Tales from the loop se situe plus du côté de The Leftovers ou Dark que d’une série comme Black Mirror. C’est une bulle d’émotions, d’imbrications chimiques, tant dans son mécanisme narratif que dans sa capacité à faire rejaillir la lumière de chaque protagoniste. Pour le plus grand plaisir du spectateur.
Là où Black Mirror prend le pouls de la société afin de décrypter le malaise qui entoure la technologie et afin de dévisager la dangerosité qui s’agglutine autour de notre consumérisme, la série de Nathaniel Halpern, au contraire, se sert uniquement du cadre fantastique pour portraitiser au mieux les errances humaines. La technologie, cette part de science de fiction, n’est qu’un motif visuel et contextuel dans lequel l’œuvre peut encore mieux définir le cadre de sa démarche et schématiser le drame qui se joue devant nos yeux. Le temps qui passe, la fragilité de notre destin, la contemplation et l’incapacité de l’Homme à se surpasser sont des notions qui touchent le coeur même de Tales from the loop.
Mais qu’on se lise aussi : nous sommes loin de WestWorld et sa lutte des classes robotique. L’objectif de la série n’est jamais celui de vouloir détourner notre regard sur les dérives technologiques et leur liaison avec notre aliénation. Non, loin de là. C’est même l’effet inverse. Car dans cette série, au visuel sophistiqué qui aime peindre de grands espaces et qui ajoute à sa mélancolie une bande sonore d’une grande richesse, c’est de l’humain dont il est question, ses peurs, sa poésie et ses violences. Même si derrière chaque histoire il existe un point de départ scientifique, un élément de réponse dystopique ou un fait technologique impromptu, et que le récit évolue d’épisode en épisode, pour mieux nous cueillir dans son final tonitruant, c’est l’éventail des émotions de chaque personnage qui va prédominer et nourrir au mieux l’environnement de cette série.
Comme citée ci-dessus, la référence à The Leftovers n’est pas des plus anodines. Tales from the loop peut être vu comme un recueil de poèmes : chaque épisode raconte l’histoire d’un membre précis, comme dans une sorte de courte nouvelle ou de fable existentielle, qui n’en oublie pas le cadre global du récit et son avancée. Dans un village, un bâtiment nommé « The loop » est une base de travail pour des chercheurs où « l’impossible devient alors possible ». Le dessein de la série va tourner autour d’une famille et de certains habitants du village. Le mystère qui découle de ce synopsis va vite être remplacé par les multiples possibilités qui s’offrent aux personnages dans l’optique de mieux s’affranchir de leur propre condition.
Comme dans les séries de Damon Lindefol, le pourquoi n’est pas l’épicentre même du raisonnement de l’écriture de la série : qu’est-ce que ce bâtiment, à quoi sert-il, de quelle manière interagit-il avec la société, est-ce un lieu isolé ou en existe-t-il d’autres, comment a-t-il été créé, quels sont ses pouvoirs et son mécanisme… Tout un tas de questions qui trouveront quelques miettes de réponses, mais qui à aucun moment, ne deviendront le fil rouge important du récit. Ce n’est donc pas le pourquoi, mais le comment qui va alors captiver la série et sa douce obsession pour le regard et son reflet distordu de la réalité.
Derrière un bras robotique il existe un passé douloureux, derrière un robot prisonnier d’un forêt se trouve une clé familiale qui nous manque, derrière une capsule technologique qui permet d’intervertir les esprits se cache une réalité sociale ouvrière malheureuse, derrière le reflet d’une société figée se dissimule une jeunesse qui ne sait pas comment profiter du temps qui passe, derrière un passé se dessine la possibilité d’être une mère plus prévenante ou même derrière un jumeau d’un autre espace temps il devient alors possible de déchiffrer et de comprendre l’amour qui grandit en soi. Derrière chaque élément technologique, se trouve une réponse sur l’Humain et sa volonté de prendre en main sa destinée.
Cette combinaison de chroniques, douces, lancinantes et un brin naïves, allant du drame existentiel au teen movie jusqu’au survival horrifique, fait de Tales de from the loop une mosaïque SF de sentiments, de genres, de textures qui se dispersent, aimant prendre le temps de se promener dans son décorum qui allie vintage et modernité dans de grandes plaines jonchées de cadavres robotiques faisant écho à notre destin. La contemplation et le motif sensoriel sont de mise dans Tales from the loop, pourtant, le temps passe aussi rapidement qu’un battement d’ailes. Une très belle réussite.
Article original sur LeMagducine