Frustration, c’est le mot qui m’est venu tout au long du visionnage de la saison 1 de cette série, au point que j’ai eu du mal à la terminer. Je voyais un potentiel, je voyais aussi les manquements. Après avoir échangé avec des amis et m’être promenée dans les rues du Net, j’ai reconnu bien volontiers que je n’avais rien compris au sens profond de la série. La critique du capitalisme, tout ça. Quasiment toutes les allusions m’ont échappé (bon, à part les VIP, plus aveuglant que ça c’est pas possible).
A partir de là, je ne peux pas critiquer une série alors que je ne l’ai pas comprise. Donc, je propose ma propre réécriture, qui correspond à mon expérience de spectatrice. Bienvenue dans le Luevana Squid Game.
1/ Je recentre l’intrigue autour du personnage du Maître de Jeu. Plus d’Organisateur, je fusionne les deux rôles. Un type, qui a subi X épreuves et endettements et qui s’en est sorti à la dure, veut faire bénéficier de la même chance à quelqu’un. Mais il lui faut trouver quelqu'un qui mérite cette chance. D'où le Squid Game. Pour supporter les coûts, il s’adresse aux VIP, qui acceptent de cofinancer ces jeux. Il sélectionne ensuite 456 candidats aussi désespérés qu’il l’était, et leur donne à tous une chance équitable de réussir.
Je fais tout tourner autour du Maître de Jeu et de son ambiguïté morale. Son idéal d’humanisme dévoyé, la manière dont il doit composer avec les VIP qui veulent dénaturer son jeu pour le spectacle.
Et de l’autre côté, les joueurs, la mise en œuvre du Jeu, qui permet au spectateur de trancher : ce type, est-ce un cinglé criminel ou un bienfaiteur incompris ?
Je retire le trafic d’organes, trop compliqué, assez irréaliste (toute cette machinerie et ils n’ont même pas de médecin sous la main ? Ils ont eu de la chance d’avoir un médecin dans les candidats…). Je garde l’essentiel : un candidat qui parvient à corrompre un garde pour avoir des avantages. Un garde blessé, et le candidat médecin qui le soigne en échange d’avantages, par exemple. Ca peut devenir un système, si les gardes se passent le mot. Et la sanction tombe, comme dans la série. Cela peut permettre quelques scènes d’humanisation des gardes, comprendre comment certains se sont retrouvés là-dedans. Mais aussi quel projet a le Maître de Jeu pour ses gardes, comment entrent-ils dans son tableau moral.
Je retire l’inspecteur également. Puisque son rôle est double, à savoir d’une part de débusquer l’identité du Maître de Jeu, d’autre part de conserver l’aspect moral de la série, je le divise en deux. L’identité du Maître de Jeu, on s’en fiche. En revanche, à travers des scènes bien choisies où l’on voit la réaction du Maître de Jeu, le spectateur peut comprendre ses valeurs. Quant à l’aspect moral, je le garde pour la fin.
2/ Cela signifie donc que l’avant-dernière épreuve est légèrement modifiée. Pas d’ordre de passage, un damier géant, un timer : les candidats peuvent rush au risque de tomber sur la verrerie simple, prendre le temps de scruter chaque plaque de verre au risque de voir le timer s’écouler, attendre que quelqu’un passe, s’entraider… bref, de nombreuses possibilités pour une épreuve qui se réhausse au niveau d’égalité des autres. Et s’il y a 10 candidats qui y arrivent, ce n’est pas grave. Ca n’empêche pas le dîner et une petite scène de tuerie pendant la nuit. Et on évite de projeter des éclats de verre pour éliminer en deus ex machina afin de ne laisser artificiellement le final qu’entre les deux amis. S'il y a des explosions de verre, ça ne blesse personne, et un ou deux rusés s’emparent des tessons pour la nuit.
3/ Ce qui m’amène aux candidats. Je n’ai rien contre des candidats clichés. Après tout, le format est relativement court, il faut que le spectateur puisse savoir rapidement qui est qui, et pour ça, les clichés c’est ce qu’il y a de plus simple à condition qu'ils soient bien travaillés. Il y aurait plein de possibilités, je vais juste me concentrer sur le héros, Seong Gi-hun. On est sur un bisounours, qui a eu une seule idée de génie de tout le jeu (l’épreuve des alvéoles), et qui, la plupart du temps, se laisse porter par les autres. Son seul talent est de savoir fédérer, et encore de manière interne, parce que les grands discours défenseurs, c’est son ami Cho Sang-woo qui les fait devant tous les autres candidats. Pourquoi pas. Sauf que sur un jeu individualiste, au bout d’un moment, les autres refusent de porter le poids mort, et que le perso n’a rien pour s’en sortir par lui-même. Le personnage principal aurait dû être éjecté depuis longtemps. Depuis la première épreuve en fait. En d’autres termes, on est sur un personnage qui, à mon goût, manque pas mal de cohérence.
Je vais donc proposer trois fins différentes.
- Je parlais de l’aspect moral induit par l’inspecteur. On le retrouve ici. On prend le personnage principal, on le rend un peu plus charismatique, ou en tout cas, qui apporte ses propres idées au groupe. Il ne veut pas tuer, soit, mais il gagne par la ruse, par son sens de l'observation. Et dans ce cas, ç’aurait été cohérent qu’il survive et gagne, et qu’il soit complètement écrasé et bourrelé de remords de ce qu’il a fait. Il finit dans un monastère ou se pend, au choix. C’est l’échec du jeu voulu par le Maître de Jeu.
- On a un héros aussi charismatique et malin qu’une serpillère, et profiteur. Pas de problème. Mais dans ce cas, dans la scène finale, Cho Sang-woo tue le héros, et devient le vainqueur. Seong Gi-hun n’a aucune raison de s’en sortir vivant. Et finalement, c’est conforme à ce que voulait le Maître de Jeu : c’est le plus déterminé qui s’en sort. Cho Sang-woo a surmonté tous les défis, fait face à tous ses problèmes de conscience, et a gagné. Le Maître de Jeu a la preuve que son Squid Game fonctionne vraiment. Une fin plus sombre et absolument pas morale.
- Mais on peut faire aussi autre chose. On prend le personnage principal un peu plus débrouillard, avec ses faiblesses et ses trahisons, il gagne. Et là, scène finale avec le Maître de Jeu. Le personnage principal veut des explications, le Maître de Jeu lui en donne. Pas trop longues, les explications. Ce n’est pas nécessaire, le spectateur a déjà compris l’essentiel. Le personnage principal demande au Maître de Jeu de se dévoiler, il s’exécute. Un visage de random. N’importe qui peut avoir ces idées-là. Et puis à la fin, le Maître de Jeu lui propose de le rejoindre pour organiser la prochaine édition. Et la série s’arrête avant la réponse du personnage principal. Qu’aurions-nous répondu ?
Voilà. Ça n’a plus rien à voir avec la critique du capitalisme, ça n’a plus rien à voir avec les intentions du réalisateur. Mais c’est une série comme ça que je pensais visionner. Alors à défaut, je propose le scénario.
Ps : A l'heure où j'écris ces lignes, la moyenne des critiques est de 6.7. Ne voulant pas baisser la moyenne d'une série que je n'ai pas comprise, je lui mets 7.