Qui parviendra à concurrencer AMC ? Après Mad Men, Breaking Bad, Walking Dead et la regrettée Rubicon, The Killing confirme que la petite chaine américaine est la digne héritière d'HBO.
Remake d'une série policière danoise, The Killing raconte l'enquête autour d'un meurtre, celui de Rosie Larsen, retrouvée noyée dans le coffre d'une voiture. Mais pas n'importe laquelle, une voiture de fonction appartenant à l'équipe du conseiller Richmond, candidat à la mairie de Seattle.
Durant 13 épisodes, la série installe un rythme lent (semblable à Rubicon), exposant parfaitement tous les enjeux politiques (les coups bas pleuvent dans la campagne), terriblement contemporaine dans la façon de montrer la récupération d'un fait divers par des hommes avides de pouvoir et dénués de sens moral. The Killing prend même un virage assez surprenant en insistant sur les communautés minoritaires, traitant le sujet avec justesse, nous rappelant qu'il est une erreur de croire que l'élection d'Obama a d'un seul coup changé le regard des citoyens sur les afros américains.
La réalisation est sobre, sans fioritures, cherchant le plus possible à se rapprocher d'un réalisme quasi anthropologique, dans la façon d'étudier une communauté soumise à un véritable électrochoc. On pense à Mystic River sur les thématiques de l'injustice, l'omniprésence du mal, de la fatalité. Les moments de chagrin et de tristesse sont filmés avec pudeur, la caméra se déplaçant progressivement pour finir presque hors champ. L'utilisation de la musique aurait pu être déplacé, mais elle devient essentielle en comblant les moments de silence, en exprimant la détresse des personnages.
Ce souci de réalisme se retrouve dans le casting, ici pas de stars, pas de mannequins comme on en voit dans toutes les séries policières sur les grands networks. L' inspectrice Sara Linden est aussi exaspérante qu'attachante, Joel Kinnaman qui joue le rôle de l'inspecteur Holder est époustouflant, concurrençant le Jesse Pinkman de Breaking Bad dans un registre quasi similaire. Quand à la famille Larsen, les acteurs parviennent à rendre leur tristesse juste, sans tomber dans l'emphase qu'on peut parfois reprocher dans ce type de sujet.
L'authenticité, la « normalité », voilà ce qui est recherché dans The Killing.
Car hasard de la programmation, The Killing a succédé à Walking Dead comme nouveau projet diffusé, et le parallèle saute aux yeux. Les personnages sont des morts vivants, marchant au ralenti (d'où le questionnement du rythme), dévastés par la répercussion du meurtre de cette fillette sur leur propre existence, faisant ressortir au grand jour leurs propres blessures. Seattle est une sorte de purgatoire, témoin de la noirceur du monde : la pluie présente dans 90% des scènes extérieures est presque symbolique d'une tentative de purification, comme pour laver la ville et l'expurger de ses pêchés, en vain.
Le côté sombre de la série est flagrant dans les simples expressions : il faut compter sur les doigts d'une main les sourires, les marques de tendresse. Chacun est sur la défensive, ne s'autorisant pas à montrer ses sentiments, se méfie. L'ironie tragique est de constater que la seule à être gracieuse est une morte : les photos de Rosie montrent une jeune fille heureuse, insouciante, inconsciente du basculement qui va s'opérer avec sa disparition.
J'ai beau chercher, j'ai du mal à voir des défauts à The Killing. Peut être qu'on peut éventuellement reprocher des influences parfois trop visibles. Je pense à Twin Peaks, avec le même cheminement : le meurtre de Laura Palmer et ses répercussions sur une petite ville, une jeune fille qui avait une double vie, l'hommage même évident à un casino situé hors de la juridiction des enquêteurs. Ou bien tout simplement ceux qui ont vu la série originelle, et trouveront logiquement The Killing version US inférieure sur bien des points.
Mais, pour ceux qui découvriront comme moi le remake américain, il y a des chances qu'aussitôt le season finale terminé vous vous mettiez déjà à compter les jours qui vous séparent du retour de Linden, Holder et de Seattle la ville maudite.
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