Ça en devient une habitude, jamais lassante heureusement, de rester bouche-bée et essuyer ses larmes d'un discret revers de main, une fois le générique de fin affichant "Director : David Simon".
Une fois de plus, ce chirurgien vient découper au scalpel la société américaine, dans un espace et un temps précis. Cet espace et ce temps, sont d'ailleurs les principaux héros de cette série. La Nouvelle-Orléans, post-Katrina, est l'hôte des musiciens hédonistes, des flics ripoux, des politiciens, des promoteurs immobiliers, de la barwoman du coin et de toutes ces vies qui participent à cette grande oeuvre qu'est ce lieu.
Encore une fois, les personnages, d'un réalisme cru, d'une simplicité puissante se démène pour reconstruire leurs vies, pour reconstruire leur ville avec tout l'affect, la force et les souffrances que cela implique. Ici, le temps ne passe pas, il coule et laisse ses marques sur chaque visage, chaque coins de rue, chaque mélodie, chaque vie. Le rapport à celui-ci est différent à La Nouvelle-Orléans, différent de celui imposé par une société américaine qui ne sait plus quoi faire d'autres que de courir après le profit. De ce rapport au temps, retranscrit à merveille par les réalisateurs de la série, se présente une série de rapport à explorer. Comment lier modernité et tradition ? Comment dépasser des traumatismes individuel et collectif ? Comment faire perdurer face à la mort ? Comment vire et rester libre face à ce maître absolu qu'est le temps ?
La musique, le Jazz s'immisce en réponse. Il est partout, tout le temps, comme moyen ou comme fin en soi. Il est l'hymne de la résistance, de ces cultures afro-américaines, indiennes, créoles tentant de résister à l'assaut de la globalisation. Il est un moyen de dépassement des souffrances aussi. La peine circule de coeur à coeur, de trombone à saxophone, lorsqu'une fanfare s'élance. David Simon donne un réel sens à ce mot de communauté. Les souffrances individuelles et collectives s'entrelacent sans cesse. Les joies également.
Cette série n'a pas besoin d'artifices, la réalité brutale contient en elle déjà tout l'émerveillement qu'il nous est possible de voir et ressentir. Bravo à l'ensemble des personnes ayant travaillé sur cette oeuvre. Un grand merci à chaque personne continuant de la diffuser dans des espace et des temps nouveaux, des années après sa clôture.
Je vous souhaite que l'univers de Treme ne vous quitte plus.