La salle était remplie, le désordre était à son comble. Sous la tumulte générale, deux hommes essayent de discuter :
- Que se passe t'il ? Pourquoi m'as-tu amener ici ?
- C'est le procès du siècle mon vieux.
- Je vois ça en effet (il regarde aux alentours), quel en est la raison ?
- Tu vas voir...
L'ouverture de l'audience commence. La défense, les auxiliaires de justice, les jurés, les magistrats dont le procureur et le juge se dirigent vers leur place respectives.
Puis arrive un homme ; l'accusé qui fait son entrée sous la huée des spectateurs.
Le Juge prend la parole :
- S'il vous plaît, pas d'invectives, sinon je fais évacuer la salle. Est-ce que c'est clair ?
Le silence règne.
- Bien. Messieurs prenez place !
Tout le monde cette fois s'assoit.
- Bien bien... Monsieur AnalyzerRobot, vous êtes accusés d'outrage Artistiques. Est-ce bien cela ?
- Oui votre honneur.
Quelques murmures circulent au fond de l'audience. Le juge tape à plusieurs reprises en haussant le ton.
- Pouvez-vous s'il vous plaît nous éclaircir sur vos chefs d'accusations ?
- Mais certainement, j'ai mis 4 à la série sur écoute.
Stupeur absolue dans l'auditoire. Le brouhaha allait revenir de plus belle quand...
- SILENCE ! Sinon je fais lever l'audience ! En retapant cette fois plus fort et plus longtemps sur la table.
Tandis que le procureur regardait l'accusé plein de mépris en hochant négativement la tête et en soupirant ; l'avocat prend la parole :
- Messieurs permettez. Je ne vois pas en quoi un 4/5 attisent autant de consternations. Nous sommes proches de l'excellence et...
- Je n'ai pas noté sur allociné mais senscritique (dis cet étrange énergumène).
- Hum oui bien sûr (mal à l'aise en transpirant). Remarquez que 10 est le double de 5, et que ce 4/10 est proche de la moyenne et euh...
Excédé le procureur intervient :
- Regardez moi cet ignare franchement (en le montrant de ses deux bras qui retombent). Il est là à se pavaner de toute sa bêtise et sa médiocrité qu'il pollue aux environs sans même s'en rendre compte (soupir). Triste monde.
- Mais sans doute que mon client à ses raisons. Peut-être que si nous lui donnons l'opportunité de pouvoir s'exprimer de vive voix, nous nous enrichissons d'opinions diverses qui alimenteront ce débat qui...
- Quel débat (aboit le procureur en coupant la parole) ! Hein quel débat ! Il n'y a rien à comprendre. On ne va pas perdre du temps avec ces gens là. Depuis quand on met une note mathématiquement en-dessous la moyenne à une oeuvre d'art ? Je cite Emmanuel Kant : Le beau plaît universellement sans concept. On ne peut le juger sans le comprendre.
- Mais ce que vous dîtes est absurde !
Cette fois s'en était trop. Une véritable cacophonie explosait. Plus personne ne tenait en place. Le juge essayait vainement de martelait par son petit marteau de président ce boucan incontrôlable.
- J'AI DIS SILENCE !!!!!!!
Il eut fallut plusieurs minutes pour l'apaisement des tensions.
C'était l'accusé qui avait parlé. À en voir la paleur extrême de l'avocat, on avait l'impression que c'était plutôt son procès à lui que celui de l'accusé qui ne se sentait nullement coupable.
- jecroisquenousavonsmalinterprété lesdiresdemonclient qui... (de sa voix à peine audible).
- Je peux très bien me défendre tout seul (en souriant à son avocat).
- Oh et bien dans ce cas ... (vexé il sort de la salle en fermant la porte).
De sa voix belle et cultivé il repris contre ce réquisitoire par sa magnifique rhétorique.
- En 1er lieu, je réfute les propos de Kant. Qu'est-ce que c'est que cette dictature esthétique ? Je sais que Kant distingue le beau de l'agréable.
Kant oppose l’agréable qui touche les sens, au beau, qui suscite un plaisir désintéressé.
Le jugement sur l’agréable et ses variétés est lié à un intérêt, et relève de la seule faculté de désirer. Ce n’est pas l’objet d’un simple jugement : il produit
une inclination et un plaisir en résulte. L’agréable dépend du goût du caprice de chacun et est particulier, tandis que le beau exige l'universalité (même s’il s’agit d’une universalité de droit, et non de fait).
