En lançant The Outsider, je ne savais pas dans quoi je mettais les pieds et les deux premiers épisodes furent grisants à tel point que je louais déjà les qualités de la série en en ayant vu à peine 20%. Mais quels 20% !
Le démarrage est odieux et froid et prend le parti de rester à distance de l'horreur, de la suggérer tant les faits parlent d'eux-mêmes. Un enfant retrouvé dans un bois, torturé puis assassiné, le corps parsemé de traces de morsures. On ne nous en montre que très peu mais on imagine la stupéfaction de ce promeneur, immobile devant l'indicible. A peine quelques minutes et l'ambiance est installée, quelques minutes pour être happé.
Puis, tout va très vite alors que tant de routes différentes auraient pu être prises. Le coupable est identifié, arrêté, traité comme l'odieux tortionnaire qu'il est, jugé avant même de l'être, trahi par son ADN et plusieurs témoins. Le doute n'est pas permis. Et pourtant... Le doute !
Sous cette enquête policière bien trop rapide aux accents de surnaturel, tout n'est qu'une affaire de doutes. Et le premier épisode sera, dans sa perfection, la première étape de cette longue déconstruction des certitudes de notre monde vers le doute, vers l'impossible que l'on nie, que l'on veut nier absolument car l'accepter remettrait en cause bien trop de choses pour pouvoir garder intact ce périmètre rassurant faisant tenir notre vision du monde et notre personnalité au sein de celui-ci.
The Outsider est l'histoire parfaite pour ceux qui comme moi, se refusent à embarquer pour une quelconque aventure qui viendrait remettre en cause leurs croyances et concrétiser leurs plus grandes peurs. Cette séance de spiritisme que je fuyais adolescent, encore un brun marqué par mes terreurs enfantines, car la simple possibilité de rendre tangible l'existence d'une entité malveillante, alors que je reste convaincu que les fantômes n'existent pas, n'est tout simplement pas envisageable. Continuer de craindre mes incertitudes me semble bien plus supportable que de craindre mes certitudes et toute l'adaptation du roman de Stephen King (que je n'ai pas lu), repose sur cette phrase.
C'est ainsi que durant ces 10 épisodes à la recherche de la vérité, on marche côte à côte avec ces policiers qui devront laisser l'impossible s'installer petit à petit dans leur vie, certains plus difficilement que d'autres, Ben Mendelsohn et ses traits tirés incarnant d'un côté ce refus permanent d'accepter l'inconcevable qui fera voler en éclat ses croyances et, Cynthia Erivo de l'autre, personnage visant à doucement faire coïncider deux visions du monde que tout oppose, faire fusionner l'explicable et le rationnel avec l'incompréhension et l'intangible comme les peurs d'un enfant trop longtemps étouffées dans un esprit d'adulte.
Avec eux, on part donc de cet événement sordide aux conséquences ravageuses, résultat avéré d'une réalité impossible à concevoir mais cauchemardesque, pour glisser doucement vers l'altération de nos croyances. The Outsider prend son temps, ce temps nécessaire pour enquêter autant que pour laisser cheminer ses personnages complexes liés par le malheur et la tristesse, ces personnages auxquels on s'identifie, auxquels on s'attache, qu'on suit avec empathie à travers ce meurtre et son auteur qui feront écho à leur douleur.
Et si comme moi, vous vous refusez à toute perspective d'un monde où les monstres et autres "choses" sont tapies dans l'ombre prêtes à nous dévorer, vous ne verrez plus les peurs nocturnes de votre enfant de la même façon, vous vous remémorerez les vôtres et vous repenserez aux mots rassurants de vos parents, vous certifiant que "les fantômes n'existent pas".
Peut-être... En tout cas je n'aurais pas le courage de le vérifier.
Sans être parfaite dans son récit qui bénéficie de l'élan donné par la virtuosité des deux premiers épisodes, cette adaptation signée Richard Price, déjà aux manettes de l'excellent The Night Of pour HBO, réussit à nous ébranler par les remises en question perpétuelles que subissent ses personnages tout en faisant se confondre les monstruosités du quotidien avec les monstres de notre subconscient. Une série terrifiante qui ne vous donnera pas la chaire de poule mais qui la rappellera à votre bon souvenir. Un piège qui se referme doucement et nous pousse à la fuite pour nous réfugier, une fois terminé, dans le confort de nos certitudes.