Il serait imprécis, sinon faux, de dire que de projet en projet, Ryan Murphy roule continuellement sa même bosse : si Scream Queens ou plus récemment Hollywood reposent sur le même postulat quasi post-moderne (un sujet dans l'air du temps flanqué d'une esthétique camp et d'une galerie de jeunes premiers voluptueux), quelques épiphénomènes, de Nip/Tuck à American Crime Story, viennent rappeler que le gourou des showrunners est parfois capable d'un peu plus que son fond de commerce ne le laisse présager.
The Politician, qui chronique les pérégrinations absurdes de Payton Hobbart, lycéen et sociopathe light, dans sa course à l'investiture de super-délégué de son établissement, ne trouve pas immédiatement sa place sur l'échiquier polarisé des productions Murphy. Il y a là un peu de vulgarisation théorique, un peu de soap opera assumé, un peu de vagues LGBTQ+, mais pour ne rien changer, la somme de ces parts audacieuses n'aboutit qu'à un programme consensuel, qui instrumentalise son contexte nanti (la Californie des ultra-riches en écoles privées) pour ne jamais parler du monde tel qu'il est. Le spectateur reste donc en terrain connu, à peine chamboulé par les agréables prestations de Jessica Lange et Gwyneth Paltrow en mères paumées voire abusives, insérées au chausse-pied dans une histoire d'ambition crasse finalement bien plus petite que ce que ces deux actrices ont à offrir. Mais le potentiel gaspillé finit par trouver un point d'équilibre, et à défaut de réinventer la roue, The Politician n'oublie jamais de la faire tourner, et, à la faveur d'un flash-forward, laisse le spectateur raisonnablement intrigué à l'idée d'une saison 2 plus ambitieuse, au cours de laquelle Payton se frotterait enfin à la cour des grands.
Payton part ainsi faire la course au Sénat de New York, esquissant la possibilité d'une véritable prise de parti politique en pleine campagne pour l'élection présidentielle américaine. C'est manqué : en décidant de n'évoquer que la crise écologique bien réelle que le monde traverse, la série ne fait rien des crises qui secouent actuellement les États-Unis. Évidemment, Ryan Murphy n'est pas Christine Haas, et n'aurait pas pu prévoir le contexte de pandémie mondiale et d'insurrection anti-raciste dans lequel sa série allait (lamentablement) échouer. Mais la cristallisation pas si récente de la jeunesse américaine autour de la figure de Bernie Sanders, avide d'en découdre sur les inégalités sociales et économiques de la société américaine, aurait sans doute dû le convaincre qu'il y avait un peu plus à évoquer que le sempiternel troc de pailles en plastiques pour des pailles en carton. Un épisode tente bien de mettre en scène la fracture générationnelle entre parents Reagan et enfants sociali... pardon, écolos, et si c'est encore le plus réussi, puisque le seul à véritablement parler de politique, son propos simpliste, voire insultant, ne fait jamais honneur au titre de la série.
Puisqu'il n'a même pas pour lui la politique, que reste-t-il à ce politicien qui n'en est pas vraiment un ? Plus grand chose : Jessica Lange s'est fait la malle, Gwyneth Paltrow en est réduite à interpréter une parodie d'elle-même, et même les quelques aspérités dans la sexualité des personnages, pour une fois pas inintéressantes dans le contexte de la politique de représentation puritaine des États-Unis, ont été inexplicablement lissées, si ce n'est contredites. Reste Judith Light et Bette Midler en politiciennes ambitieuses et sexagénaires goulues qui, à l'inverse du spectateur, semblent bien s'amuser. C'est très peu, et de vol d'urnes en élections départagées au shifumi, The Politician donne cette fois-ci l'impression d'exploiter ses farces pour esquiver son sujet. Avec une saison 3 promise à la chronique d'une élection présidentielle, espérons que Ryan Murphy ouvre enfin les yeux sur le quotidien politique du commun des mortels.