Le thème cher au cinéaste, ou la solitude des hommes face à leur destin. Ici aussi c'est bien le portrait du vide et du fantasme se heurtant à la réalité qui rejoint sa filmographie, de La Grande Bellazza, au moins réussi Silvio et les autres.
Les autres encore, ceux qui accompagnent, qui aiment, qui manigancent, qui trahissent, soumis à la tentation et aux velléités de reconnaissance, et la magnifique Curie de vieux parchemins usés, adepte des interdits et aux actions contraires. Paolo Sorrentino dépoussière la Papauté par ses personnages excentriques, ses dialogues jubilatoires, ses décors grandioses, et ses costumes colorés, mais n'en oublie pas ses interludes délétères, d'une société en plein déclin. On retrouve son ambiance fantasmatique et ses clairs obscurs qui ont fait le charme de Il Divo, comme autant de tableaux accompagnant les déambulations mentales au grès des couloirs vides, de lieux et d'âmes esseulées, en prise avec un monde qui désespère. Un quotidien pervers, la déviance sexuelle et la prostitution, l'humiliation et la solitude, les interdits et la différence, pour une noirceur de l'âme humaine qui vient jurer au milieu du délire créatif et fantastique. En filigrane, la confrontation au divin ou à l'image que l'on s'en fait, pour la dénonciation du fanatisme religieux, marque la limite d'une Eglise en décalage avec sa volonté de modernité.
En choisissant John Malkovich, -en berne-, le cinéaste prouve qu'il est un excellent directeur d'acteur et lui offre toute la panoplie d'expressions à rendre l'ambiguïté de l'homme face à la charge et à la léthargie ambiante. Jean-Paul III nouveau Pape, luttera entre déprime sévère, drogues et autres coup de foudre. Partisan du juste milieu, il n'en oubliera par la nécessité de veiller aux biens de l'Eglise, sera soumis aux diverses manipulations et péchés de ses cardinaux, ceux-ci, mené par un secrétaire d'état, l'excellent Silvio Orlando, passé maître dans l'art de la didactique et confronté lui aussi à l'adversité par les revendications des sœurs, à bénéficier des mêmes largesses que leurs pendants masculins.
Mais Sorrentino c'est aussi le bon choix musical qui vient balayer son sujet, et contribue largement à la réussite, avec Lele Marchitelli, déjà à l'œuvre sur The Young Pope, ses ralentis hors du temps, et son art du générique interchangeable aux chouettes coordonnés de corps dénudés et au déroulé furieusement rock'n roll.
Ironique et cinglant, sensible et humaniste, un beau portrait joyeusement provocateur.