The Good Wife
7.1
The Good Wife

Série CBS (2009)

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Une main de fer dans un gant de velours

Partir sur de mauvaises bases, cela ne condamne pas toujours une œuvre à l'oubli. Bien au contraire, les bonnes surprises, ça existe. C'est peut-être un lieu commun de dire ça, mais les œuvres audiovisuelles sont d'abord le travail de toute une équipe, que ce soit une production télévisuelle ou cinématographique. De cette manière, il n'est pas surprenant de constater des références peu glorieuses au milieu de titres illustres. Il suffit qu'une personne compétente soit entourée de subalternes moins qualifiés et le résultat peut rapidement aboutir à une expérience que l'on souhaiterait effacer de son CV.


Dans le cas de The Good Wife, diffusée depuis 2009 sur la chaîne CBS, mes appréhensions venaient simplement des noms associés à la production, les frères Ridley et Tony Scott. Des cinéastes aux palmarès impressionnants, puisque l'un est le réalisateur de Alien, Blade Runner, Gladiator et l'autre (R.I.P. Tony) a le Flic de Beverly Hills 2, Domino et Man on Fire à son actif. Des réalisateurs plus que compétents au cinéma, mais qui avait un antécédent peu glorieux en matière de production télévisuelle, Numb3rs, une série policière sympathique, mais pas transcendante. L'autre crainte provenait des showrunners, ces producteurs gérant l'ensemble du show en vrai chef d'orchestre. En l'occurrence, il s'agît ici des créateurs de la série, Robert et Michelle King, et contre toute attente, nous n'aurions sans doute pas pu imaginer meilleur choix.


En effet, si la filmographie de Michelle King est pratiquement vierge, celle de son mari Robert est, elle, parsemée de références embarrassantes. On compte tout de même les scénarii de Red Corner, Vertical Limit et L'île aux Pirates. Red Corner est un thriller avec un Richard Gere, il joue un avocat américain en voyage d'affaire en Chine, faussement accusé d'un meurtre, il doit se défendre dans un système judiciaire qui lui est inconnu. Vertical Limit de Martin Campbell est un film d'action avec Chris O'Donnell, le héros de NCIS : Los Angeles. Il doit monter une équipe de sauveteurs pour secourir sa sœur bloquée dans des hauteurs inaccessibles en montagne. Quant à L'île aux Pirates, il est tristement célèbre pour avoir causer la faillite de son studio de production Carolco, le studio derrière les deux premiers Terminator quand même. On y voit Geena Davis en femme-pirate qui s'allie avec Matthew Modine pour poursuivre son aventure.


Pourtant, parmi ces titres, on peut y déceler certaines pistes qui vont être la raison de la réussite de The Good Wife. Dans cette dernière, on y voit Alicia Florrick (Julianna Margulies, magistrale, auparavant connue pour avoir été la Carol Hathaway de Urgences), femme bafouée d'un procureur, Peter Florrick (Chris Noth, qui est, pour certains, l'inspecteur Logan de New York District, et pour d'autres, le Mr. Big de Sex and the City) à la suite d'un scandale d'infidélité et de corruption. Contrainte de revenir à la vie professionnelle pour subvenir aux besoins de ses enfants, elle se fait engager en tant qu'avocate dans un cabinet réputé de Chicago.


Déjà, on peut remarquer plusieurs éléments issus de la filmographie de Robert King. Tout d'abord, le parcours de Alicia n'est pas sans rappeler celui de la femme-pirate incarnée par Geena Davis dans l'île aux Pirates. Toutes deux luttent avec leurs propres armes pour se faire une place dans leur communauté. Ensuite dans le décalage que peuvent avoir les personnages par rapport à cette communauté ou système, dans Red Corner, l'avocat incarné par Richard Gere est américain, il n'est pas en phase avec le système judiciaire chinois ou Geena Davis, encore, en femme-pirate dans une communauté majoritairement composée d'hommes. Alicia, elle, est une mère de famille qui gravit les échelons, dans un statut où l'on s'attend à trouver des étudiants fraîchement sortis de l'université. Dans la première saison, elle est même en concurrence avec un autre avocat qui aurait pu être son fils. Ce décalage est renforcé par la présence de personnages énigmatiques et iconoclastes, soit un aspect que l'on voit dans Vertical Limit avec le baroudeur taciturne et la fougueuse alpiniste qui font partie de l'équipe assemblée par O'Donnell. Autour de Alicia Florrick, la galerie de ce type de personnages ne fait qu'augmenter saison après saison.


En effet, l'un des charmes de The Good Wife réside dans cette aisance à fusionner un penchant humoristique dans un contexte dramatique. Cet humour s'immisce très discrètement par l'intermédiaire des personnages, puisque The Good Wife est une série dramatique au premier degré. On pourrait prendre comme exemple le personnage d'enquêteur incarné par Gary Cole, Kurt McVeigh. Il a beau être très professionnel dans sa démarche, il n'en demeure pas moins que ses aptitudes paraissent en dissonance avec ses interlocuteurs. À tel point que la patronne de Alicia, ébahie, laisse échapper un « J'ai l'impression d'avoir parlé avec le cowboy de la pub Malboro » tant le comportement et le charisme de l'acteur renvoie volontiers à l'univers du Western.


Et en matière de personnages décalés, la liste est longue. Si ce constat est flagrant avec Kurt McVeigh, il ne faudrait pas oublier Michael J. Fox (l'éternel Marty McFly de Retour vers le Futur) dans la peau d'un avocat atteint d'une maladie neurologique et profitant de sa particularité pour émouvoir les jurés, Archie Panjabi qui incarne la mystérieuse enquêtrice Kalinda Sharma, Alan Cumming (Diablo dans X-Men 2) est excellent dans le très pince-sans-rire Eli Gold, et j'avoue avoir un faible pour Carrie Preston, apparue en saison 3, qui interprète Elsbeth Tascioni, une avocate hyperactive.


Mais surtout, ce qui fait le succès de The Good Wife tient sans doute dans la capacité de ce drame juridique à se renouveler saison après saison. Le fil rouge de la première année (Alica va-t-elle concilier vie professionnelle et vie de famille, tout en luttant contre le scandale de son mari?) trouve un dénouement au terme des 20 premiers épisodes. Dorénavant, Alica s'est endurci au point de demander à son mari de rompre. En cela, la performance de Julianna Margulies est admirable, alors qu'elle excelle dans l'empathie, elle nous surprend en se montrant ferme et n'hésite plus à hausser le ton. Durant la troisième année, elle se retrouve même en conflit avec Peter par procès interposé, puisqu'elle défend des affaires alors que lui, en tant que procureur, représente la partie adverse. Entre ça et des affaires indépendantes de plus en plus intéressantes, The Good Wife parvient à monter en intensité, tranquillement et sereinement.


Rajoutez à cela un refus des auteurs à céder à tout manichéisme (Peter Florrick n'est pas décrit comme un homme sans scrupule, mais plutôt comme un leader pris en faute qui cherche à faire amende honorable, et ses subalternes se montrent juste un peu trop zélé) et vous comprendrez pourquoi The Good Wife est devenue une série si réputée. Une jolie surprise, d'autant plus enthousiasmante qu'elle se montre toujours humble.


Ma chronique sur le Cyborgien

mulder29
7
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Créée

le 17 juin 2018

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