1-Une histoire vraie
Ce qui frappe avant toute chose dans cette affaire impressionnante, c’est sa véracité.
Diffusée en 2017, la série documentaire évènement de Netflix, met en lumière un vaste réseau pédophile au coeur de l’Eglise mais également dans l’ensemble de la communauté de Baltimore de l’époque.
Une oeuvre qui fait froid dans le dos, en ce qu’elle revient, à travers des témoignages, nombreux et éprouvants, sur des faits ignobles et terrifiants.
Ainsi, le joli visage de Cathy Cesnik devient-il le fil conducteur de cette affaire hors norme. Icône pieuse de 26 ans, enseignante très appréciée de ses élèves, elle aura marqué par sa gentillesse et la droiture de sa conduite des générations de jeunes filles.
Ce sont d’ailleurs deux de ses anciennes étudiantes, Gemma Hoskins et Abbie Schaub qui décident de mener l’enquête pour tenter d’approcher la vérité et mettre à jour cette face obscure de l’Amérique.
2-Une oeuvre aux implications multiples
Malgré une mise en scène qui ménage volontairement le suspens, The Keepers axe beaucoup son propos sur le travail de recherches colossal de Gemma et Abbie.
Alternant les points de vues, l’histoire prend progressivement de l’ampleur et dévoile, à travers un fait divers sordide, toute la noirceur de l’âme humaine.
De témoignages en témoignages, le spectateur prend conscience de l’étendue de l’affaire et de ses nombreuses implications. Muté d’un établissement à un autre, interné, le prêtre accusé de pratiques pédophiles s’avère rapidement être au coeur d’un réseau plus vaste dans lequel, selon les recherches et les témoignages recueillis, la police, des membres de la communauté de Baltimore, la justice et l’Archevêché sont impliqués ; certains de complicité de pédophilie, d’autres pour avoir cherché à enterrer l’affaire ou faire taire ses victimes.
Un combat qui s’avère personnel mais également judiciaire et légal, puisque certains militants se battent pour tenter de faire allonger le délai de prescription de ce genre de crimes dans le Maryland (Il n’est aujourd’hui possible de dénoncer ces faits que jusqu’à 25 ans, sans tenir compte du refoulement psychologique des victimes). Une démarche demeurée infructueuse pour l’instant.
3-Une narration percutante
Malgré des cliffhangers parfois très calibrés, le succès de The Keepers tient avant tout grâce à une narration percutante et à des témoignages inédits. Les protagonistes n’hésitent pas à interroger d’anciens membres de la police, à rechercher la famille de Catherine Cesnik et bien sûr les victimes des agressions. Ces témoignages sont forts, difficiles mais toujours livrés avec une grande dignité et beaucoup de courage. Ils font beaucoup dans la compréhension de l’histoire et demeurent essentiels à la bonne appréhension des enjeux de cette affaire.
Même si la narration de cette série aurait pu gagner en fluidité, les témoignages qui nous sont livrés sont tellement forts qu’on ne peut pas y demeurer insensibles.
4-La parole donnée aux victimes
Après le succès de Spotlight, le risque était grand de ne voir en The Keepers qu’une énième affaire sordide, étalée dans son ignominie sadique. Or, la vraie force de cette série documentaire est de redonner une voix aux victimes, de les aider à se rencontrer, de confronter leurs points de vue.
Du premier témoignage anonyme d’une femme – Jane Doe / Mme X – au courage et à la dignité impressionnants, à ceux, nombreux, qui ont suivis, le spectateur est pris en étau dans le combat désespéré de ces femmes en quête de reconstruction.
Une oeuvre qui évoque le cycle des violences, la complexité de la mémoire, le discrédit jeté sur la parole de certaines victimes et le poids des traumatismes.
5-Des thèmes universels
Axé à Baltimore, le meurtre de Catherine Cesnik met rapidement en lumière la disparition d’une autre jeune femme – Joyce Malecki, portée disparue et retrouvée morte dans les mêmes conditions que la jeune religieuse. Le documentaire met également en lumière les nombreux sévices sexuels subis par de nombreuses jeunes filles.
Un documentaire qui met en avant – en plus des démarches entreprises pour changer la loi – les carences qui existent dans nos sociétés pour l’accompagnement des victimes. Aux Etats-Unis, et dans cette affaire plus particulièrement, les victimes déboutées en justice pour cause de prescription, peuvent recevoir une compensation symbolique de l’Eglise elle-même et un accompagnement psychologique… Une pratique qui met en lumière les puissants lobbyings de l’Eglise aux Etats-Unis, l’absence de séparation entre l’Eglise et l’Etat et la carence des institutions et de la société dans l’accompagnement, notamment psychologique, de ses victimes.