" Tout est si calme en apparence ... "
Quelques images d'un village imaginaire appelé "Southcliffe", comme des cartes postales étrangement pessimistes, grises et pluvieuses. Ces images figées reviendront en exergue des deux premiers épisodes (la mini-série en comporte 4). C'est d'abord un lieu que filme et présente "Southcliffe". Un lieu que presque tous les médias qualifieront de "tranquille". Le personnage le plus central, le plus entêtant c'est lui,ce lieu britannique avec sa marée qui s'agite au gré des bulletins maritimes. Depuis "Broadchurch" on le sait, dans les séries britanniques, la mer est dévastatrice. Derrière la tranquillité, le chaos guette.
Mais déjà l'image s'anime, une femme enfonce ses mains dans la terre, tranquillement, elle jardine. C'est une vie nouvelle qu'elle propose à la terre. Soudain, une dénotation retentit dans la brume matinale. Voilà que la femme se relève, une deuxième déflagration lui retire la vie, avec la brutalité de la surprise et de la rapidité du passage de la vie à la mort. Sur les raisons de cette mort soudaine, le récit ne reviendra que plus tard, par saccades car la série se refuse à toute chronologie. Le chaos se lit jusque dans la forme. On revient en arrière, les points de vue changent, une même scène apparaît sous différents angles. C'est une leçon de cinéma: sur les choix artistiques, sur la notion de placement d'une caméra, de dialogues. Ce que la caméra nous livre ou non.
Un autre point de vue se dessine et vient donner corps à cette fiction de tuerie implacable: celui du journaliste qui revient au pays. Il est amer. Ce n'est pas une ville tranquille qu'il vend à ses auditeurs. Le calme n'est qu'une apparence, le chaos prévient-il était là bien avant. Son regard est dur, injuste parfois. Il en perd sa vie, que Southcliffe lui avait déjà volée des années auparavant. Il est question d'acharnement, comme sur la personne qui tirera par cible puis au hasard. On ne tente pas d'expliquer son geste, sa souffrance n'est pas un argument valable.
Mais la série s'attache à autre chose: elle vient dire l'absence, le deuil, la souffrance collective et individuelle. Des mots même du réalisateur (rencontré le soir de la diffusion de la série dans cadre du festival "Séries mania" au Forum des images - Paris) "vous ne saurez plus si vous marchez sur la terre ou sur l'eau". Les deux derniers épisodes reviennent sur les séquelles du drame. Celles qui apparaissent dès le lendemain de la tuerie, quand on ne sait pas encore trop ce qui nous arrive. Le/les proche(s) ne sont plus là mais tout ça n'est pas encore réel. A l'image de ce magnifique enterrement-mariage réalisé par un homme dont le couple se délitait pourtant. Il a perdu ses deux enfants et sa femme dans le même temps, toute forme de vie en lui en somme. Le dernier épisode "le jour des morts", revient sur les séquelles un an après. Dernier retour sur la terre maudite pour la presse, désolation pour "ceux qui restent". Parallèle fût fait par le réalisateur avec Les Revenants,et son étude du lien entre vivants et morts. Une seule chose nous apparaît certaine dans ce récit éclaté (c'est la force de la série) et très léché: "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé". Que dis-je, dévasté, arraché, réinventé en cauchemar ! La mer a recouvert la terre et, à marée basse, le paysage en est changé à jamais, profondément et inhumainement.