Sur la vignette, comme pour un prank, on trouve une phrase communément adjectivée "putaclic", et toujours prévisible à l'avance : une comédie française qu'on s'est forcé à aller voir parce qu'on sait que ça fera beaucoup de vues parce que les gens aiment bien entendre des punchlines se défouler sur des victimes faciles au lieu de chercher le débat ou de comprendre les intentions ? "Aidons le cinéma français !" (oui mon gars, c'est clair que tu vas beaucoup plus l'aider en allant voir "Alad'2" et en en parlant, plutôt que pour "En guerre"...). Un blockbuster qui a déjà eu des échos, un bouche-à-oreilles ? Reproduction du même ressenti en une phrase, avec exactement les mêmes arguments. On ouvre la vidéo : chez Régis (oui il s'appelle pas comme ça et ça vient de Analgénocide, mais sa seule bonne vidéo le concerne, et effectivement son pseudo est particulièrement nul), on a un fond vert extrêmement uni. Et de pauvres incrusts chinés sur Google Images de temps en temps. Chez ses camarades "critiques" ciné, ben c'est leur salon. Pas un seul élément de cinéma, avec un grand C en tout cas, dans leur décor. On pense tout de suite aux deux seuls étalons dans le game de la critique ciné, le Fossoyeur et l'équipe de Karim Debbache, et ça fait mal aux souvenirs. Chez Régis, la prise son est sûrement au Rhode posé, chez ses camarades dans le meilleur des cas on voit le micro (en mode radio tu vois). Dans tous les cas, t'entends l'acoustique à mort. Et ce sont eux, du coup, qui peuvent venir nous parler mise en scène ? Ok, tout le monde a le droit de donner son avis, au fond ils ne demandent rien d'autre. Et c'est leur droit : ils sont très attaqués sur les réseaux sociaux, tous ces Régis, et comme toute attaque virulente sur le net (et elles sont malheureusement devenues banales...), c'est pas excusable. Ils sont pas méchants ces gars: c'est juste qu'objectivement, leur avis a exactement le même intérêt que celui de toi et moi. A l'époque où le Fossoyeur sortait ses après-séances, tu sentais qu'il avait potassé la chose, il sortait des réflexions que je ne m'étais pas posées. Par exemple, pour "Nymphomaniac", si il me l'avait pas dit, je ne me serais jamais dit que la séquence du père de famille avait vocation à être également comique ! Pour Karim Debbache, même si on n'était pas dans l'actualité, l'analyse utilisait totalement les spécificités de la vidéo, en démontrant des exemples précis et en assumant parfaitement ses goûts (tout en possédant une réflexion et une ouverture d'esprit exemplaires). Régis, il l'a pas vu, "Nymphomaniac". Par contre, il rate jamais aucun blockbuster sur Netflix. Quand tu regardes ses analyses, on a des "arguments" ahurissants : complimenter l'évolution des personnages ou des parallèles scénaristiques, cela n'a rien d'exceptionnel, cela s'appelle de la narration et ce genre de choses devrait être aussi normal aujourd'hui qu'elles ne l'étaient dans les années 70. Remarquer que la mise en scène est dynamique à un moment, puis posée à un autre, est quelque chose qui s'assimile dans l'instant, c'est extrêmement basique. Dire qu'un acteur est bon ou pas bon n'a pas de sens, s'il n'y a pas de réflexion sur les nuances ou d'explications sur leur imposition cela ne veut rien dire. Là, pour la plupart du temps, je viens d'énumérer tous les départements créatifs abordés, en survol donc, dans les vidéos. Je retrouverai les mêmes remarques chez Mister Clapman (là aussi un nom très pourrave) ou chez Dirty Tommy (my god) : on a aucune personnalité culturelle propre, aucun goût un peu plus osé (parce qu'aimer Marvel, contrairement à ce qu'ils croient, est ce qu'il y a de plus commun aujourd'hui). Personne ne parlera de films plus exigeants sortis, ou diffusés avec plus de difficultés, personne