Secret Level
6.1
Secret Level

Dessin animé (cartoons) Prime Video (2024)

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Love, Death & Robots est une série anthologique très sympa. Elle ne réinvente pas la roue en termes de SF, pour quelques épisodes très cools voire excellents on a un paquet de cinématiques de jeux-vidéo à peine potables, mais au moins elle permet à des animateurs des quatre coins de la planète de créer des courts-métrages aux styles variés et allant parfois vers l'expérimental.


Secret Level, c'est un peu comme si Love, Death & Robots avait été conçu par un algorithme de plate-forme de streaming gérée par une entreprise multimilliardaire, remâché par une armée d'actionnaires sociopathes, remodelé par des patrons cocaïnomanes, écrasé par des producteurs qui sortent de désintox, jeté contre les murs par un cinéaste qui a commis le premier Deadpool et Terminator Dark Fate puis évacué dans la cuvette d'Amazon Prime.

Secret Level, c'est un terrible échec pour de nombreuses raisons mais en premier lieu parce qu'on n'en comprend absolument pas le concept. Quand on dit "Love, Death & Robots", on a directement l'idée d'Eros et Thanatos qui côtoient la science-fiction, donc on comprend que la série sera à thématique SF et visera un public adulte.

Qu'est-ce que Secret Level ? Difficile à dire puisque certains épisodes se pensent clairement comme dans la continuité de jeux déjà existants, d'autres sont des espèces de relectures, certains sont totalement incompréhensibles si on ne connait pas le jeu de base,...

Cette absence de ligne directrice claire est renforcée par l'étrange choix des jeux exploités. D'accord pour SIFU, Pac Man ou Mega Man car ce sont soit des jeux cultes qui ont traversé les générations, soit des licences qui ont réussi à toucher un large public.

Mais quel est l'intérêt de mettre en scène des jeux qui ne sont même pas encore sortis en dehors d'une bande-annonce à peine dissimulée ? Et pourquoi ne pas avoir coupé l'épisode sur Concord, le fameux jeu-service phénomène conçu pour durer des années... qui a vécu environ 2 semaines et a disparu dans l'indifférence générale ? Incompréhensible.


Mais pour bien comprendre l'échec, il faut revenir sur chaque épisode individuellement. Je préviens, ça va saigner.


1. Donjons & Dragons : Le Berceau de la reine

Il faudra m'expliquer pourquoi une série anthologique sur le jeu-vidéo démarre sur un épisode dédié à un jeu de rôle... D'accord, Baldur's Gate 3 se passe dans un des nombreux univers parallèles de Donjons & Dragons et a été un véritable phénomène de société, mais ce choix est particulièrement étrange. Une histoire de fantasy basique racontée en moins de 15min qui se coupe juste au moment où ça devient intéressant, et qui en plus ressemble à un copier-coller à peine assumé de la toute première cinématique de Diablo IV (qui faisait aussi 15min et était largement meilleure) ! Et puis j'ajouterais que l'esthétique supra-méga-over-réaliste-4K-mes couilles est sympa, mais si c'est pour modéliser aussi mal le visage de la magicienne gnome...


2. Sifu : Le prix d'une vie

Pas grand-chose à dire car on est pile dans l'ambiance et l'esthétique du jeu de base, les chorégraphies de combat sont correctes, mais encore une fois ça ne raconte rien.


3. New World : Un roi en devenir

Je n'ai jamais joué à New World, à la fin de cet épisode je ne sais toujours pas ce que c'est et en plus je n'ai aucune envie de m'y intéresser. Parce que moi, un court-métrage qui ne tient que sur une seule blague, à savoir "Ah bah le roi il est vraiment très très con !", et qui s'en fout de me raconter une histoire, ça me donne juste envie de me barrer le plus vite et loin possible...


4. Unreal Tournament : Xan

Déjà, je trouve absolument fabuleux que le premier FPS multijoueur mis en valeur par cette anthologie soit une licence qui a 20 ans et qui semble juste avoir été acollée au pif sur une histoire de SF basique qui nous rejoue le premier Gladiator sans Russell Crowe et sans jupettes et donc avec beaucoup d'intérêt en moins. Reconnaissons au moins que c'est divertissant et que c'est le premier vrai authentique court-métrage de Secret Level, qui a un début, un milieu et une fin, qui se suffit à lui-même et ne demande pas de connaitre la licence de base pour être apprécié. Ça serait toujours un épisode de Love, Death & Robots insipide, mais au moins ça se regarde.


