Le spin doctor du 10 Downing Street
The Thick of It est en quelque sorte une déclinaison de The Office au gouvernement britannique. On y retrouve ce même mélange de documentaire à priori sérieux et de situations burlesques. Le montage est nerveux, la caméra tremblotante est proche des protagonistes, et quand ces derniers jettent un œil vers le caméraman, on a vraiment l'impression d'être un intrus qui n'a rien à faire là.
Cette série s'intéresse principalement à deux "bureaux". Le premier d'entre eux est le ministère des affaires sociales. Outre le ministre, on y suit trois personnages : un jeune loup docile et arrogant, un vieux de la vieille légèrement dépassé, et la responsable presse qui respecte scrupuleusement les règles. Les divers ministres que l'on aperçoit sont pour la plupart faibles et influençables : ce ne sont que des marionnettes bien souvent incapables de travailler sans leurs proches conseillers. Et parmi ces derniers, le roi s'appelle Malcolm Tucker. Directeur de la communication du gouvernement, c'est l'atout numéro de cette "sitcom" politique : capable de passer du sourire le plus bienveillant au regard le plus noir sans que son interlocuteur n'ait rien vu venir, Malcolm est un requin, un tueur qui ne respecte personne hormis son hiérarchique direct, à savoir le premier ministre. Chargé d'anticiper les crises médiatiques plutôt que de les subir, ce "spin doctor" insulte, menace et rabaisse ses collaborateurs, à commencer par les ministres eux-mêmes. Tel un Ari Gold sous amphétamines, Malcolm n'a peur de rien dès qu'il s'agit d'arriver à ses fins, et à une époque où la communication est reine, on se rend compte que le vrai boss du 10 Downing Street, c'est lui.
Intéressante dans sa forme, The Thick of It l'est également dans son contenu. On y voit les relations de connivence que peuvent avoir les membres du gouvernement anglais avec la presse, et la manière dont un scandale médiatique naît ou s'éteint. Bien souvent, un simple détail suffit à mettre le feu aux poudres, et les scénaristes nous le montrent de manière très habile.
Si vous êtes amateur de politique, cette série est faite pour vous. Elle reste cependant assez difficile d'accès : les accents des acteurs sont parfois terriblement difficiles à déchiffrer, le langage employé est assez technique, et les tirades semi-improvisées de Malcolm nécessitent parfois plusieurs visionnages pour être parfaitement comprises. Malgré ses airs satiriques, The Thick of It n'est pas aussi éloignée de la réalité qu'on pourrait le penser : en effet, le personnage principal a été grandement inspiré par Alastair Campbell, qui ne fut autre que le "directeur de la communication et de la stratégie" de Tony Blair de 1997 à 2003.
Oubliez donc le flegme et la courtoisie britanniques : The Thick of It vous montre la politique sous son aspect le moins flatteur, et franchement, ça fait peur !