Un élève peu doué
Warning, spoil spoil spoil, jusqu’au dernier épisode. à ne lire que si vous n’avez pas vu la série, ou si vous n’en avez rien à foutre (mais alors, pourquoi lire ça ) J’ai un problème avec Stranger...
le 26 juil. 2016
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Ayant "ingurgité" les deux saisons de Stranger Things d'un coup, retour sur les grandes lignes de la série qui font sa force mais aussi parfois sa faiblesse. Présence de quelques spoilers dans les lignes qui suivent pour évoquer une série où les monstres ne se cachent pas seulement sous les lits ou dans les placards.
Hawkins, une ville trop tranquille
Bienvenue dans l’Indiana ! Hawkins, ville sans grande histoire. On peut quand même noter la présence d’une zone interdite, propriété du département de l’énergie. La main gouvernementale n’est jamais loin, même (surtout ?) aux États-Unis. Et il s’y passe des trucs « pas très catholiques ». En même temps nous sommes au début des années 1980, l’URSS est toujours debout alors si les recherches menées peuvent servir contre elle… Faisons confiance à toutes ces blouses blanches immaculées (la recherche n’est pas une activité salissante) et hommes en costume que l’on aperçoit.
Oui, la série joue avec les théories du complot et une des grandes topiques du genre : le gouvernement ment. La saison 2 gommera d'ailleurs en partie cet aspect assez prégnant dans la première. On gagne alors en humanité mais aussi en amateurisme, la série n’échappant pas à ces moments où l’on peut admirer les décisions pas très rationnelles de la part des personnages. Si on peut le comprendre quand il s’agit d’enfants (même s’ils sont agaçants, surtout quand ils crient…), de la part d’adultes ayant sur les épaules des responsabilités un peu importantes, c’est dommage.
Pour le reste, la ville de Hawkins reste vue à travers des lieux (salle d’arcade, cinéma…), différents angles mais on procède plus par juxtaposition. Ironiquement, les liaisons entre les lieux seront fournies par le « démon Gorgon » via un réseau qui mêle Ça et Alien. Hawkins et ses environs ne seront pas les seuls horizons explorés par la série : on aura droit à une virée dans l’Illinois même si cela permettra avant tout au personnage en question de mieux revenir, parce qu’il a compris là où était sa vraie (?) place.
L’enfer c’est les autres ?
La saison 2 de Stranger Things développe davantage la sphère familiale par rapport à la saison 1. Dans celle-ci il n’y avait bien que la famille de Mike et de Will qui était développée. Ici les familles des autres enfants le sont, ce qui permet de voir différentes configurations familiales ; on ne s’en plaindra pas. Pour autant, les rapports parents-enfants semblent toujours problématiques. On pourra penser à la mère de Mike (desperate housewife spotted ?) qui tente de garder le contact avec ses enfants quand le père s’en fout ; aux parents de Steve qui brillent par leur absence ; à la mère de Will et Jonathan focalisée sur le plus jeune… Bref qu’ils soient parents célibataires, couple battant de l’aile ou famille recomposée c’est rarement l’éclate.
Mais cela participe au fait que ce sont les adolescents qui doivent faire face aux problèmes qui leur tombent dessus (violence scolaire, disparition…) ou qu’ils ont eux-mêmes provoqués. En filigrane se trouve une thématique centrale : grandir, la peur des monstres (sans visage) se conjuguant avec la peur du changement qui accompagne cet âge de la vie (collège et lycée) où les sentiments amoureux naissent et engendrent quelques troubles. Plus rien ne sera comme avant. Pour autant la série ne dresse pas un panégyrique des adolescents. Prenons l’exemple du quatuor de départ : s’ils sont victimes de brutalités et remarques pas très sympathiques (l’univers scolaire et aussi celui de la violence), s’ils ont du mal à s’intégrer en dehors de leur petit cercle ils ont aussi, symétriquement, du mal à intégrer des personnes. On le voit avec Onze/Jane dans la première saison comme avec Max dans la seconde.
