The Mandalorian
7.1
The Mandalorian

Série Disney+ (2019)

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A show about nothing ? Errances Mandaloriennes

Publié initialement sur Slow Show.


L’univers de la Guerre des Étoiles est vaste. La galaxie lointaine, très lointaine imaginée par George Lucas ne se limite pas à Tatooine, Coruscant, et les quelques planètes explorées dans les trilogies « officielles », tout comme les histoires qu’elles abritent ne relèvent pas toutes de la fantasy-SF opératique des films.

Depuis 1976, et la novélisation du premier opus, l’Univers Étendu, alimenté par des comics, jeux vidéos, romans, courts-métrages de fans… a fait vivre un Star Wars parallèle, explorant le passé et le futur des personnages, en créant de nouveaux, imaginant des civilisations entières.

En 2014, suite au rachat de la franchise par la Walt Disney Company, l’Univers Étendu devient Star Wars Legends, et l’entreprise de restructuration de la licence commence. Certains éléments seront repris tels quels, d’autres purement et simplement effacés.


Lancée en 2019 à la fois comme véhicule pour porter le nouveau service Disney +, et pour inaugurer le renouveau de Star Wars à la télévision, The Mandalorian vient de conclure sa troisième saison. Pour rappel, la série suit Din Djarin, chasseur de prime mutique qui ne quitte jamais son armure. A la suite d’une de ses missions, il se retrouve en charge d’un bébé Yoda sensible à la Force, avec qui il va continuer de sillonner la galaxie.


Avec des audiences en baisse depuis la saison 2, la faute à une narration qui patine à retrouver des enjeux clairs, l’heure est venue de laisser Bébé Yoda dans un coin, et se pencher sur ce que The Mandalorian nous raconte de Star Wars.


See you, space cowboy : Le retour du space-opera

Avec sa musique, ses plans, son héros mutique, sa galerie d’aliens, The Mandalorian s’éloigne des Jedi et des histoires de frères et sœurs, pour trainer sa carcasse en armure et ses pistolets lasers sur les terres du western, d’un space-opéra pulp, plus Métal Hurlant que Campbell et son monomythe.

Chaque épisode proposait un cocktail Star Wars mixé avec un genre défini : on défendait un village à la sauce 7 Samouraïs, dézinguait des chasseurs de primes comme dans un slasher, combattait des monstres géants, attaquait des trains comme des desperados, flinguait des crocodiles géants et des aliens de toutes les couleurs… La scène incroyable de la cantina de l’épisode IV s’étend devant nous, et la possibilité nous est offerte de mettre une histoire devant chaque bestiole. Le casque iconique de ce héros sans visage dont l’arc narratif global était relégué au second plan, devient une toile pour projeter nos fantasmes geeks et la série une invitation au voyage, à l’errance légère dans une SF en monde ouvert vers des étoiles infinies.


Et si les 3 saisons vont continuer à cultiver cette envie de proposer des univers variés, des missions éphémères, leur intégration dans un récit aux enjeux plus structurés va modifier la perception qu’en a le spectateur. Elles ne représentent plus le cœur de la proposition de la série, mais des quêtes additionnelles, superflues. Parce qu’entre temps, les priorités des créateurs (et du studio) ont changé.


Doudous et Grogu : Que la nostalgie soit avec vous

Motivée par le succès de la première saison, la série change de braquet et décide que ce « show about nothing » spatial (pour reprendre la formule de Seinfeld) doit se trouver une destination. La recherche d’une famille de Jedi pour Grogu (notre « bébé Yoda » qui commence à avoir une identité) va servir de liant entre les épisodes, et de prétexte à l’introduction d’une galerie de personnages connus issus des films, séries, et autres produits de l’univers Star Wars.

L’apparition de Luke Skywalker, rajeuni numériquement, apparait alors comme le point d’orgue de cette déconstruction de l’univers post-Lucas, où les rênes échappent aux mains des créatifs pour devenir un magasin de jouets géants, un doudou pop-culturel qui n’utilise même pas les personnages qu’il convoque, se satisfaisant de les sortir de leur étagère et de les agiter sous le nez du public.

