Attention : la critique qui suit peut dévoiler des éléments clés de la série.
Contrairement à la plupart des séries contemporaines, the Fall ne se contente pas de faire dans le féminisme et le politiquement correct par petites touches "subtiles". On est ici à un autre niveau, plus total et quasi spirituel : l'auteur se positionne en faveur d'un mal ontologique dont l'origine serait l'homme.
Ainsi, nous est présentée une galerie d'hommes qui se caractérisent par leurs insuffisances, leurs incomplétudes, qui s'expriment elles-mêmes par des actes odieux : meurtres, viols, agressions physiques, insultes, chantage affectif, complaisance dans la cruauté, avarice, orgueil, suicide culpabilisant. Mis bout à bout, on se rend compte qu'à peu près tout l'indésirable humain y passe. Même lorsque les apparences sont celles de l'altruisme ou de l'amour, se tapit la fêlure psychique primordiale qui va sourdre avec d'autant plus de force. Ou, chez les policiers pourtant du bon côté, l'incompétence se révèle quasi inévitable.
A contrario, les personnages les plus solides et positifs sont des femmes bisexuelles (présentées sous d'autres aspects comme parallèlement en voie de rédemption) ou homosexuelles (discrètes mais véritables piliers de confiance). Le féminin total, auto-suffisant, apparaît comme l'essence même de la sécurité, de l'évolution saine.
Et entre les deux : les damnées, c'est-à-dire les femmes n'ayant pas choisi le camp exclusif précédent, et dont le destin est au mieux une angoisse latente, au pire le suicide, le meurtre, le viol ou la complicité de meurtre. La présence de l'homme dans leur vie contamine et détruit cette dernière.
Le titre de la série appuie ce propos. La Chute désigne le troisième chapitre de la Genèse, dans laquelle Adam et Eve sont chassés du Paradis. La vision usuelle (et malheureusement un peu réductrice) de ce mythe est qu'Adam et Eve ont été bannis par la faute de la femme qui a cédé aux conseils du serpent. Dans the Fall, nous avons une inversion du mythe : ce qui précipite la chute de l'humanité et la détruit de l'intérieur, c'est l'homme qui s'abandonne à ses serpents intérieurs. Et pas n'importe lesquels, puisqu'il s'agit explicitement de ses pulsions sexuelles (plusieurs personnages l'illustrent tour à tour).
Dans cette inversion, l'Eglise qui a produit la Genèse originelle, devient le berceau même du mal. Ainsi, la source désignée dans la série comme étant la cause de tous les maux qui vont s'ensuivre est un lieu à la fois catholique et exclusivement masculin.
L'atout majeur de the Fall n'est pas seulement la franchise de tout ce propos, mais également le fait de soumettre la question suivante : finalement, quelle structure sociale peut contenir ce mal ? On constate avec angoisse la faillibilité du corps juridique puis du corps médical, qui, s'ils obtiennent de petites victoires, n'ont jamais réellement le dernier mot. On le comprendra aisément : ces structures sont dirigées et encadrées par des hommes, elles sont donc vouées à l'échec par nature. Ce n'est donc pas là qu'il faut chercher le salut. Le message de la série est finalement assez clair (et bien exemplifié par le personnage de Katie) : il faut refuser le camp de l'homme, au risque de tomber avec lui.
Au final, je trouve appréciable que la série propose une thèse très consistante tout au long de la série (c'est assez rare pour le souligner), abondamment illustrée par des personnages diversifiés, sans négliger un côté enquête bien construit dans l'ensemble pour le spectateur tout-venant (mention spéciale au fait que l'on suive toute la procédure post-enquête).
Je ne mettrai cependant pas plus de 7/10, réservant les notes au-delà à des oeuvres davantage à contre-courant des idéaux sociaux de leur époque, ou abordant des sujets véritablement inédits.