5. Warhammer 40,000 : Ils ne connaîtront pas la peur

Ah voilà ! La (seule) raison pour laquelle les gens en ont quelque chose à faire de cette série et qui a pratiquement été son seul argument de vente. On est encore sur un court-métrage autosuffisant. Certes, il se place dans la continuité du jeu Space Marine 2 et dans l'univers plus global de Warhammer 40000, mais il ne nécessite pas du tout d'avoir joué à l'un ni de s'y connaitre dans l'autre. L'introduction prend soin de nous poser ce que sont les Space Marines et pourquoi ils se battent, et finalement le rapport avec SM2 est très mince, donc je pense que n'importe qui pourrait rentrer dans cet épisode, qui est d'ailleurs le meilleur de Secret Level avec un autre. Parce qu'on est sur du bon spectacle, avec de la mise en scène sobre mais efficace, une vraie recherche au niveau du sound-design et des jeux de lumières. On a l'impression que les animateurs ont voulu faire une vraie petite histoire, pas juste un trailer cinématique diffusé aux Game Awards.


6. PAC-MAN : Cycle

Que se passe-t-il quand des individus peu compétents ont entre leurs mains une licence culte caractérisée par des éléments de lore très simples et mignons ? Réponse : Ils te font une parodie pseudo-philosophique où il se croient super intelligents à vouloir donner de la profondeur à une boule jaune qui gobe des fantômes, mais ont à peine plus de subtilité qu'une creepypasta d'horreur parodiant un dessin-animé pour enfants...


7. Crossfire : Les Bons et les Méchants

Et là vous allez me demander "Kékeussé Crossfire ?" J'en sais rien. Visiblement un Call of Duty de plus avec plein de jolis graphismes super beaux et une écriture extrêmement fine qui pour te montrer qu'on n'est pas dans une histoire manichéenne fait dire à des personnages des deux camps "C'est pas nous les méchants".

Jetez-moi ça dehors...


8. Armored Core : L'homme et la machine

L'autre argument de vente de Secret Level et le second meilleur épisode ! Armored Core s'est toujours caractérisé par son absence presque totale de personnages installés. On incarne un pilote qui contrôle un robot géant, mais on ne raconte pas son histoire car il n'est qu'un véhicule pour le joueur. Le court-métrage décide donc de faire ce que cette anthologie aurait dû faire à chaque épisode, à savoir s'intéresser aux angles morts des jeux abordés, ici le quotidien d'un pilote d'Armored Core rendu profondément antisocial à cause de ses connexions répétées à la machine qui devient sa véritable enveloppe corporelle. Et si on ajoute à ça le fait que le pilote en question est joué par Notre Père qui Êtes aux Cieux Keanu Reeves, donc l'homme qui a renoncé à la connexion à la Machine pour retourner au réel, à l'arrivée on a un court-métrage bien emballé, autosuffisant, divertissant et qui surtout assume un ton profondément pessimiste sur l'être humain. Un régal !


9. The Outer Worlds: The Company We Keep

Ça avait l'air tellement passionnant que j'ai regardé en accéléré.


10. Mega Man: Start

Bonjour épisode 10 de Secret Level.

Va bien bouffer tes grands morts, épisode 10 de Secret Level.

Pardon, mais on a 8 minutes réduites à 5 à cause du générique de fin, et tout ça pour ce qui serait à peine digne de la pire cinématique d'introduction d'une contrefaçon thaïlandaise d'un jeu Mega Man. Ça ne raconte rien, ça n'a pas beaucoup de gueule, c'est le premier épisode arnaque de l'anthologie.


