Un reboot inespéré mais bien trop rushé

Ça va le faire.

Manta est un élève modèle qui passe sa vie à étudier, ne lui laissant pas de temps libre pour se faire des amis.

Un jour où il rentre tard, il décide de couper par le cimetière du coin pour arriver plus vite. C'est alors qu'il croise un étrange garçon entouré de fantômes.

Le lendemain, il retrouve ce nouveau garçon en classe : Il s'appelle Asakura Yoh et il peut voir les esprits car il est un shaman. Et il va participer au tournoi de shamans qui a lieu tous les 500 ans, le Shaman Fight, qui élira le nouveau Dieu de ce monde

Introduction

Shaman King est à la base un shônen manga de TAKEI Hiroyuki publié de 1998 à 2005 dans le Weekly Shônen JUMP. Sa première édition s'étale sur 32 tomes qui malheureusement voit la fin de l'histoire tronquée. L'auteur reprendra plus tard son œuvre en y ajoutant un tome supplémentaire venant enfin servir de conclusion.

Fort de son succès à l'époque de sa publication, Shaman King se voit adapté dans une première version animée en 2001. Le manga n'étant pas encore terminé à ce moment-là, l'anime sera principalement composé d'épisodes fillers avec une intrigue inédite créée pour l'occasion.

Ce n'est qu'en 2021 que l'anime aura droit à un reboot complet en 52 épisodes par les studios Bridge qui s'intitulera sobrement Shaman King (2021). Ce reboot adaptera donc l'histoire originale du manga du début jusqu'à la fin.

Cette critique s'attardera donc sur la deuxième adaptation reboot de ce manga culte. J'insiste sur le terme "adaptation" puisqu'il s'agira du thème principal de la critique ici présente. Si vous souhaitez simplement avoir une critique plus globale de l'œuvre en elle-même, je vous redirige vers ma critique du manga original.

Le reboot du rush

L'anime de 2021 démarrera, il faut bien le dire, sur les chapeaux de roue !

En effet, au vu des 52 épisodes annoncés, les fans ont dès le départ été plus que dubitatifs quant à la qualité de l'adaptation devant l'ampleur du manga à adapter. Et les craintes se confirmeront rapidement puisque les 15 premiers épisodes sont une sorte d'avancée super rapide du manga. On y suivra Yoh et Manta, devenus amis, découvrir l'univers des shamans ensemble. Tandis que le manga prenait son temps en introduisant diverses petites historiettes avec notre fantôme du jour que Yoh tentait d'aider, l'adaptation elle va sauter tous ces chapitres pour ne garder que ceux qui feront avancer l'intrigue, c'est à dire principalement ceux où Yoh rencontrera ses futurs alliés pour le Shaman Fight à venir. Alors le tout n'est pas inintéressant mais on ressent tellement l'effet de rush qu'on peine à tout ingurgiter ou plus simplement à s'attacher à tous ces personnages qui défilent.

Néanmoins cela s'arrangera dans la seconde partie allouée donc au fameux tournoi.

Le Shaman Fight se déroule en deux parties, la première qui est la phase des qualifications où Yoh se frottera à ses futurs amis qui parviendront finalement tous à participer au tournoi. Cette partie là commence déjà à un peu mieux trouver son rythme mais le tout reste quand même encore assez brouillon par moment.

L'anime entrera finalement dans son rythme de croisière lorsque nous arriverons au Village Pache, endroit où se déroule le tournoi du Shaman Fight. Et là, comme déjà dit dans ma critique du manga, il sera très difficile de dire de quoi parle Shaman King désormais. Car on y reviendra en détail plus bas mais là où le premier anime suivait une trame typiquement shônen, ce n'est pas du tout le cas pour le manga original qui se place plutôt comme un anti-shônen. Des matchs il y en aura, des combats hors matchs aussi, mais ce n'est pas ce que l'anime cherchera à nous montrer. Aussi la plupart des événements seront rarement anticipables, chaque faction se battant généralement en dehors du ring et le plus souvent à coup de dialogues. Ce qui importera dans ce "Shaman Fight", ce sera avant tout l'état d'esprit dans lequel se placent les personnages au moment de leurs duels et comment tous ces shamans vont coopérer pour se liguer ensemble contre l'ennemi commun à priori insurmontable qu'est Hao, le principal antagoniste de la série qui amènera avec lui bon nombres de questions d'ordre plus philosophiques. C'est donc une vision totalement différente de ce que l'on aurait pu imaginer du Shaman Fight qui se déroulera ici et c'est en ça que Shaman King parviendra à se différencier des autres animes shônen.

Mais comment se conclue donc notre reboot ?

Eh bien la version de 2021 continuera simplement sur sa lancée, à savoir adapter le manga en propre et en ordre. Peut-être malheureusement un peu trop, conservant les mêmes effets de rush auxquels avait été contraint Takei qui était limité par le nombre de chapitre pour sa conclusion pourtant si attendue à l'époque. Le tout est intéressant, oui, mais tout se passe tellement vite !!

Et puis nous arrivons également à... cette fin. Mais si, vous savez, cette fin qu'on avait tant espérée et devant laquelle on était tous resté pantois à l'époque. Alors je vous le dis net, ils l'ont gardé telle quelle ! Aucun changement, c'est celle de Takei, qu'on l'ai aimé ou non. Là encore c'est à chacun de juger de la pertinence du message apporté, néanmoins ça ne lui enlèvera toujours pas cet effet anti climatique qui ne pourra laisser indifférent (malheureusement ou heureusement, je vous laisse être juge !).