(baillements)
Le beau peut être universel parce qu’il fait
jouer des facultés qui sont communes à tous les sujets : le sentiment que j’éprouve devant la belle œuvre peut, en droit, être partagé par tous. Kant estime néanmoins que cette définition vaut aussi bien pour le beau naturel que pour le beau artistique ; en un sens, le beau naturel peut être selon lui supérieur au beau artistique, parce qu’il est purement gratuit : la belle œuvre est faite pour plaire, et cette intention, quand elle est trop visible, peut gâcher notre plaisir ; rien de tel avec un beau paysage.
Cependant Hegel avait prouvé le contraire dans son Esthétique qui montré que...
- Bla bla BLA ! Bon on s'en fout, où voulez-vous en venir ? (exaspère le procureur).
- Et bien j'y viens : Je n'ai jamais dis que sur Écoute etait une mauvaise série. Je l'a reconnaît Belle mais pas Agréable (si on reprend le Point De Vue de Kant).
- THE WIRE ! Rugit le procureur.
- The wire, sur écoute, qu'est-ce que ça change ? Tout le monde ici parle français, on se comprend non ?
- Vous savez très bien que les titres sont l'essence même de l'oeuvre, les traductions dénaturent totalement ces dernières.
- Mais qu'est-ce qu'on s'en fout sincèrement. En quoi cela tue l'analyse et l'interprétation ? D'accords vous avez raison sur ce point sur les attentes suggérés à travers une histoire ou une autre forme de représentation. Il est vrai que cela peut même tuer le suspens. Prenons "Un jour sans fin", son titre original est "Groundhog Day", ce qui signifie "Le jour de la marmotte". Rien ne nous dis le calvaire fantastique que va subir sans fin le héros. Ou encore "L'étrange noël de Mr Jack" qui était "The Nightmare before christmas", où est Jack ici ? En revanche "L'impasse" me semble plus adéquat que "Carlito's Way". Mais les 2 sonnent justes.
- Nous voilà bien avancé, merci monsieur de votre sagacité et justesse d'interprétation (répond le procureur).
Fou Rires dans la salle.
- Et ce 4/10 ? Hum ? Monsieur peut nous expliquer ? Toujours de son ton mielleux et faussement hypocrite.
- Bien sûr Monsieur le procureur. Alors voilà je le redis bel et bien haut et fort une bonne fois pour toutes : JE N'AI PAS AIMÉ SUR ÉCOUTE ! (Temps) Ou the wire.
- Ouh ! Sortez le !
- Fumier va !
-SIIIIIILLLLLLLEEEEEEEENNNNNNNCCCCEEEEEEEE !
Cette fois pour le juge c'était aussi puissant que Dumbledore.
- Ah excusez moi, merci de le rappeler car je crois que personne ici n'avait compris (ironise le procureur).
Fou rires à nouveaux
- Je n'ai pas aimé (sans faire attention à cette remarque désobligeante), car je n'accroche pas au style cru, trop documentariste de l'auteur.
- Mais c'est voulu espèce d'idiot ! Hurle quelqu'un dans le public.
- Je crois que je n'aurais pas mieux dis, en presque répétant le procureur.
- Merci j'ai parfaitement compris. Je regrette mais ce n'est pas un argument qui me fera changer d'avis. Je n'arrive pas à m'attacher aux personnages. Bref je ne rentre pas dedans.
- Avez-vous vu au moins l'intégralité ? Répond une spectatrice.
- Bien sûr madame. J'ai vu jusqu'à la saison 5, jusqu'au dernier épisode.
- Et vous n'avez toujours pas aimé ? Reprend une autre.
- Non
- Mais pourquoi ? Pourquoi ? Répond avec fureur encore une autre, cette fois au coin de la salle. Quel est ce caprice ?Comment est-ce humainement possible ? Quel genre d'homme êtes-vous donc ?
- Mais madame ce type d'accusation que vous venez de me faire, est exactement la même que monsieur le procureur ici présent, qui nous a dis qu'on ne peut sous-noté une oeuvre d'art.
Tranquillement l'accusé (et non coupable), examine attentivement toute la salle. Sans jugement il prend une profonde inspiration et déclame d'une voix puissante et sereine.
- Nous ne sommes pas obligés d'apprécier les chefs-d'oeuvres.
Long silence.
Le procureur reprend la parole (ramenant l'affaire qui est sous le banc des accusés) :
- Tout de même 4/10 bon sang ce n'est pas rien !
- J'entend bien. Mais ma notation ne peut dépasser la moyenne vu que je n'ai pas été emballé par cette oeuvre majeure.
- Mais il y'a tellement d'autres productions qui méritent ce 4/10 nom de Dieu ! Pas The Wire bon sang de bonsoir ! Étant donné l'importance culturelle : Qu'est Artistique, Thématique, Scénaristique, Dramaturgique, Psychologique, Historique, Stylistiques, Esthétiques, Scénographique, Techniques, Politique, Géopolitique, Économique, Sociologique, Étatique, JURIDIQUE...
