Au milieu de la première trilogie, voilà qu'un petit groupe de clones dysfonctionnels se carapate de Kamino pour tenter de mettre à l'épreuve son libre arbitre. Une plutôt bonne idée, en effet, que d'extraire de la masse anonyme des troopers quelques individualités particulières, au moment où l'Empire décide de favoriser la conscription par rapport au clonage. Donc de compter sur l'appétit guerrier des humains du rang plutôt que de fabriquer de la chair à canon sans pouvoir de décision. D'où la puce inhibitrice implantée dans ces soldats sur mesure pour prévenir toute tentative d'émancipation. Ironique, donc, que des clones s'affranchissent de l'obéissance aveugle tandis que les humains nés de matrices artisanales s'y précipitent tête baissée, pour participer à une entreprise d'unification et de déshumanisation à grande échelle. Car l'Empire ressemble à s'y méprendre au Reich et la bêtise belliqueuse de notre espèce ne prend pas une ride à mesure qu'on balaie l'axe du temps. Donc, ceux qui aiment réfléchir un peu s'y retrouveront dans cette série destinée aux ados, a priori, tandis que les esprits plus enfantins se satisferont de péripéties un peu standardisées, qui rappellent pas mal n'importe quelle autre série Starwars passée à la moulinette de Disney. Pas désagréable, mais pas non plus très surprenante. La faute à des portraits psychologiques un peu simplistes (le costaud, l'intello, le technicien...) et à des moralités souvent téléphonées, destinées aux plus jeunes (c'est mieux d'être gentil, les enfants sont innocents, tout ça...). Mais bon, j'avoue que j'ai surtout apprécié les décors et les artéfacts technologiques, qui ne dépareraient pas dans les films de la saga. De la qualité. Pour le reste, j'étais contente d'arriver au bout des 16 épisodes quand j'ai réalisé qu'il y avait encore deux saisons qui en comportaient autant. Je n'ai pas déliré d'enthousiasme, c'est un signe, mais j'ai attaqué la 2ème saison quand même, ça veut dire aussi...
Saison 2
Ca valait plutôt le coup de s'accrocher, car l'intrigue se densifie et, surtout, vient s'insérer dans la saga historique en croisant le chemin du sénateur Organa sur Coruscant. Voilà t'y pas que quelques membres de la noble assemblée galactique s'émeuvent du sort peu enviable réservé aux clones, désormais obsolètes et indésirables. C'est que, sur une lointaine planète très discrète, un avatar du Dr Mengele, Hemlock, s'est lancé, avec le soutien inconditionnel de Palpatine, dans de mystérieuses expérimentations sur cobayes humains. D'anciens soldats considérés comme du matériel, mais aussi la petite Oméga, réceptacle précieux des avancées scientifiques kaminoiennes tant convoitées par l'Empire. Le Bad Batch va devoir se démener pour la soustraire à la convoitise impériale, et la série prend de la profondeur, après quelques épisodes clins d'oeil à Indiana Jones ou Alien. Plutôt revigorant, donc, surtout quand l'intrigue s'assombrit considérablement à l'occasion d'un épisode sacrificiel mémorable. Le plus, l'utilisation d'un vocabulaire assez riche dans une série pour ados, qui m'a attiré l'oreille à maintes reprises et amenée à considérer que, finalement, tout n'était peut-être pas perdu : dans cette série, on oublie de prendre les jeunes pour des abrutis, et on flatte leur curiosité et leur idéal de justice ou d'égalité. Pas si mal, comme programme.
Saison 3
J'ai eu tout lieu de me féliciter d'avoir persévéré : l'arche longue de cette histoire valait le déplacement. La machination impérialo-scientifique de Hemlock prend des allures de génocide, et il n'hésite pas cette fois à s'en prendre à des enfants, sur les traces desquels il a lancé des chasseurs de prime sans scrupule, n'hésitant pas à lui envoyer en retour des orphelins fraîchement émoulus. Acculée, Oméga, qui s'est échappée une fois du complexe déshumanisé de Tantris, se rend pour sauver sa famille de synthèse, mais son nouveau parrain Crossair (j'invente une orthographe, vous le reconnaîtrez quand vous le verrez, il a une cible autour de l'oeil droit) loupe son coup et le traceur finit dans l'eau... l'occasion de lancer le Bad Batch dans une course effrénée pour retrouver sa pupille et pour celle-ci de mettre à l'épreuve ses nouvelles compétences de guerrière, ciselée par sa famille de substitution. Les liens entre les personnages se consolident et se complexifient joyeusement à la faveur de cas de conscience plutôt bien amenés, le suspense repose sur des situations a priori sans issue que la générosité des personnages finit par retourner, de manière toujours inattendue, et le dénouement, gagné de haute lutte, apporte une véritable satisfaction, qu'un twist jubilatoire transforme vite en menace larvée. Sans compter un épilogue aigre-doux en forme de prolepse. Je reste cryptique pour votre plus grand plaisir. Autant dire qu'à ce point, je vous recommande chaudement ces trois salves de 16 épisodes dégustés à l'occasion d'une convalescence de COVID providentielle, qui resteront le bon souvenir de cette période de carence énergétique...