The Shield
8.1
The Shield

Série FX (2002)

Passionnante, époustouflante : une série qui nous hante.

The Shield est une série qui possède une densité d'écriture et une intensité narrative d'une rare puissance. Le chef-d'oeuvre de Shawn Ryan est un thriller immersif qui ne se limite pas à de simples enquêtes ou à de banales histoires de policiers et voleurs.


Inspirée du scandale Rampart (et très largement émulée), l'histoire se déroule au cœur des quartiers de Los Angeles (surtout le East et South Central LA), où gangsters, prostitués et junkies se côtoient chaque jour dans une comédie humaine tantôt glauque, tantôt drôle. Le créateur de la série attire notre attention sur un endroit appelé "The Barn" (Le Bercail) dans la division fictive de Farmington : un commissariat d'un nouveau type, installé dans une ancienne église aux vitraux encore visibles, spécialisé dans l'antigang, où inspecteurs et agents de police se partagent leurs services, leurs informations et leurs expertises. Sorte de huis-clos permanent, chaque plan à l'intérieur du bâtiment donne à la fois un sentiment de sécurité et d'oppression. Les murs jaunes et âpres, la cage centrale et autres salles d'interrogatoire insalubres informent directement le spectateur sur la nature de l'endroit.


Mais The Shield n'est pas seulement l'histoire d'un lieu. Le véritable protagoniste de cette fresque monumentale est bien entendu Vic Mackey : un détective de choc commandant un peloton de têtes brûlées et prêts à toutes les bavures possibles pour arriver à leurs fins. La Strike Team, cette brigade experte en interventions musclées est un atout considérable contre la criminalité, qui se voit diminuer sous son activité. Cependant, elle est aussi la bête noire des politiciens et bureaucrates : en effet, les méthodes peu orthodoxes et brutales du crew sont très mal perçues.


Mais Vic est persuadé que ses actions sont justes : il devient un loup parmi les loups, et s'arrange même pour devenir lion. Malgré la corruption flagrante de cet homme, on ne peut que s'attacher à lui. Véritable bouclier pour sa famille, il ne permettrai jamais que quelqu'un leur fasse du mal. Pareil pour sa team : considérée comme son propre sang, il fera tout pour les couvrir, non seulement sur le terrain mais aussi dans leurs déviances. Shawn Ryan dresse ici un portrait viscéral et complexe d'un père de famille qui porte absolument tout sur ses épaules et non sans casse. Le "bad cop" devra batailler avec des gangsters, mais aussi avec la justice, ses collègues et même sa propre famille... Oubliant tout manichéisme, Ryan creuse jusqu'au bout le portrait de ses personnages, qui possèdent tous leur part d'ombre. Cet acharnement à développer leur psychologie et leurs attitudes rend la série on ne peut plus passionnante. L'intrigue n'est pas en reste, puisque chaque épisode est un engrenage de l'histoire, qui avance à toute berzingue (pendant 7 saisons) vers un final d'une rare qualité, vers une apothéose jamais vue. Le tout à coups de rebondissements et de twists en tout genre. Jusqu'où iront-ils ?


Ce qui fait la force de The Shield, en plus de son écriture, est sa réalisation. Chaque séquence se fait intense, survoltée et bénéficie d'un réalisme exceptionnel. Dotée d'un montage qui force le respect, la série est unique en son genre. Les images ne payent pas de mine mais sont rudement bien étudiées, chaque plan est subtil, lisible dans ce qu'il raconte et la caméra à l'épaule nous plonge au cœur de l'action. La caméra est toujours très proche des personnages. Elle se balade parmi eux, tremble lorsqu'elle entame une poursuite, change de regard lorsqu'elle est interpellée... Comme si l'on était toujours présent au milieu des protagonistes, à suivre leurs péripéties. Aussi, elle élargit très rarement son champ de vision et ne s'élève quasiment jamais, sauf pour se percher à une fenêtre ou pour observer depuis un balcon. La façon de filmer est un atout majeur de l'oeuvre car elle nous permet de ne jamais nous ennuyer et son dynamisme rend l'action palpable et organique.


Le seul petit reproche que je puisse faire à cette série est qu'elle est trop longue. Même si les intrigues secondaires sont toujours plaisantes, elles sont parfois trop déconnectées de l'histoire principale pour nous intéresser vraiment. Mais l'avantage est qu'elles nous renseignent toujours plus sur la personnalité des héros. Aussi, quelques détails sont selon moi inutiles au scénario ou restent inachevés


(le retour de Tevon pas assez développé, ou Vic qui planque la vidéo où Aceveda cogne un suspect et ne s'en sert plus durant toute la série...).


Mis à part quelques bémols, cette série est somme toute parfaite : attachante, émouvante, choquante, fascinante... Les adjectifs sont nombreux. Ce qui fout encore plus sur le cul, c'est ce final, où l'on réalise toute la portée du message, où l'on reconnecte tout ensemble pour se dire "Who putain, pas possible !?". Après cette fin grandiose, vient énormément de questions et on ne peut s'empêcher de se triturer le cerveau, de se sentir tout chose et de repenser à tout ce qui nous a amené ici.


Pour moi, la métaphore religieuse qui l'accompagne montre tout le génie de l'oeuvre : Vic, après avoir avoué ses fautes se retrouve au purgatoire, cet endroit sans âme et immaculé (les open-spaces fédéraux, à des années-lumière de la moiteur des rues et du Bercail). Durant trois ans il devra baisser les yeux et expier ses fautes. Mais non, Vic a d'autres projets. Il préfère retourner en enfer plutôt que de ne pas se sentir vivant. Car il est allé trop loin pour en revenir. Tout ça fait partie de lui à présent, c'est sa nature.


Au delà de tout ça, The Shield est aussi un magnifique récit sur l'amitié, la famille, le choix, la trahison et l'humanité en général.


Pour conclure, je citerai tout de même les performances des acteurs : Michael Chiklis dans le rôle de Vic Mackey à la carrure et aux idéaux trapus, une sorte d'ange protecteur, dangereux mais indispensable. Walton Goggins, exceptionnel en Shane Vendrell, le sidekick attachant mais incontrôlable que son mentor a plongé dans la corruption. CCH Pounder qui joue le rôle de Claudette, une femme forte et sévère teintée d'humanité et d'une droiture sans failles, toujours accompagnée de Dutch (Jay Karnes), le loser sympathique spécialiste des tueurs en série... Et Forrest Whitaker en lieutenant Jon Kavanaugh, qui passera foutre le feu dans les saisons 5 et 6, plus phénoménal et charismatique que jamais, et qui volerait presque la vedette à notre Vic préféré... Voilà pour les meilleurs, mais on n'oubliera pas non plus les autres : Lem, Ronnie, Julian, Dani, Tavon, Mara, Aceveda, Monica Rawling, Cassidy, Corrine... Bref, tous de très grands personnages !

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