Station Eleven
7.2
Station Eleven

Série Max (2021)

Il y a d’abord comme écho retentissant un monde post-pandémie, dépouillé d’outils et peuplé de nomades, en somme un monde du futur qui fait appel à un certain archaïsme.


Il y est question de destins croisés, racontés dans une chronologie surprenante, et dans un tempo plutôt mezzo. La musique est d’ailleurs omniprésente et diégétique lors de chaque représentation de Hamlet – c'est bien une histoire à la mode antique qui nous est contée.


Dans ce monde où chacun lutte pour sa survie, le pouvoir des histoires est roi. En plus des biographies de chaque personnage (évoquées au fil des épisodes en aller-retour entre le monde d’avant et le monde d’après), deux histoires majeures servent d’axe au récit: celle de Station Eleven, bande dessinée futuriste écrite par un des personnages et rare relique du monde d’avant, et Hamlet, dont la Travelling Symphony donne des représentations itinérantes. Ce sont bien toutes ces histoires entremêlées qui donnent sa force au récit : une unique référence à Hamlet aurait pu donner lieu à une narration purement binaire et Station Eleven évite cet écueil avec une élégance parfaitement maîtrisée.


Il n’empêche évidemment que les thématiques propres à la tragédie soient présentes. De fait, la notion de fatum est au cœur du récit - “nos chemins se sont croisés trop tôt”, “tu es partie un jour trop tard” - chaque personnage n’ayant d’autre choix que d’embrasser son destin. Et quelle meilleure façon de le faire que d'utiliser le récit pour boucler la boucle ?


La notion de double, propre à Hamlet, trouve une résonnance particulière lors de la dernière représentation. Mais elle irrigue surtout le récit grâce à une caractérisation subtile des personnages, tout en ambiguïté. Il n’y a à proprement parler pas de “méchant” dans Station Eleven.


Dans sa forme, la série affiche une élégance constante. Quelques clairs-obscurs, de belles trouvailles dans les costumes et des décors ingénieux viennent ajouter à l’ambiguïté de la temporalité du récit : on est dans le monde d’après, mais il pourrait finalement être celui d’un après qui nous précède.


J’ai vu dans Station Eleven la volonté de mettre en avant le pouvoir des mots sur celui des images – avec pour paradoxe évident qu’elle use d’un format télévisuel, ou en tout cas l’éventualité que l’effondrement des images devrait s’accompagner d’un retour du récit dans sa forme la plus pure, son oralité. Et si j’use de conditionnels, c’est parce que Station Eleven ne s’arroge aucun manichéisme, ce qui lui donne en somme toute sa grandeur.

Lara_Min
10
Écrit par

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le 6 mars 2022

Critique lue 184 fois

2 j'aime

Lara_Min

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