Le cahier des charges de Netflix est aujourd’hui bien connu : chaque année, à des périodes souvent similaires, la plateforme offre au grand public une nouvelle série télévisée et réussi inexorablement à susciter l’approbation générale. Le problème n’est pas nouveau, La casa de papel avait déjà achevé le peu d’espoir qui demeurait chez le cinéphile meurtri. Squid Game ne déroge pas à la règle, et la série coréenne incarne de surcroît tout ce qui aseptise le cinéma populaire actuel ; du moins des bribes qu’il en reste.
Il va de soi que chaque œuvre requiert un niveau de lecture approprié - l’expérience permettant de doser convenablement son degré d’exigence en fonction de la fiction proposée. Les comédies d**’Alain Chabat** ne nécessitent pas ainsi du même regard que celui requis pour un long-métrage d’Ingmar Bergman, et inversement. Mais malgré le relativisme auquel cette assertion invite, aucun degré de lecture ne saurait faire réellement apprécier la nouvelle série de HwangDong-hyeok.
En dehors de la com totalement ignoble dont la série fait l’objet depuis maintenant deux semaines - qui fait d’ailleurs étrangement penser à celle de La casa de papel -, c’est l’ensemble de l’univers gravitant autour qui inspire le dégoût, voire le mépris. Les costumes rouges, les masques, les formes géométriques, érigés d’emblée comme autant d’éléments sensés rendre « mythique » l’imaginaire de la série, constituent surtout des lourdeurs dont le spectateur se serait bien passé.
Mais Squid Game repose avant tout sur la nullité d’un propos. La série joue en effet sur une ambivalence qui rend directement illisible les enjeux réels du récit. Ainsi, cette dernière poursuit-elle deux lignes totalement antinomiques en proposant, dans le même temps, une critique acerbe du capitalisme (les joueurs n’ont pas besoin de pistolet sur la tempe pour participer au jeu) et une psychologisation des joueurs (même si ce sont d’horribles individualistes, ils sont quand même dévoués pour les autres). Un dualisme qui occasionnera in fine des séquences-émotions mielleuses, largement dispensables, à l’instar de ce joueur pakistanais qui se dévouera pour sauver Seong Gi-Hun (interprété par Lee Jung-Jae, notamment connu pour son rôle dans New World) lors du jeu de 1,2,3 soleil, ou qui donnera lieu à cet affreux twist final, uniquement rafistolé pour les besoins financiers de la série.
Car si Battle Royale était parvenu à porter à l’écran un sadisme déshumanisant, Squid Game s’enfonce, quant à elle, dans les travers du cinéma coréen en cherchant tant bien que mal à moraliser une histoire qui n’en avait nul besoin. Une erreur d’écriture qui invisibilisera bien malheureusement les parti pris du réalisateur et qui rendra caduques les moindres tentatives de crédibilisation du récit. Il en résultera enfin un cadre superflu, noyé parmi de pléthores artifices visuels, où il deviendra bien difficile de croire à l’existence d’une telle supercherie.