n'évoquera de films qui n'existeront jamais aux yeux des réseaux sociaux de mes deux. Quand Régis fait des vidéos qui n'ont pas de rapport direct avec l'actualité, pour défendre une cause aussi juste que les films de super-héros, c'est magique : "gna gna gna, c'est des fermés d'esprit, moi j'aime bien Tarkovski qu'est-ce que tu vas faire, gna gna gna vous savez pas ce que ça signifie d'organiser un planning comme ça, gna gna gna abonnez-vous". Mon cher Régis, c'est justement parce qu'il y a ce planning de feuilleton à échelle colossale que je peux pas regarder un Marvel tout seul : je peux pas regarder Ant-Man 2 sans un pote derrière pour m'expliquer tel agissement (quand ça m'intéresse). Et ça, tu vois, ça veut dire que le film n'existe pas par lui-même, et de par le fait qu'il n'y a pas d'auteur derrière. Même James Gun, désolé, je l'aime bien mais regardez ses autres films ; pareil pour Joss Whedon, c'est un cinéaste qu'on a castré, comme tous les autres. Pourtant, j'aime bien certains Marvel, "Les gardiens de la galaxie" m'éclate de façon authentique, mais je sais très bien que j'en ressortirai comme je suis entré (contrairement à un film d'Edgar Wright, pour rester dans le divertissement). Un peu comme pour ces vidéos, en fait. Niveau montage de ses ""critiques"", on a des cuts, sans doute parce qu'il avait des blancs entre ses "arguments". La musique, bon on peut pas lui reprocher que ce soit du libre de droit, mais là encore il pourrait ne pas y en avoir, ce serait pareil. Il pourrait écrire sur un blog, la seule différence, c'est que son avis serait moins diffusé. Avis dont on se branle, car il ne s'appuie que sur une subjectivité qui ne sait pas faire la part des choses. Avis dont je me branle, parce que pour moi, la cinéphilie, ce n'est pas forcément aimer Tarkovski ou se forcer à regarder Murnau (j'aime pas Hitchcok, voilà c'est posé) : être cinéphile, c'est juste de la curiosité culturelle, c'est ne pas s'arrêter devant l'époque, le genre ou l'exploitation de telle oeuvre, c'est la prendre telle qu'elle est et ne rien désirer d'autre que la regarder. Là, cette semaine est sorti un documentaire hyper intéressant, "Sur la route de Compostelle", et je sais qu'il n'en parlera pas : il a déjà parlé d'un documentaire ? Même avec Jacques Perrin derrière, aucune chance : qu'est-ce que Twitter en a à foutre de pèlerins qui traversent la France et l'Espagne à pieds ? Et c'est ça mon unique et vrai reproche à Régis et à sa bande de copains : ils ne sont pas cinéphiles. Des gens qui aiment le cinéma, il y en a partout. Ils sont juste des personnes lambdas qui ont besoin d'exister. Parce qu'au fond, ils peuvent disparaître de la toile du jour au lendemain, tout le monde s'en branle aussi, inutiles sur Youtube. Contrairement à Karim Debbache qu'on réclame et au Fossoyeur qui est carrément plus ambitieux.
Je terminerais cet agacement triste par dire que vous, les membres de Senscritiques, vos critiques valent plus pour moi que les leurs (en tout cas ceux de mes éclaireurs, forcément) : vos avis sont réfléchis, plaqués sur le papier, et pour certains d'entre vous, vous abordez même tous les départements créatifs. Même quand il s'agit d'évoquer des anecdotes personnelles liées, si Régis c'est "Marvel il m'a vu grandir c'est pour ça que c'est trop cool, gna gna gna, abonnez-vous", quand je lis qu'un jeune homme gravement malade a eu le moral sauvé grâce à "Pulp Fiction", j'entrevois beaucoup plus d'amour du cinéma que chez lui. C'est pour ça que je suis sur ce site et que je l'aime toujours autant. J'espère que vous aurez aimé ce suçage final, c'était aussi inspiré que ces lambdas devant chaque film systématique de Tarantino, parce que tu comprends, Tarantino c'est Tarantino en fait.