Loin du sensationnalisme racoleur du genre "true crime" et des pseudo documentaires Netflix, Sambre adopte un ton digne et juste, sobre sans être froid, sensible sans être mélodramatique, franc sans être cru.
On sent la volonté de respecter les victimes et leur traumatisme, tout en rendant l'histoire personnelle et accessible. J'ai particulièrement apprécié le fait que la série nous épargne les scènes de viols, inutiles au propos et pourtant si souvent imposées au spectateur dans le traitement de ce genre de sujets.
Il n'est pas question ici de suspens (le coupable est d'ailleurs révélé dès le 1er épisode), il s'agit plutôt de comprendre, vu de l'intérieur, comment une telle affaire a pu rester non résolue pendant 30 ans, malgré des dizaines de victimes réparties sur toute cette période quasi sans interruption, et dans la même zone géographique.
Par l'habile découpage des épisodes, chacun centré sur un protagoniste clé de l'affaire, la série met en lumière les couacs, les grains de sable dans l'engrenage de cette enquête fleuve. Avec en premier lieu la prise en charge désastreuse des victimes (minimisation des faits, remise en question de la véracité des déclarations, dépôt de mains courantes plutôt que de plaintes, etc) tristement habituelle dans les cas d'agressions sexuelles, cette affaire aura de surcroit fait les frais de nombreux autres éléments ayant contribué à brouiller les pistes. Entre autres, le manque de moyens des commissariats, l'absence de communication entre les secteurs, les erreurs de profilage psychologique du violeur, sa parfaite intégration sociale dans sa ville et notamment ses relations amicales avec les policiers locaux, etc. Sans oublier le contexte social (fort taux de chômage) et la volonté politique de ne pas trop ébruiter l'affaire pour éviter une "mauvaise publicité" qui risquerait de faire fuir les potentiels investisseurs et industriels.
Chaque personne s'étant penchée sérieusement sur cette enquête aura contribuer à la faire avancer, plus ou moins, sans réussir à la résoudre, avant qu'elle retombe dans l'oubli pour quelques années et que l'histoire se répète. Et ce durant 3 décennies, jusqu'à l'intervention d'un commandant (et de son équipe) chargé de cold cases, qui reprendra tout depuis le début, fera le lien entre toutes les victimes, et finira par identifier et arrêter le coupable.
Cette affaire enfin close contribuera, on peut l'espérer, à faire évoluer les pratiques policières et judiciaires, en particulier concernant les crimes sexuels, si mal traités encore aujourd'hui.