Contrairement aux apparences qui voudraient le résumer à un simple génie de l'écriture doté d'un curriculum vitae à faire trembler les murs Aaron Sorkin a presque tout du type comme les autres.
Comme tout le monde, le scénariste américain ferme souvent les yeux et se surprend à rêver d'un monde balayé de sa médiocrité, de ses injustices et des milliers d'autres choses qui donnent envie de tout changer. Comme tout le monde, il y a largement de quoi agacer le bonhomme et, pas vraiment comme tout le monde, il se met à fulminer et à frapper du poing sur la table. Du coup, au lieu de retourner vaquer à ses occupations quotidiennes et à brasser de l'air dans sa tête ou au Café du Commerce sans obtenir (on se demande vraiment pourquoi) de résultat, Sorkin a choisi l'écriture pour nous raconter ses utopies. C'était déjà le cas dans The West Wing - vision ultra idéalisée d'une administration démocrate pour laquelle on voterait cinquante mille fois d'affilée - et ça n'a pas changé d'un iota dans The Newsroom sauf que cette fois, c'est un certain journalisme pourri par la nécessité du chiffre qui est visé par la plume aiguisée de l'auteur-rêveur le plus doué de sa génération.
Une saison plus tard, on ne peut que jubiler devant cette petite claque infligée à un milieu souvent pourri par une suffisance extrême (et les très violentes critiques infligées à la série par le même milieu sont là pour en attester) même si le spectateur averti est parfaitement conscient d'évoluer dans une sorte de pays magique à la Disneyland dans lequel tout devient subitement possible à la seule condition d'en exprimer un imperturbable désir. En parallèle de cette fascinante dénonciation par l'espoir, The Newsroom éduque sur la politique américaine, atomise nombre d'idées reçues et alerte sur les dangers à venir. Mieux, quand la série semble déraper dans ses amourettes tragi-comiques c'est pour mieux les utiliser comme métaphore d'évidences bien plus compliquées à atteindre qu'il n'y paraît. Et pour nous rappeler que si l'utopie est bien réelle, l'auteur est loin d'imaginer que ses réalités fantasmées sont faciles à atteindre.
Merci, Monsieur Sorkin, et à l'année prochaine.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.