- Mais que voulez-vous que je vous dise ? On ne va pas me forcer la main non ? J'ai pas aimé, j'ai pas aimé. Point final.
Et puis alors arrive cette fois un autre homme. À peine était-il arrivé que tout le monde s'est levé dans la salle. Tout le monde sauf AnalzserRobot le coupable aux yeux de tous.
L'homme était presque chauve et vient se mettre devant le tribunal tel un témoin. On lui apporta tout de suite une chaise afin qu'il s'assoit comme il se doit.
C'était David Simon.
Cette fois le juge pris la parole :
- Monsieur David Simon, vous ne savez pas à quel point c'est un plaisir de vous avoir parmis nous. C'est un véritable honneur...
- Merci votre honneur (répond celui-ci)
- Euh non tout l'honneur est pour moi...
Quelques rires ici et là
- Hum je bien, où en étais-je ? Ah oui, cette affaire, ou plutôt devrais-je dire l'Affaire !!! Monsieur David Simon, j'imagine que vous avez eut vent des informations sur ce bien regrettable procès ? Qu'en pensez-vous ? Regardez moi ce pauvre garçon ! Ce n'est pas possible ! Il n'a pas toute sa tête pour délibérer de telle affabulation. Raisonez-le ! Éclairer nous de votre savoir contre son obscurantisme obstiné.
David Simon regarda vaguement AnalyzerRobot. Puis après un profond soupir il se mis à parler :
- Je suis déçu par la réaction de ce monsieur. Mon travail est avant tout journalistique, je n'ai jamais eut l'audace de créer une série policière comme une autre. On ne regarde pas mon oeuvre tel un simple divertissement pour son propre plaisir.
ACCLAMATIONS DE TOUTE PART.
Curieusement le juge n'intervient pas.
Sous les tonneres d'applaudissements David Simon continue :
- Je crois tout simplement que ce pauvre Monsieur n'a rien compris à mes méthodes de travail. Je l'invite donc à tout revoir pour une 2ème fois.
- Mais ...
Les applaudissements se font de plus en plus fort. Tout le monde frappe des mains, tout le monde même le juge.
Tout le monde sauf AnalyzerRobot.
- Monsieur David Simon, je crois que vous êtes nés le 9 février 1960 à Washington ?
- Oui votre honneur.
- Un homme de lettre et d'esprit de votre trempe doit mieux que quiconque ici présent, et moi même inclut ; saisir avec une telle justesse, une telle véracité la dureté et la diversité complexe de notre monde ?
- J'ai travaillé pour le The Baltimore Sun pendant douze ans.
Le monde médiatique est censé apporter la vérité dans le mensonge. Nous sommes passionnés par l'actualité. Mais hélas par les temps qui courts, cette profession s'est pervertie. Nous trouvons l'information de moins en moins fiable et de plus en plus anxiogène. Au point que beaucoup de personnes se détournent des grands médias (journaux, radio ou télévision) au bénéfice d'Internet (blogs, réseaux sociaux, Wikileaks, etc.). Ces nouveaux médias plus libres.
Aucune interruption. David Simon continue.
- Pourtant, le "reporter" conserve l'image d'un héros populaire, à l'image des icônes que sont Tintin, Ricochet, Spirou et Fantasio, tous des héros de jeunesse. De nombreux étudiants aspirent à exercer cette profession. Comment donc distinguer le vrai du faux ? Comment éviter de tout prendre pour argent comptant ? Car nous en voulons pour notre argent ! Nous ne voulons pas avoir le revers de la médaille.
Des pleurs dans la salle.
