Alors qu'Alan Ball m'avait (presque) convaincu avec son American Beauty (5/10), il étire ici sur 5 saisons un thème qu'il aurait mieux fait de torcher en 90 ou 120mn.
Et si American Beauty explorait avec délicatesse les non-dits (souvent sexuel) et le mal de vivre qui craquellent sous le vernis social d'une Amérique aseptisée, il bénéficiait de trois atouts absents dans SFU :
- la réalisation d'un Sam Mendes au mieux de sa forme,
- un interprète de haute volée en la personne de Kevin Spacey (et laissons ici les considérations judiciaires aux juges habilités à les juger - merci d'avance chers lecteurs)
- et enfin un format long métrage qui suffisait à magnifier l'expression du contenu.
Ici Alan Ball ne se suffit déjà pas à lui même. Il se fait seconder par 6 scénaristes de complément. C'est dire ce qu'il faut de mains et de cerveaux disponibles pour remuer le néant !
Car oui, dans SFU il prolonge son discours entamé dans American Beauty : le néant de l'être, la vacuité de la vie, l'appesantissement bourgeois, l'inertie de la volonté, la désérance sexuelle et spirituelle, la dictature du "moi, moi et moi", etc, etc...
Le résultat ? Une série à la réalisation plutôt intéréssante, lente et aérée dans sa 1ère saison, qui finira par s'enliser dans les saisons suivantes sans plus aucune créativité. Côté contenu, rien de neuf sous le soleil : nous voilà en train de mâcher le même chewing-gum sans goût pendant 5 longues et interminables saisons.
Que raconte cette série ? Y suivrez-vous la mort cheminer, à petits pas, à chaque épisode comme le titre vous le fait espérer ? Pourrez-vous y lire un sous-texte philosophique sur la finitude de l'existence ? Les auteurs s'interrogeront-ils sur le concept de mort en convoquant Heiddeger, Platon, Hegel, Shoppenhauer ou Sartre ?
Non. La série se contentera de suivre un groupe d'individus dans le néant dépressif de leurs existences croisées.
Y verez-vous alors, au moins, l'aspect charnel de la mort : les cadavres, leur toilette, leur embaumement, les crémations, les inhumations, etc ? Puisque côté réflexion philosophique la mort n'est qu'un prétexte, aurez-vous au moins l'occasion d'en apprendre plus sur le traitement matériel de cette étape incontournable vers laquelle chemine toute chose vivante ? Non plus. A part quelques corps allongés, de vagues scènes de cérémonies ampoulées ou d'images lointaines et vites éludées... la mort est absente.
De quoi traite alors cette série ? D'instinct j'ai envie de répondre : de rien. Mais de ce rien qui compte pour quelqu'un qui n'a jamais vu un mort de sa vie. De ce rien qui remplit les heures de la téléréalité tant acclamé par les amateurs de temps de cerveaux disponibles : le quotidien délétère de personnages au profil creux (du type "votre voisin de palier") vivant des événements creux, faisant des choix creux, pour un final encore plus creux...
Vous me direz "Mais t'as rien compris. C'est comme dans le vraie vie ! C'est plus subtil... La mort est symbolisée par les personnages eux-mêmes qui se débattent pour exister vraiment et se révéler... bla... bla... bla..." (je raccourcis, parce qu'étant moi passé à côté de ces subtilités je ne suis pas la mieux placée pour rendre justice à la finesse de vos arguments)
Et je vous dirai "Chiotte !" Oui "Chiotte!" parce que je suis polie.
Parce que si je veux voir la vie, la vraie, j'ouvre mes yeux, ma porte, ma fenêtre... Je sors, je parle aux autres êtres humains, je les regarde, je m'intéresse à eux. Comme je le fais tous les jours depuis 46 ans.
Je n'ai pas besoin d'une série paresseuse qui joue la carte du voyeurisme de téléréalité (atermoiements égocentrés, platitudes sexuelles, personnages stéréotypés, psychologie de comptoir, problèmes petits bourgeois sans intérêt, crise existentielle sans existence.... Emballés dans une esthétique grise et lente pour seule caution intellectuelle) .
Pour la réalité factuelle (ou presque) je préfère les reportages. Pour la réalité subjective, il y a les documentaires. Les fictions, elles, doivent savoir transcender leur sujet. Ici, ne rêvons même pas de transcendance, car déjà le sujet est bâclé par un bataillon de 7 scénaristes sans direction narrative claire.
Mais le pire est peut-être encore ailleurs. Je terminerai avec la fausse promesse d'un titre aguicheur et d'une affiche racoleuse. Si l'affiche avait eu l'honnêteté de présenter une famille sous lexo tirant la tronche et que le titre avait été "Néant, sexe et Dépression". J'aurais pu disposer du bon prisme pour juger du contenu. Et au final, j'aurais certainement été moins sévère dans mon ressenti.
"Promettre et tenir" n'est-ce pas là les 2 premières règles d'une relation réussie dans quelques domaines que ce soit et surtout dans la création ?
Je vois déjà certains d'entre vous, l'oeil noir et le doigt frétillant, prêt à cliquer sur le bouton "je n'aime pas" au bas de cet avis ouvertement subjectif et totalement honnête. Parce que pour que cette série ai une note de plus 8/10 ici, c'est que vous êtes très nombreux à avoir vu toute l'intelligence et la profondeur (qui m'échappent) de ce cette oeuvre. Mais, allez-y, cliquez. Votre clique sera anonyme.
Mais croyez le ou non, je vous aime bien quand même... ou presque !