Etant enfant, quand ai-je pour la première fois pris un peu de liberté pour le goûter?
Cela devait être en 1999, j'avais 9 ans et dehors il pleuvait. Ou peut-être était-ce en 2000, j'avais 10 ans et dehors il pleuvait encore.
J'étais assis dans le petit canapé du salon, j'avais hésité entre un Kinder Bueno et des tartines de Nutella, j'avais pris les tartines, où plutôt le Nutella, avait mangé bien trop de Nutella sans même les tartines, tellement que j'en étais un peu écœuré mais j'en reprenais quand même encore, du Nutella. Maman m'avais même fait du Chocolat chaud. A l'école j'avais était au coin, dans le fond, le dos tournée à toute la classe, je m'était encore disputé avec Ali, le Turc du CM1, ou du CM2, en fonction que l'on soit en 1999 ou en 2000, avec qui je me disputais tout le temps, alors je lui avais mis plein de petit-ponts au petit-pont massacreur de la récré, même qu'il avait pris plein de coups, qu'il en boitait encore quand la sonnette a sonné, que les cours ont remplacé la cour, et je me retrouvais comme ça, tout seul dans mon petit coin. Point.
J'avais 8 ou 9 ans, j'aimais le Nutella et puis les Kinder Bueno aussi quand même, j'étais têtu et un peu con et j'aimais ça, mettre des petit-ponts. Et voilà que je suis dans le petit canapé du salon de mon jolie petit appartement de quatre étages en briques, le ventre plein de Nutella, du chocolat chaud dans les mains, dehors le ciel est gris comme le béton qu'il y a partout, les 18 étages des immeubles blanc d'en face bloquent l'horizon et la moto-cross qui passe tout le temps sur la rue devant ma fenêtre fonce à toute vitesse et brise le silence de son bruit de moteur persan, ou plutôt perçant, même si je ne sais pas trop d'où elle pouvait bien venir, cette moto, après-tout.
Et voilà que déboule un peu de liberté pour le goûter, moi qui était déjà bien satisfait de tout ce Nutella, ou peut-être avais-je finalement pris les Kinder Bueno, en avait mangé trop et était écœuré de toute cette crème de noisette mais en reprenais quand même encore, des Kinder Bueno, en tout cas ce qui est certain, c'est qu'il me restait toujours de ce bon chocolat chaud.
Toujours est-il que débarque Tom Sawyer, la classe en salopette, le héros à bouclettes, l'aventurier sans chaussette. Même que son meilleurs amis Huck vit dans un arbre, ne va pas à l'école et passe ses journées au bord de l'eau, qu'il est amoureux de la jolie Becky, avec sa chevelure rousse, ses taches de rousseurs et sa jolie robe bleu, qu'il fait les quatre cents coups avec Joe Harper, vit avec sa tante, sa gentille cousine et puis son frère Sid qui est tout ce qu'il n'est pas et a peur de Joe l'indien, qu'il remonte le Mississippi sur un petit radeau, s'amuse en repeignant la haie en bois du jardin et se retrouve bloqué dans une grotte avec son amour de toujours.
Surtout, Tom Sawyer, il vit dans la nature, il monte dans les arbres, il se baigne dans le grand Mississippi, il fait du bateau, il court dans la forêt, il cherche des trésors. Il vit dans un joli monde où le ciel est bleu et où les paysages sont verts, où les petits coins d'eau coulent tranquillement au milieu des arbres avec le soleil qui brille haut dans le ciel et j'ai les yeux grands ouverts et une folle envie de d'aventure.
Mais dehors il pleut toujours, le ciel est toujours gris comme le béton qu'il y a partout, les 18 étages des immeubles blanc d'en face bloquent toujours l'horizon et la moto-cross repasse à toute vitesse en pétaradant après ce joli goût de liberté pour le goûter.
Alors je demande à maman quand je pourrais retourner chez Papy, Mamie, là-bas à la campagne, où il n'y a que des champs et des forêts et de beaux jardins fleuris, où je peux construire des cabanes dans les arbres, dévaler les pentes qui sentent bon l'herbe fraîche en me roulant dedans et aller donner à manger aux canards à l'ombre des arbres au bord d'une petite rivière. En attentant je vais faire un peu de football, il s'est enfin arrêté de pleuvoir, ça reprendra bien dans 5 minutes mais maintenant qu'il ne pleut plus, papa me laissera sortir. Giovanni, mon meilleur ami portugais au prénom italien du palier d'en dessous vient d'avoir un nouveau ballon qui sera tout rapiécé dans 10 jours à force de jouer sur le parking d'en bas, de rouler sur le goudron, de s'en aller taper sur les murs et de rebondir sur les quelques pauvres voitures garées ici.
Il se met à repleuvoir, mes jolies baskets sont toutes sales, j'ai troué mon jogging qui a trois petites semaines et je suis complètement trempé, maman ne va pas être contente, mais Kenza du palier d'au-dessus est venue nous rejoindre et on est allé se réfugier au chaud sous un préau pendant que les autres continuer à jouer. Et sous ce préau, la vie du haut de mes 9 ans ou bien alors de mes 10 ans a un bon petit goût de liberté aussi.
Mais cette nuit, c'est bien de forêts verdoyantes, de fleuves cristallins, d'ami indien qui vit dans les arbres et de petite rousse en robe bleu que je rêverai.
Parce un peu de liberté pour le goûter, ça revient vous trotter dans la tête et vous redonner ce joli goût de liberté à chaque fois que vous en reprenez un, que vous étalez du Nutella sur une tartine ou que vous mangez un Kinder Bueno.
Alors vous revoyez Tom Sawyer, sa salopette, et son chapeau de paille, papy, mamie et leur belle campagne, Giovanni, le football sur le parking et Kenza sous son préau et vous souriez bêtement.