Saison 1 :
Ted Lasso, peu populaire encore en France, est l'une séries TV US les plus appréciées, tant par le public (une note approchant les 9/10 dans l'ImDB) que par la critique (11 Emma Awards à date). Peut-être faut il chercher dans son sujet (un entraîneur de football américain se fait embaucher par la propriétaire d'un club de foot londonien de 1ère division, alors qu'il ne connaît rien au "soccer"...) la raison du manque d'intérêt du public français...
Et il est vrai que les 2 premiers épisodes de la première saison, largement consacrés au décalage culturel entre GB et USA et à l'incompétence technique du nouvel entraîneur, épisodes au demeura pas très drôles, laissent présager le pire, et une série surestimée. Et pourtant, progressivement, la sauce prend, et le parti pris culotté du scénario paie : il s'agit, comme aux meilleurs temps de la comédie hollywoodienne (Capra peut venir à l'esprit, la conscience politique en moins, malheureusement) de montrer que la gentillesse et l'optimisme peuvent avoir raison du cynisme et du pessimisme. Bon, il y a clairement un sous texte soulignant la "supériorité" de l'innocence américaine vis à vis de la prétention européenne, mais les scénaristes de Ted Lasso sont trop intelligents pour nous servir ce genre de soupe démagogique : dans Ted Lasso, nul n'est exactement ce qu'il paraît et rien ne se déroule comme prévu !
Comme chez Renoir, chacun a ses raisons pour agir bien ou mal, et toutes sont, sinon honorables, au moins humaines. Dans le fond, comme leur héros Ted Lasso, Brendan Hunt, Joe Kelly et Bill Lawrence croient que l'homme est fondamentalement bon.
Mais pour contrebalancer cet optimisme frôlant la naïveté, ce que l'histoire de Ted Lasso nous dit, c'est que le pire est toujours possible, voir même certain. Pas de happy end ici, pas de récompense divine pour les braves : le sort se charge de punir de manière égalitaire bons comme méchants. Ted Lasso est une série mêlant comme peu d'autres clichés feelgood et crises de dépression aiguë, moments d'enthousiasme démesurés et désastres irréversibles. Bref, la vie, c'est de la merde, mais ce n'est pas une raison pour ne pas continuer à espérer.
Le casting de la série est merveilleux, bénéficiant en particulier de la présence impressionnante de l'inconnue (au moins chez nous) Hannah Waddingham, qui vole toute les scènes où elle apparaît dans un rôle qui est tout sauf facile et prouve à lui seul l'habileté des scénaristes de Ted Lasso quand il s'agit d'échapper aux clichés !
[Critique écrite en 2023]
Saison 2
C'était sans doute inévitable, mais la seconde saison de Ted Lasso est une légère déception par rapport à la première : est-ce la répétition de modèles et de mécanismes déjà exploités- et mieux - dans la première saison ? En tous cas, la série semble maintenant ronronner au sein d'un cadre établi, loin des ruptures et surprises de ses débuts : en rendant en outre sympathiques des personnages qui ne l'étaient pas (comme l'arrogant Jamie Tartt), en faisant entrer l'équipe de Richmond dans une logique victorieuse, en incluant de nouvelles romances, la saison prend le risque assumé d'exagérer son côté feelgood. L'aspect footballistique de la série reste plutôt léger, et on aura cette fois du mal à comprendre la nature du job de Lasso, une fois créé l'esprit d'équipe qui était le défi de la première saison.
Les seuls vrais défis à nous mettre sous la dent sont cette fois les problèmes psychologiques de Ted, qui se résoudront néanmoins en une séance de psychologue bien sentie, ce qui ne laisse pas d'être "léger"... Et puis aussi le virage - pas très cohérent en soit - de Nate, qui devient finalement le seul véritable "antagoniste" de la série. On célébrera néanmoins un épisode de Noël très drôle, qui nous fait regretter que la série ne travaille pas plus cette veine purement comique.
Il n'est pas certain que le tir soit corrigé dans une saison 3 qui n'a pas été particulièrement bien reçue par les fans...
[Critique écrite en 2023]
Saison 3 :
Pour la troisième et ultime saison de Ted Lasso, Brendan Hunt, Joe Kelly, Bill Lawrence, Jason Sudeikis et leur équipe de scénaristes poursuivent au long des 11 nouveaux épisodes dans la même voie : force est de constater une réduction des effets comiques et une augmentation des péripéties sentimentales des différents protagonistes, avec une recherche systématique d’affects positifs qui récompensent un téléspectateur désormais attaché aux personnages de la série. Mais est-ce forcément un mal, finalement ? Ce n’est pas si sûr : une fois qu’on a fait son deuil de la vivacité initiale de Ted Lasso, on peut aisément se laisser embarquer dans les méandres d’un récit qui multiplie certes les retournements de situation, mais prend aussi le temps de les exploiter, les épisodes ayant plus ou moins doublé en longueur par rapport aux deux premières saisons.
Nous suivons cette fois le retour du Richmond FC en première division du championnat anglais : d’abord boosté par le talent d’un joueur-star acheté à prix d’or, l’équipe sombre peu à peu dans le bas du tableau, jusqu’à ce que Lasso, au cours d’une nuit homérique et sous stupéfiants à Amsterdam, retrouve les principes du « football total » qui avait si bien réussit aux Néerlandais dans les années 70. En parallèle, nous accompagnerons la nouvelle carrière de Nate (Nick Mohammed, toujours très touchant) à West Ham et la tentative de Keeley (Juno Temple, à l’enthousiasme contagieux) de monter sa propre entreprise de relations publiques.
Il y a certes peu de grands moments dans cette troisième livraison d’épisodes (même si l’épisode 6 à Amsterdam est réellement brillant), mais on a en revanche le sentiment d’être devant une série qui a trouvé son style et l’exploite avec une indiscutable efficacité. On pourra tiquer sur le parcours en montagnes russes de l’équipe de Richmond FC, pas toujours très logique, et sur la résolution parfois trop facile de certains conflits (la disparition soudaine de Jack, par exemple, et la conclusion de son histoire avec Keeley est littéralement bâclée). Enfin, et c’est depuis la seconde saison le problème numéro 1 de la série, tout ce qui tourne autour des problèmes personnels de Lasso lui-même s’avère assez ennuyeux.
Il est indéniable pourtant que Ted Lasso continue à bien fonctionner, grâce à la richesse de ses personnages, tous plus complexes et paradoxaux qu’ils ne le paraissent initialement. Chaque fan aura bien entendu ses chouchous, mais quant à nous, nous avons adoré la relation devenue amicale entre l’hilarant Roy et Jamie (Brett Goldstein et Phil Dunster, tous deux drôles et crédibles à la fois…). On peut également apprécier les piques politiques anti-Brexit et anti-conservatisme raciste britannique, ainsi que la position claire de la série sur l’homosexualité… deux sujets qui rebuteront évidemment les sympathisants des idées d’extrême droite !
Les derniers épisodes remettent le football au centre du récit et c’est tant mieux, la série réussissant à évoquer assez superbement la passion et l’enthousiasme des fans, ainsi que l’excitation des matches. La conclusion offre enfin son lot de satisfaction au téléspectateur, finalement plus désolé qu’il l’aurait imaginé de quitter définitivement ses héros.
[Critique écrite en 2023]
https://www.benzinemag.net/2023/07/14/apple-tv-ted-lasso-saison-3-nos-adieux-a-des-personnages-que-nous-avons-appris-a-aimer/