Il faut tout revoir, tout refaire, tout réécrire. Tu n’es pas préparé à ça. C’est au dessus de ce à quoi on peut normalement s’attendre. Tous les beaux discours préparés, les idées déjà couchées sur papier, il faut les repenser. Plus fort. Plus loin.
Spartacus réinvente la légende que tout le monde connaît. La guerre des damnés, qui vient conclure un cycle démarré de manière un peu bancale mais déjà attachante, c’est LA légende, le monument qui redéfinit l’epicness et l’awesomeness à lui tout seul. Peu importe les tares que la série se traîne comme un boulet depuis ses débuts, le cheap grandiloquent de sa violence et de sa réalisation, l’inutilité de certains moments, les incohérences et les libertés que le scénario prend avec l’Histoire. Dans Spartacus, tout est grand, merveilleux, émouvant.
Avilissant l’esprit, mutilant l’intellect, il subjugue. Après les refoulements émotionnels, il enivre les sentiments, exacerbe les passions.
Spartacus est une régression psychanalytique. Un retour inavoué à l’ère de l’expression du fantasme. Et c’est ce fantasme qui peuple les rêves, les batailles et les nuits de Spartacus.
La montée en puissance des épisodes se perpétue depuis la saison un, alors il n’est pas nécessaire de s’arrêter à la faiblesse de l’avant dernier épisode de la série. Non, quand bien même il ne serait ni cohérent, ni intéressant, il sert majestueusement la mise en scène de cette fin de règne aux couleurs définitives. Quatre saisons en crescendo parfait.
C’est comme la première fois que Sangoku meurt (et qu’on ne sait pas encore qu’il va ressusciter), parce que oui, Spartacus est un des fils spirituels de toute cette génération de mangas épiques et héroïques, dont l’ambition n’était que de développer chez ses spectateurs des valeurs estimables comme l’honneur, la fraternité, l’honnêteté. Tu as sûrement grandi avec Sangoku, Shyriu. Si ce n’est pas le cas, tu as en quelque sorte raté une bonne partie de votre vie. Spartacus n’est rien d’autre ; cette pluie d’honneur, de bravoure, de fraternité et de trahison, où les pantins se hissent au statut d’icônes, d’idoles alors qu’autour d’eux s’écroule la vie. Mais basiques justement, tu ne respires plus que la vibration de l’action, celle qui ravage tout sur son passage.
Gannicus, Crixus, Agron, Lugo et tous les autres offrent un fucking plaidoyer en faveur de la liberté (non sérieux ?!), mais aussi et surtout de l’égalité. Ils n’arborent que cette fierté bien placée, réfléchissent, pensent, pardonnent, pansent et se repentent, comme des Hommes, ces êtres sexués de genre indéfini dont la définition emporte rêves et gloire par la hauteur qu’elle impose, admiration et humilité, tant de qualités dont la série est remplie ras la gueule jusqu’à t’étouffer de bonheur avec. Spartacus, comme Albator, te propose de devenir un être meilleur, et il fait même en sorte, posant sur la table des coronès grosses comme la télé n’en a pas vu depuis longtemps, de t’expliquer par un menu déroulant sans subtilités que l’homosexualité et le sexe, ce n’est pas un tabou.
Ce n’est pas juste pour te vendre des seins magnifiques (même s’il y en a vraiment beaucoup et que certains sont vraiment beaux) portés par de non moins sublimes créatures, ou des hommes musclés et viril(istes). Tous les points de vue obscurantistes finissent par être balayés par les valeurs simples que les humains oublient si facilement de porter haut et de défendre. Spartacus, vibrant hommage shônen à la dignité de l’homme, transcende les clivages des époques, sans discrimination, et pourtant subissant tellement fort la pression du groupe. Spartacus demeure le dernier héros magnifique, fier et droit, bon, pas raciste, ni homophobe, puisque dans son monde, il bannit ces tares au point de ne les plus voir même exister.
Spartacus a cultivé un sens inné du suspense, et du syndrome de la cocotte minute. Relâchant la pression par à-coups pour éviter que tout explose. Jusqu’à la fin.
Cette dernière saison, plus violente et sale et terrifiante que les autres, saccage tes défenses à coups de sabre ébréché, taillant à travers tes idéaux, tes personnages fétiches. Tout y passe, dans un macabre crescendo duquel il est impossible de se détacher. Les précédentes t'avaient excité, énervé, et à la fin, tu es dévasté.
Bien sur, et on s’en branle, Spartacus s’arrange avec la vérité, mais alors que la fin surgit, elle est, contre toute attente, complètement surprenante. Et la haine vouée à ces esclavagistes de Romains n’est rien et s'efface devant la tristesse absolue qui étreint quand les héros tombent au combat.
Le final est à l’image du reste de la série, ultime, formidable, magique.
Spartacus est un être comme il en faudrait bien plus pour assurer à l’humanité une survie digne et méritée. Il fait de sa série un hymne à cette image, simple et parfois désuète, facile, accessible mais terriblement difficile à maintenir.
Et on passe facile sur la 3D car les costumes et le maquillage arrachent tout. Les gueules désemparées mais enragées par la soif de vaincre et de rétablir une Justice qui n’existe pas en ce monde explosent à l’écran dans une classe absolue balayant sur son passage les meilleurs personnages de jeux vidéo (Dante & consorts) ayant pourtant fondé leur réputation sur leur caractère de poseur et de style dans l’assassinat. Les épées tranchent les gorges aussi facilement que tes dernières réticences.
Antithèse des séries classiques et réalistes, Spartacus soulève et transperce ton petit coeur de mauviette poisseuse vautrée au fond de son canapé. Elle t’arrache à ta torpeur et te cloue sur cette putain de croix. Cette croix effrayante. Tu fulmines et vibres et pleures comme une fillette (ou une tafiole, c’est pas sale), tu ris et jubiles et ne peux plus détacher ton regard de ces images et de ces musiques dont les choeurs chaque fois plus loin te font voyager. Même le générique de fin, mêmes les dernières images avant le noir ne parviennent à tuer ce qui vient de se passer.
La claque magistrale qu’inflige cette série, partie de rien mais qui a su conquérir, épisode après épisode, un public bien heureusement soumis, tressaillant à chaque instant, se sentant respecté comme rarement, c’est le miracle de la révolution des esclaves. Le souffle de la vie qui devrait nous animer. Basique, vraiment, mais pas simpliste ou stupide, Spartacus incarne un modèle. Le modèle de la qualité qu’il faut suivre et protéger.
CRITIQUE ORIGINALE DE LA SAISON UN UNIQUEMENT :
Ou une série qui laissera des thraces, au choix pour le jeu de mot à 2 ronds.
En attendant, Spartacus réussit malgré lui le mélange bâtard entre la série Rome, le film 300, et le souvenir du film de Kubrick.
Des décors hommage au film, des ralentis pompés sur 300 (de même qu'une certaine patte graphique d'ensemble), un environnement précis à la Rome se mélangent pour un résultat accrocheur.
Et puis beaucoup de violence et de sexe, pour attirer le chaland.
Mais alors, comment se fait-il que l'ensemble fonctionne, en dépit d'une absence de charisme rarement égalée concernant le héros principal ?
Et bien, tous les personnages sont gris : tordus, vicieux, avec un lourd fardeau de reproches à trimballer, ils ne cessent d'intriguer et de planifier des machinations. Évidemment, ça fait souffrir les héros, et la souffrance (des autres), on a toujours aimé...
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