You're gonna die. Just like your dad, just like everybody.
Il est difficile de saisir l'essence de Six Feet Under d'un point de vue extérieur. D'apparence, cela pourrait être une série classique se basant sur les aléas d'une famille ordinaire. Mais c'est bien plus qu'une simple série ordinaire. Six Feet Under est une fresque sur la vie.
Pourtant, elle peut tout d'abord sembler difficile à suivre pour certains spectateurs. Il n'y a pas d'intrigue centrale, pas de but à atteindre, pas de fil directeur, il n'y a que l'histoire de la famille Fisher. Il faut se laisser embarquer et accepter de naviguer aux côtés des membres de cette famille, et de découvrir épisodes après épisodes, l'évolution de leurs relations, évidemment intimement liées à leur entreprise : une maison de pompes funèbres. Quelle vie pour une famille si proche de la mort ?
La mort est donc omniprésente dans la série, à chaque instant, à chaque épisode (d'ailleurs, tous commencent par la mort d'une personne). La mort est un sujet tabou et n'est jamais (ou rarement) correctement traité au cinéma et à la télévision. On y voit généralement simplement la tristesse et l'horreur, ou le regret et le remords, mais l'impact de la mort sur une vie s'arrête-t-il à ces quelques émotions ? C'est peut-être bête à dire, mais la mort c'est aussi la fin d'une vie : et ainsi, quelle est la valeur d'une vie morte ? Qu'est-ce que cela représente ? Qu'est-ce que les coutumes des différentes cultures apportent à l'acceptation de la fin d'une vie ?
En se basant sur la mort, Six Feet Under parle de la vie, et elle la traverse sous toutes ses coutures, sous tous les aspects de l'âme humaine pour dépeindre le comportement d'êtres vivants perdus dans la vie, vivant sans les morts.
Les divers thèmes abordés dans la série s’entremêlent pour former un cocktail bouillonnant de force et d'intelligence, pour qu'au final on en ressorte bouleversé, changé. C'est une des rares séries (la seule?) à être capable de pouvoir changer un regard sur la vie, à amener son spectateur à réfléchir sur soi, sur son passé, sur son futur.
Everybody dies.
La force de Six Feet Under ne peut pas se comprendre en une saison. C'est un ensemble. Un ensemble qui se construit au fil des saisons, au fil d'une évolution, comme la vie ne peut se résumer à une période. A vrai dire, j'ai adoré la première saison, mais quand je l'ai terminé je ne la jugeai encore qu'en tant que série. Maintenant que j'ai tout terminé, bien que j'aie par exemple moins apprécié la saison 3 (mais elle est très bien quand même), je comprends que je ne peux pas m'arrêter à des critères aussi simples. Cette série est une véritable oeuvre d'art, et une véritable oeuvre de réflexion.
En écrivant cette critique, les différentes émotions que j'ai ressenties au cours de mon visionnage me reviennent au coeur.
Je suis marqué à jamais.
A tel point que je reviens plus d'un an après avoir écrit cette critique pour la compléter de mon ressenti. Les mois et les années s'écoulent depuis que j'ai vu Six Feet Under, ma vie change, est sujette à de grands bouleversements comme chacune, mais je ne m'arrête pas de repenser à cette série. La force de cette écriture se ressent avec le temps, on perçoit d'autant plus la justesse globale.
C'est extrêmement fascinant. Chaque personnage est construit avec une grande finesse, ils ne sont jamais clichés, mais toujours humains. Ils évoluent, se cherchent, apprennent à se connaître entre eux et à se connaître eux, apprennent à comprendre le monde et ses énergies. Ils cherchent à comprendre la mort pour mieux vivre avec la vie. Ou l'inverse.
Et chacun évoluera, suivra sa direction absolument pas rectiligne mais qui fera toujours sens. Les joies, les tristesses, les peurs, les doutes et les satisfactions envahiront leurs parcours. On pourrait croire ça inintéressant d'un point de vue extérieur. Ca le serait si ça n'était pas si humain, si vrai. Et si cette multitude de personnages ne servait pas à projeter le spectateur, à en faire les avatars de sa propre vie, de ses propres doutes, de ses propres peurs, de ses propres amours. De sa propre mort à venir.
Six Feet Under évolue avec réflexion, mais cette réflexion n'est pas exposée académiquement, car elle ne débouche pas sur des solutions. La série n'a pas la prétention de résoudre les mystères métaphysiques de l'existence, ni même la prétention d'essayer de les résoudre. Elle propose des pistes, des investigations qui dépendront de la personnalité de chaque personnage, de son rapport au monde : de son passé, de sa culture, de sa place dans la famille.
En cela, je pense que Six Feet Under a réussit quelque chose d'incroyable : saisir pleinement l'essence d'une vie. Les personnages sont plus que de simples personnages, ce sont de véritables âmes qui prennent vie à l'écran, avec une existence propre qui se forge sur un passé construit même si pas toujours narré. Et je ne parle pas que des personnages principaux, mais également de la multitude de personnages que l'on côtoiera à chaque épisode, toutes les familles des nouveaux morts viendront enrichir la fresque sur le vivant que forme Six Feet Under.
Si je pense encore aujourd'hui à cette série, c'est que les thématiques abordées font tellement partie des raisonnements intérieurs de la vie de tous les jours. Je me retrouve un peu en chaque personnage, en chaque situation, je repense à des dialogues et je sens que ça résonne en moi. Cette série m'évoque des émotions, des sentiments, des souvenirs, qui ne se voient pas forcément en surface mais forment ce que je suis.
Vous pourrez penser que je vais loin, mais c'est vraiment ainsi que je le vis.
A vrai dire, j'ai même le sentiment d'avoir grandi en ayant vu cette série. Est-ce vrai ? Peut-être, peut-être pas. Mais Six Feet Under est matière à réflexion.
Personnellement, j'ai l'impression qu'elle m'a aidé à mieux percevoir le monde, le rapport entre les vivants, leurs liens avec la mort, et comment tout ceci agit dans la vie de tous les jours. Comment une personne se construit, comment elle se déconstruit. Je ne dis pas que cette série donne des exemples à suivre ou à ne pas suivre, ce n'est pas du tout l'objectif.
Mais elle forme une compréhension omnisciente de l'incompréhension générale de la fourmilière humaine qui peuple cette Terre. Et avec ça qui bouillonne en nous, pour peu que le feu reste allumé s'il l'a été, on se sent gagné par une curiosité pour l'humain, pour la richesse que forme chaque vie, pour la force qu'elle garde à travers la mort. Nos rapports peuvent changer, nos envies de contacts peuvent changer, et pourquoi pas nos envies de vie ?
Peut-être que ça ne le fera pas en vous, mais ça le fait en moi.
Et à chaque fois que je repense à Six Feet Under, j'en ai des envie de pleurer. De tristesse, de bonheur, d'un peu tout à la fois. Mais de remerciement, sans doute.
Un véritable chef d'oeuvre de la télévision.
Tout simplement inoubliable.