Succession, diffusée sur HBO en 2018, c’est comme regarder Game of Thrones mais version col blanc, avec des épées remplacées par des actions et des dragons par des jets privés. Ici, pas de sang versé au sens littéral, mais des poignards plantés dans le dos avec un sourire et des contrats à plusieurs millions de dollars signés en guise de pacte avec le diable. La série raconte la vie de la famille Roy, un clan tellement riche qu’on se demande s’ils utilisent des lingots d’or comme cale-porte, mais tellement dysfonctionnel qu’on hésite à leur offrir un abonnement à un groupe de thérapie familiale.
Au centre de cette fresque trône Logan Roy, le patriarche et CEO de l’empire médiatique Waystar Royco. Un homme dont l’intensité ferait pleurer un rocher et dont le regard pourrait refroidir un café bouillant. Ses enfants – Kendall, Siobhan (alias Shiv), Roman et Connor – se disputent l’héritage et les miettes d’attention de papa dans un bal d’intrigues où les alliances se font et se défont plus vite qu’un repas en famille ne tourne au vinaigre.
Kendall, le fils aîné, est le rêve mouillé de Freud : un homme en quête de validation paternelle, prêt à tout pour prouver qu’il peut tenir les rênes. Malheureusement pour lui, ses moments de triomphe sont aussi fugaces qu’un Wi-Fi dans un train. Shiv, la fille au cœur aussi calculateur qu’un tableur Excel, joue sa propre partie d’échecs dans un monde où les femmes doivent doublement prouver leur valeur. Roman, quant à lui, est le clown sarcastique de la fratrie, plus dangereux qu’il n’en a l’air quand il lâche une réplique aussi acide que du vinaigre sur une plaie ouverte.
Les dialogues de la série sont ciselés comme une lame de rasoir : chaque phrase est un mix de cynisme, d’humour noir et de coups bas dignes d’une finale de Mortal Kombat. On passe des scènes où l’on se surprend à rire d’une blague mordante sur l’héritage, à des moments de tension où le silence est plus éloquent que n’importe quel discours. Les personnages se parlent comme s’ils jouaient au tennis, mais avec des balles en acier. Et si le mot "F***" était une action cotée en Bourse, les Roy auraient le monopole.
Visuellement, Succession n’est pas là pour vous vendre du rêve glamour : c’est un monde où les gratte-ciels et les bureaux à la vue imprenable servent de théâtre à des batailles plus glaciales qu’un blizzard en Sibérie. Le choix des couleurs sobres et l’éclairage cru mettent en exergue la froideur des relations et l’impitoyabilité du monde des affaires. Vous êtes ici pour voir des gens riches être malheureux et faire des choix aussi douteux que le dessert d’un banquet médiéval.
Côté intrigue, la série avance au rythme de manœuvres stratégiques et de trahisons qui rendent l’expression "la famille, c’est sacré" aussi ironique que possible. L’action peut sembler lente par moments, mais c’est la danse des tensions et des jeux de pouvoir qui tient en haleine. Les Roy ne se contentent pas de se battre pour l’héritage : ils luttent pour l’approbation, pour le respect et, en fin de compte, pour leur place dans un monde où la valeur se mesure au nombre de zéros sur un chèque.
Certains pourraient reprocher à Succession d’être trop cynique, de présenter un univers où personne n’est vraiment aimable. Mais c’est justement ce qui fait le sel de la série : l’humanité qui perce par éclats dans un océan de calculs froids et de sourires feints. Si vous cherchez des héros, passez votre chemin. Mais si vous aimez les récits où les masques tombent pour révéler des visages encore plus inexpressifs, vous êtes au bon endroit.
En résumé, Succession est une tragédie moderne enveloppée dans le satin du capitalisme, un drame familial où l’amour et la haine se confondent jusqu’à l’absurde. C’est une série qui rappelle que la quête du pouvoir est un jeu où tout le monde finit perdant, même les gagnants. Si vous êtes prêt à plonger dans un monde où la loyauté coûte plus cher qu’un diamant et où le mot "pardon" est aussi rare qu’un fou rire sincère, Succession est faite pour vous.