Rabbits
7.1
Rabbits

Websérie (2002)

Coucou, tu veux voir Rabbits ?

A la base simple série de huit épisodes mis à la disposition des spectateurs sur le site internet de David Lynch, certaines scènes ont été insérées dans le film Inland Empire (sorti en 2006). L’ensemble des épisodes forme un film d’environ cinquante minutes.

La première œuvre que j’ai vu de David Lynch est Mulholland Drive (sorti en 2001, un an avant Rabbits). J’en suis ressorti vidé, les nerfs usés et l’esprit époustouflé par ces scènes si longues, les musiques lancinantes d’Angelo Badalamenti et par cette atmosphère si sombre.
Evidemment, Rabbits apparait donc à mes yeux comme un petit bijou. Sautez au dernier paragraphe si vous voulez quelque chose de plus concis.

Rabbits est un film terrifiant, absolument déconcertant dans sa simplicité. Il ne consiste qu’en cinquante minutes de plan fixe dans ce qu’on interprète comme un petit salon dans un appartement sombre. Il n’y a que trois personnages, trois lapins anthropomorphes à la démarche raide, ne montrant ni émotion ni véritable signe de vie en dehors de quelques paroles sporadiques. Ils sont tous les trois joués par des acteurs engoncés dans des costumes imposants, dérangeants dans les ombres qu’ils projettent sur les murs ou les silhouettes que les lumières découpent.
Les quelques lignes de dialogues sont absurdes, deux personnages se parlent sans que l’ordre des paroles ne corresponde ni que le troisième ne décroche un mot de tout le film (troisième personnage qui reste assis sur le canapé à regarder le spectateur pendant cinquante minutes).
La mise en scène rappelle les pièces de théâtre de Samuel Beckett (je pense ici à Fin de partie, 1957, à l’univers si sombre et aux personnages qui n’en sont finalement pas vraiment) où il développe ce monde terrifiant, très lent et lourd. David Lynch pensait bien évidemment beaucoup plus aux sitcoms en réalisant son film mais la comparaison me semble nécessaire.

L’ambiance sonore est la grande réussite du film selon moi. Angelo Badalamenti, le compositeur et ami de Lynch, a réalisé ici un véritable chef d’œuvre qui fonctionne à la perfection avec les visuels. Les trois notes répétées sans cesse plonge Rabbits dans un environnement lugubre. Les lapins attendent quelque chose dans la crainte et la mélodie Badalamenti, pourtant si simple, me scotch toujours autant à mon siège.
Les bruitages sont épouvantables : une pluie battante arrose la fenêtre des lapins, un public absurde applaudit parfois les paroles ou rares actions des « personnages ». Lorsqu’après quarante bonnes minutes de visionnage les bruits de pas d’un quatrième protagoniste se font entendre, mes testicules se sont atrophiés. Je ne parle même pas d’une des scènes de fin d’Inland Empire (non présente dans Rabbits mais avec les personnages du film) qui m’a constipé pendant une semaine.

Je ne vais pas me lancer dans la périlleuse épreuve d’analyser et donner un sens à un film de Lynch, beaucoup peuvent être trouvés, aucun n’est exclusif à un autre. Lynch a très probablement voulu réaliser un nouveau film sur le rêve, la réalité perçue et la réalité objective ainsi que la relation entre les trois (une thématique qui traverse toute l’œuvre de David, car appelons le David maintenant qu’on est intimes). Rabbits est un film magnifique, d’une beauté et d’une monstruosité fascinantes. Pour son ambiance lugubre et pour sa musique, il vaut largement le coup. Si je ne lui ai pas mis 9 ou 10, c’est parce qu’il est l’un des films les plus obscurs de Lynch et qu’on ne peut le voir sans s’être mouillé un peu avant avec des Lynch plus abordables.
Une fois qu’on est dans le bain, Rabbits devient un régal, une merveille de terreur.
Ptah
8
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le 14 févr. 2013

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Ptah

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