Qui a tué Sara ?
4.9
Qui a tué Sara ?

Série Netflix (2021)

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Saison 1 :

"Qui a tué Sara ?" rencontre un joli succès public en France en ce moment, au point de nous donner forcément envie d’aller voir ce qu’il retourne… malgré nos indéniables préjugés, dont nous avons honte, vis-à-vis des telenovelas mexicaines, qui atteignent régulièrement les sommets du kitsch, voire du mauvais goût en termes de déballages familiaux et d’excès de pathos. Le positionnement clair (le titre d’abord) de la série de José Ignacio Valenzuela comme « whodunnit » était pourtant alléchant, et il faut d’ailleurs admettre que les premiers épisodes confirment que, oui, on a bien affaire à une énigme policière captivante. L’histoire est efficace : Alex a accepté d’être accusé de l’homicide involontaire de sa sœur, décédée d’un accident de parachute ascensionnel, pour préserver des ennuis la riche et puissante famille qui l’a accueilli en son sein ; il s’agit malheureusement d’un piège, et Alex se retrouve condamné à 30 ans de prison ! Sorti au bout de 18 ans, il va essayer de comprendre ce qui s’est exactement passé en cette funeste journée d’été, qui est responsable de la mort de Sara, et, surtout, de se venger de l’ignoble César, le patriarche de la famille Lazcano…


Valenzuela et son équipe se sont visiblement inspirés pour leur thriller des formules du polar scandinave, puisque, à la manière de "The Killing" ou de "Bron", chaque épisode va être l’occasion de soupçonner tour à tour chaque membre de la famille, en dévoilant la relation de celui-ci / celle-ci avec la fameuse Sara : ce procédé, assez mécanique, serait fatigant si le principe de "Qui a tué Sara ?" n’était pas de nous faire découvrir à chaque étape de « l’enquête » un nouveau degré d’abjection chez César et ses hommes de main, et… nous voilà de retour sur le territoire bien balisé de la telenovela, de nouveaux conflits et de nouvelles perversions au sein de la famille. Le sentiment d’outrance, et donc d’irréalité, est souvent risible, et ce d’autant que, avec un mauvais goût qui rappelle le pire des années 90, la série se met à accumuler des scènes de sexe filmées avec une artificialité « glamour » insupportable. Si l’on ajoute que le scénario prend régulièrement de grandes libertés avec la vraisemblance – il semble que la police n’existe tout simplement pas au Mexique (c’est peut-être vrai qu’elle ne se même pas des affaires des riches et puissants, après tout ?), et surtout il est peu vraisemblable qu’un « tueur » comme César ne réplique quasiment pas aux attaques d’un ennemi qu’il connaît bien -, on peut se demander pourquoi perdre un temps précieux devant "Qui a tué Sara" ?


Eh bien, c’est sans doute que la « magie » racoleuse de la série agit sur nous : il suffit de quelques interprètes bien choisis – l’Espagnol Ginés García Millán, dans le rôle de César, est une réjouissante ordure, que l’on adore haïr à chacune de ses spectaculaires apparitions -, et d’une accélération bien venue de l’intrigue dans la dernière partie de la saison, débouchant sur un « re-battage » des cartes amusant dans le dernier épisode, pour qu’on ait envie de poursuivre… On remarquera aussi, ce qui permet à "Qui a Tué Sara ?" de marquer des points, que le scénario milite ouvertement pour la tolérance envers l’homosexualité et pour l’abandon des préjugés liés à la religion catholique : on imagine que ce genre de message n’est pas anodin dans la société mexicaine, qui reste encore traditionnelle dans certaines couches de la population.


Reste une question, essentielle : saurons-nous enfin qui a tué Sara à la fin de la seconde saison ?

[Critique écrite en 2021]

https://www.benzinemag.net/2021/04/11/netflix-qui-a-tue-sara-une-telenovela-mexicaine-de-mauvais-gout-mais-addictive/

Saison 2 :

Deux mois se sont à peine écoulés depuis notre découverte de "Qui a tué Sara ?", la série mexicaine de tous les excès, qu’Ignacio Valenzuela nous livre déjà une seconde fournée d’épisodes de sa tragédie outrancière sur la Famille Lazcano et ses sombres secrets. Est-ce un bien ? On peut sérieusement en douter tant l’équipe de scénaristes semble avoir lâché la rampe et se contente désormais de dévaler les escaliers le plus rapidement possible, au détriment de toute crédibilité. Car finalement, puisqu’une partie non négligeable du public captif de la plateforme Netflix est accro aux excès en tous genres proposés dans la première saison, autant aller encore plus vite dans l’accumulation de retournements de situation improbables et dans l’enchaînement de scènes à proprement parler aberrantes : si le téléspectateur n’a pas le temps de réfléchir, de digérer les grosses ficelles qu’on lui fait avaler, tout devrait aller bien, non ?

Eh bien, pas vraiment, car même dans le monde bodybuildé et lifté de la novela mexicaine, trop, ça peut être trop… On avait compris que l’idée de départ de cette seconde saison était de nous révéler que personne parmi les protagonistes de la première ne connaissait la véritable personnalité – troublée, déviante – de la jolie Sara, ni son héritage génétique qui va constituer le sujet central de la saison. Passons sur les approximations assez révoltantes qu’on nous impose d’emblée quand il s’agit de dépeindre les schizophrènes comme de dangereux psychopathes (nous sommes malheureusement habitués à ce genre de raccourcis dans le cinéma hollywoodien…), et regrettons plutôt la multiplication d’alliances « contre nature » entre les personnages, les fréquents revirements d’opinion qui défient toute logique, le fait que les résolutions de situations ou les découvertes d’éléments-clés de l’histoire adviennent soit du fait de la présence peu explicable de protagonistes au même endroit au même moment, soit de la découverte d’objets improbables, comme la fameuse cassette vidéo du dernier épisode.