11. Exodus: Odyssey

Faire des épisodes sur des jeux peu voire pas du tout connus me questionne déjà beaucoup, alors le faire sur un jeu qui n'est même pas sorti ! Certes, on a là un vrai court-métrage qui se repose un peu trop sur sa repompe d'Interstellar pour être honnête et qui n'a tellement pas de temps pour raconter son histoire qu'il passe par une voix-off sur-explicative du début à la fin, mais au moins, au moins, c'est regardable.


12. Spelunky: Tally

"Hoho, dans les jeux-vidéo on meurt tout le temps et on revient à la vie, c'est un peu une métaphore des épreuves de la vie, on est trop des incroyables théoriciens du jeu-vidéo !"

- L'équipe derrière ce court-métrage, probablement.

C'est presque mignon de voir une équipe d'animation découvrir le monde du jeu-vidéo, ses règles et les réflexions qu'on a tous eues un jour en jouant, mais j'aurais préféré qu'ils passent un peu plus de temps à bosser leur histoire...


13. Concord: Tale of the Implacable

Faire un épisode sur un jeu qui n'est même pas sorti me questionne déjà beaucoup, alors le faire sur un jeu mort-né !! Tu sens que l'épisode était prévu comme une espèce de petite pastille pour les "fans" hypothétiques de Concord dans une dimension parallèle où le jeu n'aurait pas été la catastrophe industrielle qu'il a été, il y a donc quelque chose d'assez pathétique à regarder cette repompe des Gardiens de la Galaxie nous hurler toutes les trois secondes "Eh regarde je suis cool, je suis délirant, j'ai des personnages marrants ! J'ai du rock des 60's ! J'ai plein de couleurs de partout ! Je t'en supplie, aime-moi !!"

Un point en plus pour la pitié, next.


14. Honor of Kings: The Way of All Things

Il fallait bien flatter le marché chinois. Dommage, Secret Level a probablement été produit avant l'incroyable succès critique de Black Myth Wukong. On se retrouve donc avec un univers de jeu pour iPhone totalement inconnu au bataillon, à la mythologie particulièrement opaque et desservi par une mise en scène qui en fait des giga-tonnes en permanence. C'est joli à regarder, mais ça ne casse pas trois pattes à un canard.


15. Playtime: Fulfillment

Le moment précis où Secret Level se rend compte qu'il ne nous a rien raconté pendant environ 10 épisodes sur 14, n'a fait que nous donner des pubs de jeux mal faites alors qu'on avait signé pour un peu plus que ça et surtout qu'elle n'a pas repompé suffisamment d’œuvres culturelles pour masquer son manque total d'identité visuelle et thématique. C'est donc le moment précis où Secret Level abandonne, devient le Ready Player One de Wish en te balançant toutes les références aux jeux Sony du moment et en priant pour que ça buzze sur TikTok. Encore une fois, ça n'est pas mal fait visuellement, on a toujours les belles textures de peau 8k haute définition du photoréalisme de la mort qui tue qui commencent vraiment à me saouler parce que ça ne sert à rien à part frimer sur les réseaux sociaux, c'est beau à regarder, mais c'est creux.


C'est le meilleur moyen de résumer Secret Level, qui n'est qu'une démo technique géante qui parvient à faire honte à certaines licences qu'il reprend et ne leur accorde aucun respect. Il y a mille et une choses passionnantes à faire avec l'adaptation des jeux-vidéo vers d'autres médias, il y a la possibilité de s'inspirer de la philosophie et de la construction narrative autour du gameplay pour repenser la façon dont on raconte les histoires. Secret Level s'en fout. Secret Level n'a gardé du jeu-vidéo que les jolis images de synthèse, qui s'en fout de ce qu'est le jeu-vidéo en tant qu'art, veut juste vaguement reprendre des univers connus pour raconter des histoires insipides vite consommées, vite oubliées, ou bien s'improviser grand penseur du vidéoludique après avoir fait 3 parties de Pac-Man.

Secret Level est l'exemple précis de pourquoi le cinéma et la série n'ont toujours pas compris le jeu-vidéo, pourquoi ce mariage reste toujours impossible et pourquoi l'industrie du divertissement tout entière est dans une longue phase de déclin artistique.

15 épisodes pour mettre à bas la société du spectacle, mes félicitations Prime Video...

Arkeniax
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le 19 déc. 2024

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Arkeniax

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