David Simon regarde d'un regard sévère la foule et emporté par son éloquence, il se lève d'un bond et frénétiquement se met à crié d'une voix forte et puissante pour que le monde entier l'entende :
- LA VÉRITÉ NOUS CONCERNE TOUS ! CELA NE DOIT PAS CONCERNER QUE NOUS LES SPÉCIALISTES. MAIS BEL ET BIEN VOUS LE PEUPLE CONTRE L'OLIGARCHIE. REVOLTEZ-VOUS ! FAITES-VOUS ENTENDRE ! C'EST POUR VOUS TOUS ET TOUTES QUE J'AI FILMÉ TOUS CES BAS FONDS DE CES TAUDIS MAL AFFAMÉS, POUR VOUS ENCORE QUE J'AI MONTRÉ TOUT CE DYSFONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL ! OUI VOUS QU'À TRAVERS MON ROMAN VISUEL ET SOCIALE À L'ASPECT FAUX DOCUMENTAIRE ET POURTANT SI VRAIE, QUE JE VOUS AIS DÉPEINTS LA CORRUPTION, LE RACISME, L'OPPRESSION TYRANNIQUE DE LA SURVEILLANCE CONTRE NOS LIBERTÉS. MES FRÈRES, MES SOEURS, NOUS NE VENDONS PAS D'ESPOIR, DE SATISFACTION OU DE VICTOIRE FACILE AVEC CETTE SÉRIE. THE WIRE EST CE CÂBLE QUI NOUS RELIE TOUS ET TOUTES. IL N'Y A PAS DE HÉROS, SEUL LE DÉCOR EST LE PERSONNAGE PRINCIPAL. C'EST LE PORTRAIT EN PAYSAGE OU LE PAYSAGE EN PORTRAIT. VOUS VOYEZ LE TABLEAU ? TOUT EST CADRÉ : C'EST UNE DISCUSSION SUR CE QUE NOTRE GOUVERNEMENT, LES INSTITUTIONS, L'ÉDUCATION, LA BUREAUCRATIE, LES ENTREPRISES CRIMINELLES, LES
CULTURES DE L'ADDICTION, LE CAPITALISME BRUT MÊME, FONT AUX INDIVIDUS PAR CE PAUPÉRISME. ELLE N'A PAS ÉTÉ CONÇUE UNIQUEMENT POUR ÊTRE UN DIVERTISSEMENT. C'EST UNE SÉRIE SUR LA COLÈRE.
ET JE TERMINERAIS EN VOUS DISANT DE RETENIR BIEN CECI : IL N'Y A PAS DE DÉMOCRATIE VÉRITABLE SANS INFORMATIONS DE QUALITÉS !!!!!
La salle était à son comble de l'extase. C'était digne de supporters d'un match où chacun se renvoie la balle. Il eut fallut bien du temps pour que le calme règne.
- DAVID ! DAVID ! DAVID !
- DAVID ON T'AIME !
- LONGUE VIE AU ROI !!!
- Oui. OUIIIIIIII !!! VIVE LE ROI DAVID SIMON LE SALOMON !!!!!!!!!!
Le roi David était fier. Il avait conquis son peuple. Il leur avait montré la vie telle qu'elle est et non telle qu'ils veulent.
Le cinéma avait-il dit un jour, a trop mentie. Il a monté la réalité, il est temps de le montrer.
Puis brusquement en regardant l'autre, l'incompris qui semble ne rien comprendre, il le regarde d'un air plein de tristesse en se positionnant bien face à face de lui, le mal-aimé.
- Je prie qu'un jour vous changerez d'avis.
Le roi était partis. Nous nous retrouvons seuls.
Tout ce petit monde d'émotions reprennent peu à peu leur esprit. À l'exception naturellement de ce AnalyzerRobot sans aucune analyse ni même de conscience.
- Ah que c'est beau (dit le juge les larmes aux yeux). Ah lalalala mais qu'est-ce qu'on va pouvoir faire de gens comme vous ?
- Comprendre n'est pas forcément ressentir (répond t'il).
- Écoutez ça suffit maintenant, que vous le vouliez ou non il y'a eut un avant et un après The Wire.
- Mais j'ai compris bon sang, mais je préfère The Shield qui est sortis la même année. J'ai adoré les Sopranos, est-ce que ça fait de moi un ignare pour reprendre les termes de Monsieur le procureur ? Vous savez il faut bien comprendre que dans l'art, tout une multitude d'éléments viennent en compte. Même les détails les plus insignifiants peuvent prendre leur importance. C'est sans doute ridicule à vos yeux ébahis, incompréhensibles je le reconnais, mais c'est ainsi. Je n'aime pas le rythme, l'ambiance, la structure, le ton, l'histoire... bref je n'aime pas Sur écoute. Le monde serait d'une tristesse profonde si tout le monde était obligé d'aduler les véritables oeuvres d'art. Maintenant j'avais déjà saisis l'importance et l'impact de cette oeuvre matrice bien avant de venir ici. Oui paradoxalement cette série m'a marqué en me laissant une empreinte indélébile dans mon esprit. Je me souviens encore des personnages, de leurs destins, du début et de la fin de ce show. J'aime le pourquoi de cette série mais pas le comment. Ce n'est pas parce qu'on parle de thématiques de la vie même d'une vérité aussi franche que la mienne, que l'on va l'accepter. Je ne dirais jamais que Sur Écoute ou The Wire est une mauvaise série. J'ai aimé des choses d'autres moins. Mais je dirais que dans l'ensemble je n'ai pas accroché à cette tranche de vie bien contradictoire sans trop l'être pour autant, constamment sur le câble ou plutôt le fil du rasoir.
D'où mon 4/10.