Stranger Things
7.6
Stranger Things

Série Netflix (2016)

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Bon alors puisque nous sommes entre nous, là, tranquille, à la fraîche, autant que vous soyez prévenus : Stranger Things, au départ, j'avais prévu de lui coller un 2, et ça aurait été bien payé.


Parce que bon, on ne me la fait pas à moi, je suis un vieux briscard, j'ai vu E.T. au cinéma et je sais écrire Spielberg sans avoir recours au correcteur orthographique. Dès le trailer, j'ai senti d'où venait le vent tellement ça fleurait bon le pillage en règle. J'y ai vu des loupiottes grésiller, des portes de granges claquer à la volée, des mômes crier dans le noir, j'en suis même venu à me demander si ce n'était pas un remake de Marshall et Simon ou l'adaptation non-officielle d'un Chair de Poule.


Non et puis faut voir aussi que c'est la série du moment, que tout le monde n'a que ça à la bouche, "Stranger Things, Stranger Things, t'as pas vu Stranger Things ?", que la tranche des vingt-quarante ans lui kiffe trop sa race et que du coup, en écrire du bien, ben... c'est devenu carrément mainstream, genre Pokemon Go version série TV, mais sans la nécessité de lever ses fesses du canapé (Dieu soit loué !). Vous comprenez bien que je ne pouvais pas lui mettre une bonne note, dans ces conditions : on est sur Sens critique, bon sang ! Je suis lu par au moins quatre personnes ! J'ai une image de marque à préserver !


Dans un premier temps, j'avais donc l'intention de vous dresser la liste de toutes les références cinémato-anime-jeuvidéo-bouquinographiques que j'ai pu relever - parce que je suis, j'en suis sûr, plus malin et plus cultivé que la moyenne (je suis sur Sens Critique, CQFD), en pointant plus particulièrement du doigt "Elfen Lied" et "Surface" - vu que je suis à peu près sûr que personne ne les aura captées, celles-là. Après quoi j'aurais bavassé un peu sur les défauts esthétiques de l'oeuvre, parce que c'est pas Daredevil ou True Detective et parce que pour être un peu crédible dans ce domaine-là, faut tartiner à fond sur les effets cinémascopes comme un étudiant en seconde année convaincu d'être le fils caché de Lars Von Triers (Sens Critique, tout ça). J'aurais également déploré l'absence totale de nichons (une honte. Nous sommes en 2016, quand même ! Qu'est-ce que c'est que cette mentalité rétrograde ?), et les morts violentes au compte-gouttes, et que par conséquent c'était pas très très HBO, comme série (comprendre : pas très très bien du tout !). Puis j'aurais conclu que c'était quand même vachement repompé des bouquins de Stephen King - un auteur d'avant-garde bien connu pour la profonde originalité de ses idées.


Puis j'ai réalisé (in extremis) que tous les critiques anti-mainstream faisaient la même chose et que ça rendait leurs critiques vachement mainstream, du coup, ce qui n'arrangeait pas mes affaires et ne serait pas bon pour ma réputation. Une seule solution : faire anti-anti-mainstream, c'est-à-dire... mainstream. Mais différemment. Le boxon dans ma tête, je ne vous dis même pas. Arrivé à ce point de ma réflexion, j'ai buggué, je suis passé en syntax error et j'ai redémarré en mode par défaut.


Coup de chance pour moi, mon mode par défaut, c'est celui qui peut apprécier une oeuvre de divertissement sans se la raconter le petit doigt en l'air, juste parce qu'elle est bien fichue, sincère et généreuse. Juste parce qu'elle aussi, elle ne se la raconte pas, et parce que paradoxalement, il y avait bien longtemps qu'on n'avait pas goûté au plaisir simple d'une bonne histoire racontée correctement.


Alors bien sûr qu'elle n'a rien - mais alors absolument rien ! - d'original, que tout ce qui la compose vient d'ailleurs, qu'elle ne fait que réinterpréter des partitions déjà connues. Mais elle le fait avec justesse, mesure et sans prétention mal placée, en équilibriste sur un fil entre hommage et plagiat, avec une puce derrière pour la malmener ça et là. Or s'il y a bien une chose qu'il n'est pas mainstream d'écrire, sur "Sens Critique", c'est qu'il vaudra toujours mieux une série à la hauteur de ses ambitions (si humbles soient-elles), qu'une oeuvre qui ne tient jamais ses promesses et se prend les pieds dans son paillasson dès l'épisode pilote.


En ce qui me concerne, l'espace de 8 épisodes avalés en 24 heures et quelque, j'ai retrouvé ces années 80 que j'aime et qui me manquent.
Pas celles de la nostalgie comme argument marketing. Pas celles de l'idéalisation béate.


Celles qui osaient n'en faire qu'à leur tête, sur le plan créatif, et qui se fichaient du qu'en-dira-t'on, sans chercher à flatter l'ego du public en lui servant du pseudo-subversif de supermarché.


Celles qui vous laissaient croire que tout était possible et que l'aventure vous attendait au coin de la rue, là, derrière la colline, dans le petit bois juste après. Que vous n'étiez qu'à un coup de pédale d'un mystère à élucider, d'un bateau pirate, d'une soucoupe volante ou d'une maison hantée. Que vous aviez toute l'éternité du monde pour chasser le monstre entre la purée du midi et le benco de quatre heures.


Alors oui, Stranger Things n'est pas une série parfaite (en existe-t-il seulement ?), elle dévoile trop, trop rapidement, s'embarrasse de poncifs pas toujours très utiles, n'essaie jamais d'être innovante.


Mais elle est sincère. Elle ne me prend pas pour un âne. Elle n'essaie pas d'acheter mon approbation en cirant discrètement les pompes de mon intellect.


Et pour toutes ces raisons, mainstream ou pas mainstream, en ce qui me concerne, c'est un grand oui. Mais pour une seule saison, par contre. Ni deux, ni trois, ni quatre. Une seule. Car bon, refaire sans fin la même chose à l'identique sans rien apporter à la formule, je ne vois pas trop l'intérêt non plus.

Liehd
7
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Une bonne série, c'est bien. Mais une série bizarre, c'est mieux. et Les meilleures séries fantastiques de tous les temps (et au-delà)

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le 22 juil. 2016

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Liehd

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