Docteur House of Cards

Une excellente mini-série politique anglaise, dont hélas personne ne parle en France (apparemment "Roadkill" reste invisible dans notre beau pays - hors streaming), malgré la présence comme tête d'affiche de l'illustre Hugh Laurie, dans le rôle d'un politicien ambitieux et sans scrupules.

Oeuvre du dramaturge Sir David Hare (scénariste notamment de la série "Collateral"), le show a pourtant beaucoup fait parler de lui au Royaume-Uni, provoquant une polémique sur la neutralité bafouée de la BBC, la télé publique britannique étant accusée de diffuser une image dévalorisante du parti conservateur.
Car le ministre ultra-libéral incarné par Laurie est effectivement chargé : menteur, arriviste, infidèle, opportuniste, de sorte que les têtes pensantes des tories se sont senti blessés dans leur honneur...

Pourtant, "Roadkill" s'avère bien plus subtile, puisque la série parvient à rendre sympathique cet anti-héros ambivalent, self made man issu des couches populaires, qui révèlera en outre de vraies qualités humaines (sans tomber dans la rédemption facile d'une série grand public, je vous rassure). Et puis, même au cours de ses pires magouilles, qui pourrait raisonnablement détester un personnage ayant les traits de Hugh Laurie?

Outre sa description sans fard du monde politique, la grande force de "Roadkill" réside dans son amplitude thématique et ses changements de tonalité successifs : on pense d'abord assister à une série politique classique, avant de basculer vers le thriller journalistique, puis vers le portrait tout en nuances d'un homme complexe, assortie d'une réflexion sur l'ambition et le pouvoir. Avant que le troisième épisode nous plonge en plein drame familial, avec toujours une qualité d'écriture et d'interprétation remarquable.

La sphère politico-médiatique est dépeinte avec un regard singulier, moderne, à la fois ironique et assez profond.
De ce point de vue, "Roadkill" se distingue nettement de la référence "House of Cards", car le cynisme du héros Francis Urquart restait assez schématique. Peter Laurence apparaît infiniment plus complexe, c'est lui aussi un requin, mais il reste d'abord un être de chair et de sang, souvent imprévisible.

D'ailleurs la mini-série se garde bien de proposer un dénouement simple et carré : certains arcs narratifs trouvent une issue, d'autres restent en suspens (libre à chacun d'interpréter certains dialogues, certaines attitudes...) : la vie politique suit simplement son cours, complexe et déroutante.

Aussi audacieux soit ce dénouement assez abrupt, il faut néanmoins admettre que cette fin ouverte apparaît frustrante, laissant le spectateur sur une impression mitigée par rapport à l'excellence de ce qui a précédé. Parmi les rares défauts de "Roadkill", on signalera aussi la médiocrité des quelques rares scènes d'action (cf l'accident de la route en fin d'épisode 2).