Hail to the grief
Nulle surprise à ce que l’exposition de The Leftovers soit à ce point saturée de mystères : le créateur de Lost, Damon Lindelof, n’est est pas à son coup d’essai en matière d’écriture, et le monde...
le 7 janv. 2020
131 j'aime
14
The Leftovers, c’est un peu comme si un matin, tu te réveillais, et que 140 millions de personnes avaient disparu de la surface de la Terre. Pas d’apocalypse en feu, pas de trompettes de l’enfer, juste des gens qui s’évaporent, comme ça, sans prévenir. Et là, la vraie question : comment on continue à vivre normalement après ça ? Spoiler : personne ne le sait vraiment, et la série non plus… mais c’est ça qui fait tout son charme (ou sa frustration).
L’histoire se déroule trois ans après "le départ soudain", ce fameux jour où une petite partie de la population mondiale a disparu sans explication. Pas d'extraterrestres, pas de virus, juste pouf, et c’est le vide. Dans la petite ville de Mapleton, Kevin Garvey, joué par un Justin Theroux plus torturé qu’un puzzle de 1000 pièces manquant d’une seule pièce, essaie tant bien que mal de maintenir l’ordre en tant que chef de la police. Mais entre les nouveaux cultes bizarres, les familles brisées, et son propre mental en vrille, Kevin se rend vite compte qu’il ne peut pas juste remettre le couvercle sur ce pot de confiture d’angoisse existentielle.
Ce qui frappe d’entrée de jeu dans The Leftovers, c’est son ambiance. Il y a une lourdeur, une tristesse omniprésente qui te colle à la peau comme une chemise mouillée. Chaque personnage semble errer dans une sorte de brume émotionnelle, comme s’ils avaient tous perdu leur boussole intérieure et cherchaient désespérément un sens à cette disparition collective. Ici, l’apocalypse n’est pas un spectacle de destruction massive, mais une lente désintégration psychologique. C’est le vide qui ronge tout le monde, et cette série te le fait sentir à chaque scène.
L’une des grandes forces de la série, c’est justement la manière dont elle traite la douleur, la perte et l’absurdité de l’existence. Les personnages ne sont pas des héros prêts à sauver le monde ou à chercher des réponses surnaturelles (bon, à part quelques illuminés, bien sûr). Ce sont juste des gens paumés qui tentent de survivre dans un monde où rien n’a plus de sens. Laurie, la femme de Kevin, rejoint un groupe de sectaires appelés les Guilty Remnant, qui passent leur temps à fumer des clopes en silence et à rappeler aux gens que "tout est foutu". Et oui, ça te donne une petite idée de l’ambiance générale.
Mais attention, The Leftovers n’est pas seulement un grand bain de déprime. La série a un côté mystique, quasi spirituel, qui te fait te poser des questions à chaque épisode. Est-ce que tout cela a un sens ? Y a-t-il un plan divin ou une explication à ces disparitions ? Ou est-ce juste une énorme farce cosmique ? La série te laisse flotter dans cet inconfort, sans jamais te donner de réponses claires, et c’est à la fois frustrant et fascinant. Elle t’oblige à faire face à l’absurdité de la vie sans filet de sécurité.
Kevin, notre anti-héros, est particulièrement captivant dans cette quête de sens. Il n’est ni un messie ni un grand leader, juste un homme qui perd pied entre des visions bizarres, des crises de rage et des moments de pure terreur existentielle. Theroux apporte une intensité silencieuse à ce rôle, oscillant entre un calme apparent et un chaos intérieur qui menace d’exploser à tout moment. Sa relation avec sa famille, notamment avec sa fille Jill, est un autre point fort de la série. On sent à quel point cette catastrophe invisible a fissuré les relations humaines, et la série excelle à montrer comment chacun essaie, parfois maladroitement, de recoller les morceaux.
Visuellement, The Leftovers est un chef-d’œuvre de sobriété. Les décors sont souvent austères, les rues désertes, les maisons vides, comme pour symboliser le vide émotionnel qui habite les personnages. Les scènes sont souvent baignées dans une lumière froide et déprimante, renforçant cette sensation que tout est en train de s’effondrer doucement, sans bruit. Les moments de silence, souvent très lourds, en disent parfois plus que les dialogues eux-mêmes.
Et que dire de la bande-son ? Elle est tout simplement envoûtante. La musique de Max Richter, avec ses violons mélancoliques et ses notes de piano déchirantes, accompagne parfaitement l’atmosphère dépressive de la série. Chaque morceau semble être conçu pour te plonger un peu plus dans cette introspection existentielle. C’est le genre de musique qui te fait réfléchir sur la vie, même quand tu t’apprêtes à faire quelque chose d’aussi banal que sortir les poubelles.
The Leftovers n’est pas une série facile à regarder. Elle demande de l’investissement émotionnel, elle te secoue, elle te frustre, mais c’est aussi ce qui la rend unique. C’est une exploration de la perte, du deuil, et de l’absence de réponses dans un monde qui ne tourne pas rond. Si tu aimes les séries qui te laissent avec plus de questions que de réponses, où chaque personnage est une énigme à part entière, et où la fin du monde se joue dans les détails les plus intimes, alors The Leftovers est une expérience à ne pas manquer. Mais prépare-toi à plonger dans un univers où rien n’est simple, et où le sens de la vie est peut-être la plus grande question sans réponse.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleures séries de 2014
Créée
le 14 oct. 2024
Critique lue 9 fois
D'autres avis sur The Leftovers
Nulle surprise à ce que l’exposition de The Leftovers soit à ce point saturée de mystères : le créateur de Lost, Damon Lindelof, n’est est pas à son coup d’essai en matière d’écriture, et le monde...
le 7 janv. 2020
131 j'aime
14
Après quelques incursions plus ou moins fructueuses au cinéma, le scénariste Damon Lindelof revient à ses premiers amours en adaptant en série TV, le livre The Leftovers (Les Disparus de Mapleton),...
Par
le 7 nov. 2014
105 j'aime
3
Le créateur de la série tentaculaire Lost et de la tant attendue nouveauté Watchmen, Damon Lindelof, est aussi à l’origine de l’une des plus grandes séries de la décennie : The Leftovers, inspirée...
Par
le 29 oct. 2019
76 j'aime
3
Du même critique
Si tu pensais que les classiques du XIXe siècle étaient juste de belles histoires d’amour contrariées, Les Misérables de Victor Hugo est là pour te rappeler qu’on peut aussi écrire un pavé où se...
le 19 févr. 2025
4 j'aime
7
Blacksad est de retour, trench-coat impeccable, regard sombre et griffes affûtées. On replonge dans ce New York poisseux et corrompu, où les rues sentent le tabac froid, la sueur et les ambitions...
le 31 janv. 2025
4 j'aime
Avec La Serpe d’or (1962), René Goscinny et Albert Uderzo emmènent Astérix et Obélix dans leur première grande aventure hors du village, direction Lutèce. L’occasion de découvrir que les Gaulois ne...
le 20 déc. 2024
4 j'aime