Pour autant la solution ne consiste pas à se couper des autres. Les liens qui se créent sont au moins aussi envahissants que les tentacules que l’on voit. Outre le personnage de Onze on pourra citer la relation entre Steve et Dustin, le premier confirmant qu’il fait un beau « roi déchu » qui permet d’aller au-delà du portrait du « fils à papa » qui a tout ce qu’il veut (Nancy…). Un seul être vous manque… Les liens noués permettent ainsi de trouver sa place, voire de recomposer son rôle mais ils ne suffisent pas à éviter tous les défauts de coopération que l’on voit dans la série, où chacun trace parfois sa route sans arriver à entraîner les autres avec lui. Ce n’est pas encore Bowling Alone mais la « communauté » a parfois du mal à rester unie : ainsi va la vie !
Il faut sauver Will’ !
Voilà donc une production supplémentaire qui nous plonge dans l’atmosphère des années 1980 par les affiches, les musiques, les programmes télés, les gaufres, les vêtements, les appareils photo’, les talkies (pas de portable !), les voitures… sans compter les diverses références que l’on peut repérer et qui débordent parfois la période (les Goonies, Alien, Star Wars, the Thing, Stephen King, E.T., Akira, Ghostbusters, Donjons et Dragons, Lovecraft…). Si cet amas pourrait jouer sur la fibre nostalgique pour les personnes qui ont connu cette époque, il m’a semblé que la série offrait une assez grande liberté pour ne pas être réservée qu’à quelques happy few. Surtout, je n’ai pas cherché les données sur la consommation de tabac mais on fumait autant à l’époque ? Á croire qu’ils ne peuvent pas passer plus d’un plan sans une cigarette à la bouche ! Voilà un danger aussi important que le « démon Gorgon » et pourtant personne ne dit rien !
Je termine en évoquant deux points : le premier renvoie principalement aux personnages féminins. Si les garçons ne sont pas passifs et que les plus anodins peuvent se révéler précieux (Bob !), les filles ne comptent pas pour des prunes. On le voit à travers les actions (parfois un peu forcées) de Nancy, Max et bien sûr de Onze/Jane. Surtout le film traite de l’absence maternelle (Jonathan, Onze/Jane), de la maternité monstrueuse/dangereuse (la sortie du monde du dehors ressemblant à la sorte d’un vagin) – à laquelle fait écho la paternité monstrueuse de Brenner – quand la perte de virginité fait l’objet d’un parallèle assez suggestif (voir dans la saison 1 les situations respectives de Nancy et Barbara).
Le second renvoie au personnage de Will. Le disparu de la saison 1 est à nouveau l’objet de toutes les attentions dans la saison 2. Si la fin semble suggérer qu’il est sur la bonne voie (ouais bon il se fait encore traiter de zombie mais il danse !) on ne peut pas écarter le fait qu’il soit à nouveau embêté lors de la prochaine saison. Stranger Things c’est aussi une série sur la vigilance et le fait qu’il ne faut rien prendre pour argent comptant. Il y a une inquiétude qui parcourt la série, la menace monstrueuse n’étant peut-être que le reflet des monstres enfermés en chacun de nous.
La vérité est-elle ailleurs ?
Pourquoi Stranger Things plaît ? D’abord parce que la série propose des archétypes qui ont fait leurs preuves pour un univers de ce type, où les héros ne sont pas les beaux gosses du coin (mais comme le dit Nancy les filles à cet âge sont bêtes…). La proximité, même relative, que l’on peut éprouver avec les personnages participe à l’attrait de la série. Il y a ensuite la bande son et un effort visuel pour dépeindre le monde à l’envers dont on sait finalement encore bien peu de choses. Il y a enfin quelques scènes iconiques (parfois un peu trop). En somme Stranger Things c’est un éveil, celui d’adolescents qui, au collège comme au lycée, découvrent un monde qui peut être cruel et auquel les adultes ne les ont pas vraiment préparé.
Avis un peu plus détaillé et illustré (avec ou sans monstre ?) à retrouver là.
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Créée
le 9 nov. 2017
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