On est proche de la perfection sur tous les plans.
Les personnages tout d’abord. Ils sont « gris », pas seulement dans leurs attributs (policiers corrompus, robin des bois voleur, …) mais aussi dans notre rapport à eux : on se retrouve à supporter des personnages complètement opposés. Et le jeu d’acteur est absolument génial.
Par ailleurs, les sujets abordés sont particulièrement intéressants, notamment la police et la politique, avec un penchant personnel pour la saison 4, centrée sur l’éducation et ses défis. Les changements de thème entre chaque saison sont toujours bien amenés, et la série évite l’écueil de toujours reconstituer la même équipe, en s’intéressant plutôt aux trajectoires personnelles (j’ai particulièrement apprécié celle de Presbolowski).
Quand on la regarde plus de 15 ans après la sortie de la première saison, un aspect prend encore plus d’importance : l’évolution des moyens de communication, et des techniques policières. On voit défiler les cabines téléphoniques, les bippeurs, les téléphones jetables, … évolution rapide qui contraste avec l’inertie administrative présente dans tous les pans de la société de Baltimore. The Wire montre la vie comme un perpétuel combat, souvent même contre sa hiérarchie et ses décisions court-termistes. L’obsession des statistiques criminelles annuelles est abondamment critiquée, et la Major Crime Unit se présente comme la solution avec son travail centré sur le long-terme. Mais l’inertie gagne toujours : la fin de la série offre à la fois un sentiment d’achèvement, chaque personnage semble avoir atteint un état plus stable, et aussi le début d’un nouveau cycle, laissant penser que rien n’a réellement changé à Baltimore.
Enfin c’est la construction des interactions entre les personnages qui me frappe par sa justesse. Les plans sont toujours pertinents. Les dialogues sont magnifiquement construits, dans une réalité frappante : les silences sont parfaitement utilisés, et le langage est avant tout centré sur ses intentions (la signification qu’il veut faire passer) et pas ses choix de mots (en témoigne la scène du « fuck », seul mot employé durant toute une scène, dans la saison 1). Les chansons de générique, où les paroles et les harmonies restent les mêmes alors que les interprètes et le style changent de saison en saison, sont une magnifique métaphore du langage dans la série, de la série dans son ensemble, et de Baltimore en général.
Est-ce un plaidoyer pour les réflexions sur le long-terme ? Ou un simple constat que les trajectoires personnelles se heurtent toujours avec l’intérêt général ? Cette série est en tout cas une fresque magnifiquement terre à terre d’un lieu, la ville de Baltimore.