The Americans
7.3
The Americans

Série FX (2013)

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J’attendais cette série depuis un bon bout de temps principalement car c’était la petite dernière de la chaîne FX, nous ayant déjà apporté The Shield, Sons of Anarchy et Justified, parmi tant d’autres. Une chaîne qui, si elle n’a pas la liberté de ton légendaire d’HBO, est petit à petit devenue une nouvelle référence dans les shows matures, complexes et addictifs. Le synopsis était à la fois intriguant et bien risqué, puisque les deux personnages principaux, Philip et Elizabeth Jennings, sont des espions du KGB installés aux Etats-Unis depuis des années comme un couple « normal ». L’exemple type de l’idée qui aurait pu tourner au désastre très rapidement, mais il faut souligner le fait que Joe Weisberg (créateur et producteur) est un ancien agent de la CIA. Les plus pointilleux pourront souligner que la série ne parle « que » du KGB et du FBI, mais difficile de nier que bénéficier de quelqu’un avec ce passé à la tête de la série doit énormément jouer dans la crédibilité, comme un Tom Clancy à ses début de romancier.


Si vous le voulez bien, commençons par le commencement. Le pilote nous introduit la situation du couple en mettant en parallèle leur vie actuelle de parfaits petits banlieusards américains des années 80 (avec pour couverture une agence de voyages), leur vie beaucoup plus mouvementée d’espions, et enfin des flashbacks nous ramenant une vingtaine d’années en arrière. Pour évacuer les défauts d’entrée, je dirais que ce pilote est trop chargé, entre le nombre de choses à nous faire découvrir, les flashbacks, l’action, la relative complexité liée à leur métier, même en 1h10 c’est peut-être beaucoup. J’avais un peu ce sentiment qu’ils avaient essayé d’en mettre le plus possible d’un coup pour être sûr d’intriguer suffisamment les spectateurs.


Ceci étant dit, le pilote reste très solide et nous vend bien le contexte et les différents personnages. L’ambiance et les décors des années 80 sont parfaitement restitués, ce qui joue énormément dans l’immersion. Pour ce qui est de la trame initiale, j’en ai assez peu de souvenirs puisque j’ai vu le pilote à sa diffusion, mais le reste de la saison qu’après sa fin. Sans aller plus loin dans le spoil, je dirais simplement que l’introduction du personnage de Stan Beeman, agent du FBI, comme voisin du couple dès le pilote peut paraître excessif mais se révèle être une excellente idée.


Ce qui m’a bien plus frappé dès le second épisode et pour le reste de la saison, c’est à quel point la série se veut réaliste et méticuleuse, presque contrairement au pilote d’ailleurs. Le ton se rapproche bien plus du film La taupe que de James Bond, par exemple. Chaque opération doit être préparée avec un soin quasi maniaque, la moindre écoute est un casse-tête à mettre en place, les filatures, déguisements et séductions sont légion, et j’en oublie. Tout se fait à partir d’astuces et de règles assez simples, mais suffisamment bien racontées pour être passionnantes. Les combats également sont secs et brutaux, où chacun cherche le coup qui va permettre de mettre l’autre KO voire de le tuer. Dans toutes les situations (ou presque, allez), la cohérence et la crédibilité sont mises en avant, par exemple si un personnage doit mourir, ça sera le cas tout simplement, pas de deus ex machina absurde.


Cela joue énormément dans le fait que l’on croit aux personnages et que l’on s’y attache, leur vie peut être en danger à tout moment et souvent à cause d’un détail insignifiant. La série questionne également jusqu’où peut aller l’engagement, notamment au travers des points de vue divergents du mari et de la femme. Implantés dans un pays étranger depuis autant de temps, il est facile de perdre de vue l’idéal soviétique et de questionner leurs décisions parfois absurdes et déconnectées de la réalité. Difficile également pour un couple fabriqué de survivre à tant d’années quand les autres ne semblent pas y arriver. Des thèmes encore une fois complexes à aborder et qui peuvent sembler farfelus à la lecture, mais très subtilement mis en œuvre à l’écran.


