Comme le faisait justement remarquer un pote au moment d’aborder le cas de G. Ritchie, “c’est le Gérard Lautner anglais”. Et on ne saurait taper plus juste au moment de définir le cinéma de GR. Reconnaissons le savoir faire de Lautner dans l’art de représenter de manière sympathique les mauvais garçons - pour ne pas dire les psychopathes. Et une niche si petite finit forcément par se tarir au bout d’un moment. L’un comme l’autre ont proposé des variations indignes de leur mètre étalon. Pour Ritchie, ce fut avec Opération fortune et pour Lautner... Quelques messieurs trop tranquilles (tiens une histoire de drogués qui débarquent dans un bled à la campagne aussi...)
Dans une critique précédente, je faisais remarquer combien Guy Ritchie produisait un curieux effet sur beaucoup de gens. Une irritation assez démesurée au regard de son statut d’auteur de pur divertissement. Car s’il y a bien un type qui ne prend pas ses films au sérieux, c’est bien lui. Toujours partant pour truffer ses films de gags pas toujours classieux, et donner à ses acteurs une carte blanche totale pour le cabotinage. Il essuiera toujours plus de critiques assassines qu’un Alfonso Cuaron ou un Rian Johnson... Allez comprendre pourquoi.
Et malgré cette absence d’ego affiché, il se prend encore un certain nombre de seaux de merde dans la figure, même quand il pond une petite série sans prétention vaguement dérivée de son film The gentlemen, le sujet : une guerre sans merci pour la succession d’un baron de la drogue. Dans l’histoire, un trafic de cannabis s’organisait discrètement sur les terres d’un aristocrate anglais.
Il reprend ainsi cette idée et imagine la famille Horniman, récemment endeuillée par la perte du patriarche. Le daron avait pris soin de cacher cette association avec la famille de malfaiteurs Glass, père et fille. Eddie, le plus jeune fils militaire mobilisé en Turquie, rentre au pays à cette occasion. Afin de mettre de l’ordre dans les comptes, et de sauver son frère aîné qui est en fâcheuse posture avec un gang chrétien de Liverpool.
N’attendant strictement rien de cette déclinaison, je reconnais l’incroyable efficacité de l’ensemble, qui se consomme comme un saladier de chips à l’ancienne saupoudré de cocaïne.
Theo James (Eddie) est loin de son rôle de White Lotus, et incarne avec une certaine élégance une figure masculine que l’on a plus vue dans une série depuis une éternité. Un BG, pas con et responsable, mû par une certaine moralité nonobstant le milieu dans lequel il évolue malgré lui.
Contrairement à une critique lue ici, qui se lamentait du fait qu’on ne savait pas assez de choses sur la vie des personnages (les traumas, les doutes, les faiblesses, pourquoi ils sont comme ça...), je dois dire que c’est précisément ce qui est jouissif dans la série. Elle empreinte une autre voie que les séries du moment qui finissent par toutes se ressembler (qui proposent toutes plus ou moins une gigantesque séance de psy filmée, usante et redondante, remplie de pathos, de pardon et de rédemption). Eddie n’est pas sauvé par quelqu’un d’autre, il prend en main son destin et celui de ses proches, flingues en pogne.
Noyer la narration de détails concernant la vie perso des personnages est d’autant plus inutile dans une série d’action / comédie comme celle-ci, et cela permet de faire de la place aux intrigues. Je ne suis pas contre les séries profondes et introspectives, il en faut, et y en a des bonnes, mais c’est bien aussi d’avoir d’autres propositions, et The Gentlemen en est une, plus bas du front certes, mais qui a le mérite d’exister, sans 40' de scènes de baston et perso pas crédibles qui plus est (coucou the continental).
Et le duo que Theo James forme avec Kaya Scodelario fonctionne à merveille. Susie Glass est un personnage fort, qui surnage dans un milieu masculin ultra violent, mais qui conserve sa féminité, et utilise son intelligence, pas ses poings. Elle garde un tailleur pour décréter la mort de ses rivaux, elle ne va pas battre 5 mecs à mains nues en tenue de camionneur polonais comme c’est la tendance actuelle (coucou True detective S4, ou encore Les anneaux de pouvoir), et mieux, elle ne se jette pas dans les bras du BG de la série comme tout le monde s’y attendait pourtant (l’espérait ?).
Les seconds rôles valent tous le détour, de Vinnie Jones en garde-chasse Arturo Bandinesque (amis des animaux), à Daniel Ings, le Fredo euh Freddie à problèmes. Le frère qui fait n’importe quoi et dont il faut rattraper les conneries. Il est d’ailleurs sous-exploité à mon goût dans le ventre de la série. Sans oublier l’inévitable Giancarlo Esposito désormais narcotrafiquant raffiné à vie. On peut taxer Guy Ritchie de paresse absolue sur ce coup-là, tout comme sur le choix de Ray Winston pour incarner le parrain londonien. Mais parfois, les évidences s’imposent.
Chaque épisode à sa trame et sa résolution en moins de 45 minutes, à l’ancienne donc. Mais le procédé est tout de même moins mécanique que dans Poker face ou l’homme qui tombe à pic.
Le principal reproche que je pourrais adresser à The Gentlemen se trouve dans le dosage de l’humour. J’aurais aimé qu’on rigole un peu plus, mais malgré toutes ses qualités Theo James n’a pas la fantaisie d’un Matthew McConaughey ou d’un Collin Farrell. L’épisode avec les gitans s’y prêtait pourtant, à l’image de Snatch
j’ai trouvé ça si sympathique que j’espère qu’ils ne feront pas de saison 2. Ritchie serait tenté de refaire le braquage d’Opération fortune.