son univers situé dans un futur proche et offre des plans urbains de toute beauté, et des ambiances de couché de soleil tout simplement somptueuses. C'est bien simple, j'ai parfois pensé à du Shinkai. La réalisation n'est pas en reste. Intelligente, astucieuse dans ses choix de cadre, elle dynamise véritablement les scènes d'action et booste une animation en soi pas exceptionnelle même si tout à fait honorable. Mais le meilleur reste les phases durant lesquelles nos magical girls combattent les sorcières, leurs ennemies jurées. Ces instants sont l'occasion de purs délires et expérimentations visuelles, la série quitte le mode d'animation classique pour évoquer des collages en stop-motion complètement psychédéliques, ou encore des ombres chinoises lors d'un sublime combat. L'ambition artistique se ressent ainsi autant dans l'écriture que dans une patte visuelle très marquée, la série est à la fois un régal pour les yeux et un déluge d’inventivité.
J'émets également une courte parenthèse sur la musique, un autre gros point fort que je n'attendais pas forcément. La compositrice est apparemment très réputée, et c'est amplement méritée quand j'entends son travail ici. Les compositions sont tantôt mélancoliques et mystérieuses, tantôt gaies et innocentes, voire véritablement enivrantes, elles subliment parfaitement l'ambiance déjà si particulière de la série et rendent encore plus jouissives les scènes d'action. J'aurais presque envie de dire que l'OST à elle seule vaut le visionnage.
J'arrive à la fin de la rédaction de cette critique relativement frustré. Du haut de mon point de vue de profane, je voulais absolument partager ce que j'avais éprouvé en regardant Madoka Magica, j'ai essayé de faire un compte rendu point par point de tout ce qui rendait cette série géniale à mes yeux, pourtant j'ai l'impression que je n'ai pas réussi à faire ressortir tout ce que j'adore en elle, tout ce qui justifie la claque que je me suis prise il y a même pas deux jours quand j'ai fébrilement lancé les épisodes finaux. C'est bien simple, je m'attendais à un anime sympa, et je me suis retrouvé avec une perle, pas seulement un détournement, mais une série prenante et poignante, bourrée d'ambition, écrite et mise en image d'une main de maître. Je n'imaginais pas adorer à ce point, d'ailleurs je me suis fait le 3e film dans la foulée (les deux premiers ne faisant que reprendre les 12 épisodes), parce qu'il faut bien dire que la fin de la série est assez... Intéressante dirons-nous, elle ne laisse pas de marbre, je ne sais pas encore dire à l'heure actuelle si j'en suis pleinement satisfait. C'est peut-être le seul point qui me laisse un chouïa perplexe, parce que le reste c'est du solide, c'est juste énorme. Et je sais que je n'ai pas encore une énorme culture dans le domaine, mais c'est pour l'instant la meilleure série d'animation japonaise que j'ai eu l'occasion de voir, tout simplement.