Comme dans les meilleures séries du genre, la multitude des points de vue permet d’évacuer d’emblée tout manichéisme. Toutes proportions gardées, on pensera à The Wire ou Oz, qui en brossant une galerie de personnages aux motivations bien différentes rendaient compte de situation qu’on ne peut se contenter de voir par le petit bout de la lorgnette. The Americans, en plus de nous présenter une situation qu’on pourrait penser un peu rebattue, a le culot de nous mettre du côté de ceux que le cinéma américain a stigmatisé des années durant, pour ne pas dire des décennies. Pas de fausse subversivité non plus, on ne tombe pas dans le cliché inverse des « gentils soviétiques contre méchants américains ». Chaque personnage est montré avec ses failles, parfois de façon très crue. Au cours de la saison, les rôles semblent s’inverser à plusieurs reprises, certains sombrant dans leurs travers, d’autres cherchant à se racheter, d’autres encore tirant le meilleur parti de ces temps troublés.


Un des thèmes récurrents, majeurs même, est la confiance. Confiance au sein du couple, entre collègues, entre agents, entre différentes niveaux de hiérarchie, chez le KGB comme le FBI. Comment faire entièrement confiance à quelqu’un en faisant ce métier-là, en connaissant les risques qu’il y a à divulguer la moindre information personnelle et en devant se méfier de tout le monde ? Comment faire confiance à ses indics quand il n’y a pas moyen d’être absolument certains qu’ils ne rendent pas des comptes à l’ennemi ? Ces différentes interrogations sont fort bien traitées par une multitude de situations, je citerai seulement (pour ne pas spoiler) la réticence tenace d’Elizabeth à avoir confiance en sa supérieure, et la relation que Philip doit entretenir avec une secrétaire du FBI pour gagner accès à des informations top secrètes.


Rien ne se fait facilement, tout est affaire de patience et de longueur de temps. La saison est construite à l’image de leur travail, une longue et passionnante mise en place, parsemée de moments explosifs qui conduisent à un sommet de suspense. Inutile de dire que tout ce travail n’aurait pas été aussi appréciable si la série ne bénéficiait pas d’efforts considérables dans tous les domaines. J’ai évoqué précédemment les décors et l’ambiance, mais que vaudrait ceci si la technique et les acteurs n’étaient pas à la hauteur ? Un énorme effort est visible sur la mise en scène, toujours propre au minimum, et souvent assez inspirée, nous offrant de belles envolées à de nombreuses reprises. On pense notamment à Justified dans les joutes verbales parfois cruelles et la tension toujours sous-jacente, très justement soulignée par des plans qui durent et une musique jamais envahissante. Les deux séries partagent également une utilisation des acteurs assez bluffante, qui semblent totalement s’investir dans leurs personnages et pouvoir démontrer leurs talents sur des situations remarquablement bien écrites.


Matthew Rhys le premier est souvent incroyable d’intensité, passant sans sourciller de père bienveillant à agent au regard glacial en passant par amant passionné pour les besoins d’une mission. Le genre de révélations que je serai enthousiaste de voir un peu plus au cinéma. Même chose pour Keri Russell, dont le personnage est parfois incroyablement dur et professionnel dans les missions, mais qui se montre plus fragile qu’on ne croit en dehors. Sans citer tout le casting, je tiens également à mentionner Noah Emmerich en agent Beeman, plus torturé que son apparence lisse du pilote (montrant bien que la vie d’agent n’est pas plus enviable de ce côté de la Guerre Froide) et Margo Martindale en agent de liaison des Jennings, tout aussi géniale que dans Justified.


Quelle réjouissance de voir que le dernier épisode utilise à la perfection tout ce qui a été fait auparavant pour nous servir des moments de tension incroyables, sans que l’on ne puisse jamais dire comment chacun va s’en sortir. Un final d’une grande intelligence qui, en plus d’être un excellent épisode en soi, clôt parfaitement la saison sans frustration tout en redistribuant suffisamment de cartes pour annoncer une saison 2 passionnante. Difficile de faire mieux pour une nouvelle série, qui plus est sur un thème et un ton qui auraient pu ne pas remporter l’adhésion du public. Heureusement elle a été renouvelée, alors ne boudons pas notre plaisir de voir la qualité primer sur les sacro-saintes audiences dans le monde impitoyable qu’est la télévision.

blazcowicz
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le 1 juin 2013

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blazcowicz

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