Le reboot complet mais pas trop

Ainsi, dix années après la première adaptation animée totalement libre, ici nous avons enfin droit à notre reboot complet ! Néanmoins on remarquera vite que l'anime de 2021 possèdera toutes les qualités qui manquaient à celui de 2001 mais également tous les défauts que celui-ci était parvenu à combler.

Notre reboot ici présent avait donc pour but d'adapter le manga le plus fidèlement possible. Et fidèle il l'est, oui, mais dans une moindre mesure puisque comme dit précédemment, le rush est de mise dans la première partie afin de permettre à l'anime d'entrer directement dans le vif du sujet, à savoir le Shaman Fight qui démarre au tome 13 (ici à l'épisode 18 seulement). Dans notre reboot, toutes les scènes superflues qui, c'est vrai, alourdissaient parfois le manga, ont donc été enlevées. L'introduction de chaque protagoniste se fera toujours en 1 seul épisode, de même pour l'évolution de la relation entre les personnages qui est généralement racontée vite fait bien fait. Bref, on n'a pas le temps pour ces conneries !

Qu'en est -il de la suite alors ? Eh bien ça se calme et ça parvient petit à petit à trouver son rythme, le problème c'est que le défaut du manga ressort inévitablement : on ne comprend pas où l'on va. Ca blablate, ça se bat, ça blablate, ça se bat, ça blablate et ainsi de suite. Si ça passe relativement bien au format manga, en anime on a parfois des épisodes où il ne se passe rien ou bien où les longueurs s'enchaînent, il est donc difficile de tout remettre en place au bout d'un moment si l'on suit l'anime semaine après semaine pendant plus d'un an... Bref du coup on comprend sans comprendre, parce que comme dans le manga, beaucoup de choses n'iront finalement pas au bout (prenons par exemple l'évolution des personnages qui là encore ne semblera jamais pleinement exploitée, contrairement au premier anime qui s'en sortait admirablement bien de ce côté là).

Mais sans parler des problèmes inhérents au manga lui-même, l'autre problème principal de ce reboot c'est que l'adaptation en elle-même n'est pas parvenue à "rendre" ce qui faisait l'identité du manga, rendant ce nouvel anime ma foi... fade en comparaison (avec le manga comme avec l'ancien anime).

En effet, si l'on sent que l'envie de bien faire est vraiment là, on sent également les restrictions budgétaire mais aussi peut-être le manque de savoir-faire. Les dessins sont élégants, se rapprochant cette fois-ci du style plus fin et plus manga de Takei sur les derniers tomes de son œuvre, mais manquent de nuances. L'animation est jolie mais jamais explosive, bien que la 3D soit généralement bien intégrée il est vrai. L'OST a vraiment du mal à ressortir dans les premiers épisodes, heureusement elle évoluera de manière exponentielle, laissant entendre de nombreux thèmes aux influences diverses, à l'image des protagonistes du manga, néanmoins les pistes n'en seront pas beaucoup plus marquantes pour autant. Quant à la mise en scène, elle manquera presque toujours d'impact, les transitions sont très timides et les changements pour adapter le format manga en anime restent trop minimalistes.

Et que penser des derniers épisodes ? La fin de Takei avait été faite dans l'urgence, pourquoi ne pas profiter de ce reboot pour la développer un peu mieux au lieu de la rusher de la même manière ? Pourquoi ne pas prévoir plus d'épisodes si c'était pour faire une nouvelle adaptation au 1/3 coupé ? Pourquoi avoir gardé les scènes chocs du manga mais sans jamais les montrer ? Pourquoi ne pas avoir adapter l'arc du prologue "Osorezan Revoir" en film d'animation comme c'est le cas pour tous les animes en ce moment ? Pourquoi avoir gardé certains seiyuu originaux mais pas d'autres ? Pourquoi avoir calé "Over Soul" (le premier Opening culte de l'anime de 2001) mais pas "Northern Lights" (le deuxième Opening) ? Oui, pourquoi ?

En fait voilà, ce n'es pas tant que le reboot est mauvais en soi mais, fan de la première heure ou nouveau venu, on ressent très vite que malgré la fidélité de l'adaptation il lui "manque" malgré tout des choses à plusieurs niveaux qui aurait pu rendre tout "mieux". Preuve en est qu'en dehors des fans du manga, ce reboot n'a pas eu l'air de bien avoir marqué les esprits, la hype "Shaman King" n'est pas revenue comme on l'espérait alors que pourtant cette réadaptation complète était bel et bien attendu depuis de nombreuses années dans les fandoms. C'est assez dommage pour le coup...

Le reboot avec les qualités de ses défauts

Shaman King (2021) est donc un reboot qui possède les qualités de ses défauts et inversement. Son histoire ne sera jamais prévisible mais son avancée restera cohérente du début à la fin (là où dans l'anime de 2001 on sentait clairement un changement entre la partie canon et non-canon) et ses personnages et ses messages se révéleront bien plus intéressants et profonds que ce que l'on peut voir dans la plupart des shônen de l'époque.

Et si l'on se réjouira que ce manga culte ait enfin eu droit à la réadaptation complète et fidèle qu'il méritait, cela n'empêchera pas que ce nouvel anime conservera également tous les défauts de l'œuvre papier mais sans parvenir à magnifier les qualités de celle-ci au passage à l'écran, rendant le tout au final assez dispensable (autant aller lire le manga) quand il ne sera pas carrément oubliable tant le tout manquera d'impact en globalité.

Une réadaptation intéressante pour faire découvrir l'œuvre à la nouvelle génération et qui fera très certainement plaisir aux fans qui l'attendaient de pied ferme mais qui malheureusement ne sera pas parvenue à réinstaller l'œuvre au panthéon des shônen culte qui auront traversé les époques.