Dans ce processus quasi-hystérique de complexification, avec ajout de nouveaux intervenants, avec dévoilement d’une intrigue « souterraine », quelque chose se perd de l’intérêt initial, qui reposait avant tout sur les secrets honteux de la famille Lazcano et sur le mystère de l’accident dont avait été victime Sara. Trop de circonvolutions inutiles qui ne débouchent sur rien de tangible, comme le ridicule affrontement initial dans le parc d’attraction, ou la disparition de César, trop de décisions insensées dans la dernière partie (l’incendie du casino qui se transforme en piège, le « sacrifice » de Chema, etc. etc.), trop de scènes qui tombent dans le ridicule et ne provoquent plus que des haussements d’épaules, voire des rires gênés…

Et le pire est que, finalement, cette seconde saison apporte in extremis toutes les réponses attendues, et pourrait offrir une résolution à peu près satisfaisante de la question de « Qui a Tué Sara ? »… jusqu’aux toutes dernières minutes, littéralement consternantes quand on découvre un « nouveau twist » introduisant une… troisième saison ! C’est-à-dire véritablement la dernière chose dont le monde avait besoin !


[Critique écrite en 2021]

https://www.benzinemag.net/2021/05/31/netflix-qui-a-tue-sara-une-seconde-saison-qui-voit-les-scenaristes-lacher-la-rampe/

Saison 3 :

Qui a tué Sara ? a présenté à tous ses fans séduits par une première partie aussi efficace qu'excessive, un défi finalement inhabituel : comment rester fidèle à une série dont la seconde partie a été un gigantesque wtf qui a complètement détruit et les personnages et les intrigues initialement mises en place par José Ignacio Valenzuela et ses scénaristes ? Car nous avions aimé rechercher le ou la coupable de l'accident fatal de Sara parmi les membres d'une riche famille mexicaine particulièrement dysfonctionnelle, menée au chaos par un patriarche mafieux aux pratiques détestables, qu’on a tous adoré haïr (grâce à l’impeccable interprétation du grand acteur espagnol, Ginés García Millán, une tête au-dessus du reste de la distribution !). Malgré les invraisemblances incessantes, nous avions suivi avec passion (bon, disons « presque avec passion ») le déroulement de l'enquête et des plans de vengeance d'Alex, le frère de la victime injustement condamné. La seconde bordée d'épisodes, en inventant une improbable condition schizophrénique pour Sara, et en la transformant en infâme manipulatrice, avait pour le coup démonté toute l'empathie que nous avions pu ressentir pour les protagonistes, et se terminait pas une révélation pas du tout convaincante. Dépités, il nous a bien fallu attendre l'arrivée de l'été, saison propice au visionnage de films et de séries peu ambitieuses, pour trouver l’envie de nous lancer dans les 7 épisodes de la dernière partie. Afin de savoir finalement qui avait VRAIMENT tué Sara.


Sans plus attendre, reconnaissons que Qui a tué Sara ? retrouve dans cette troisième partie une certaine crédibilité et se conclut de manière à peu près satisfaisante, à peu près logique, sans non plus nous épargner une bonne dose de mélodrame sans lequel une novela mexicaine ne serait pas une novela mexicaine. Pour ce faire, les scénaristes ont eu l'idée - pas si bête - de superposer sur tout ce que nous savions déjà une nouvelle intrigue, qui vient donc prendre le relais des différents conflits au sein et autour de la famille Lascanos que nous connaissions déjà : c'est clairement osé, voire très gros, mais ça fonctionne, en dépit de notre résistance initiale. Ce twist scénaristique repose sur l'apparition d'un nouveau personnage, Raymond, joué par notre Jean Reno national, qui se débrouille plutôt bien en espagnol. Et dont, au final, on est bien en peine de dire si son interprétation est très mauvaise ou au contraire très bonne, tant il est décalé par rapport à la pétulance exagérée et à l'énergie caricaturale du reste du casting.


Plus intéressant encore est le sujet "politique" traité dans cette saison, celui du refus, dans la société mexicaine, de l'homosexualité, assimilée à une maladie mentale et traitée comme telle via des thérapies à la violence insoutenable. On ne s'attendait pas à ça, et c'est finalement tout à l'honneur de José Ignacio Valenzuela d'avoir conféré in extremis un véritable sens à ce thriller que l’on a toujours considéré comme passablement décérébré.


Sinon, il reste beaucoup de choses critiquables dans cette troisième partie, qui a tendance à nous faire avaler de grosses doses d'invraisemblances en passant en force grâce à une narration accélérée, conjuguant différentes temporalités qui visent à nous faire comprendre une histoire très complexe avec un minimum d'explications. On regrettera le retour du patriarche devenu d'un coup un peu trop sympathique (même si les dernières minutes de la série justifient ce revirement), la partie pénible et peu convaincante du séjour de Chema en prison (même si elle permet finalement d’introduire la question du « traitement » de l’homosexualité), ou encore les facilités scénaristiques relatives au talent de Alex en hacker de haut niveau capable de trouver en quelques clics la réponse à n’importe quelle situation désespérée…


Mais on ne peut nier être soulagés de ce redressement inattendu d'une série qui nous avait tant déçus… et qu’on peut laisser désormais, en toute tranquillité, s’effacer de notre mémoire.


[Critique écrite en 2022]

Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2022/07/18/netflix-qui-a-tue-sara-3eme-partie-vers-une-conclusion-acceptable/

EricDebarnot
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le 20 juil. 2022

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Eric BBYoda

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