L’écriture se perd dans la nécessité de construire quelque chose de plus grand, de relier des morceaux épars pour le bien d’une grande-œuvre dont on peine à saisir l’intérêt. Et au fond, le problème de cette approche n’est pas la réutilisation des personnages en soi, mais que ces apparitions ne les utilisent que comme des figures, des silhouettes.


Depuis l’acquisition et l’exploitation accélérée de Star Wars par Disney, on ressent cette incompréhension des attentes des « fans » (comme si c’était quelque chose à absolument prendre en compte dans une création). Le Réveil de la Force suivait mot à mot les critiques faites à la prélogie et s’en éloignait le plus possible, Les Derniers Jedi prenait tellement à contrepied cette volonté de déférence à l’œuvre-mère que le film se contente de détruire et commenter sans construire quoi que ce soit et L’Ascension de Skywalker se retrouvait entre deux chaises, à devoir continuer le travail d’exploitation nostalgique, tout en terminant une nouvelle mythologie que personne n’avait pris la peine de penser.


Is this the way ? Allo Mando, ici bébé.

Dans sa 3ème saison, The Mandalorian jongle avec les mêmes questionnements. Le duo séparé en fin de saison 2 se reforme hors-champs, signe déjà d’une mauvaise gestion de la narration, qui part du postulat que le spectateur ne fera pas grand cas de ce revirement. Et l’arc précédent qui narrait la cause de la séparation n’avait pas prévu d’amorce pour une suite.


La série va ainsi tituber d’épisode en épisode, alternant entre des épisodes « missions » qui n’ont jamais autant fait penser à des pauses dans le récit, et une trame générale qui peine à définir ses enjeux, jusqu’à un climax resserré sur deux épisodes, et qui recycle encore une fois l’existant, tout en plaçant quelques billes pour le reste de la programmation de Disney +.


Bien que variés et bien exécutés techniquement, les épisodes sont de plus en plus condamnés à n’être qu’une chasse aux clins d’oeils intra- et extra-diégétiques. Voir Jack Black, Christopher Llyod, un personnage de Star Wars Rebels en version live, ou donner à l’acteur du détesté Jar-Jar Binks un nouveau rôle ne suffit pas vraiment à structurer quelque chose d’intéressant.

Même au niveau émotionnel, difficile de s’attacher à ces personnages à peine esquissés. La relation entre Grogu et Din Djarin plus mise en avant que jamais ne fonctionnait dans les saisons précédentes que sur un plan purement visuel, (par exemple en renvoyant à Baby Cart, série de films suivant un samouraï qui parcours le Japon féodal avec un bébé dans un berceau). L’archétype cinégénique, le rapport d’échelle entre les deux, l’animation de la marionnette, tout indique que ce minuscule baby Yoda n’est là que pour créer au mieux des images marquantes, au pire des memes et vendre des peluches. Pas devenir un Mandalorien.

Cette caractérisation archétypale suffisait pour croire à un tandem qui saute d’aventure en aventure, moins comme accroche à une narration plus classique.


Malgré ces points négatifs, il reste toujours un peu de biscuit pour le fan de Star Wars critique : encore une fois, la technique est impressionnante, et l’amateur de genre(s) continuera à prendre un peu de plaisir en suivant une enquête Scooby-Doo sur des droïdes rebelles, en voyant une chouette succession de gros monstres, de vaisseaux pirates, et, ce qui est plutôt rare, des scènes d’action qui font la part belle aux chorégraphies et qui utilisent plutôt bien les divers accessoires et armes à la disposition des héros.

Et Bébé Yoda qui court, si vous trouvez qu’agiter un Playmobil de gauche à droite donne l’illusion d’un mouvement normal.



Pour conclure sur une note plus joyeuse, tout n’est pas à jeter dans l’exploitation de Disney. Par exemple la récente série Andor réussit de manière tout à fait surprenante à réexploiter un personnage parfaitement oubliable de Rogue One, et propose une réflexion politique, une SF paranoïaque et un thriller d’espionnage hyper efficace, dans lequel les caméos ne sont pas absents, mais servent à solidifier le cadre de l’intrigue et à crédibiliser son monde.

Maybe this, is the way.

Thibault_Lafont
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le 26 avr. 2023

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