Trigun
7.5
Trigun

Anime (mangas) TV Tokyo (1998)

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Les années 1990 bouillonnent de séries animées de qualité, qui ont durablement marqué leur époque et restent encore des références. Gainax avec sa relecture angoissée de la série de robots géants Neon Genesis Evangelion (1995-1996) ou Sunrise et sa jazzy série de Science-fiction Cowboy Bebop (1998) gravent de leurs noms cette décennie prolifique. Certains studios qui avaient renoncé au marché de la série animée remontent en selle, comme Sunrise. Ce dernier lance en 1998 deux séries bien différentes, toutes deux des adaptations contrairement aux deux références citées plus haut, mais qui trouveront aussi leur public, le girly Cardcaptor Sakura et Trigun. Deux animés avec certains défauts, mais qui deviendront pourtant des séries du coeur pour bon nombre de leurs spectateurs.

Trigun adapte le manga de Yasuhiro Nightow, publié par chez nous grâce aux bons soins de Tonkam entre 2004 et 2009. Ses 14 tomes ne sont hélas plus édités (bouh!).

La série prend place dans un futur indéterminé, probablement lointain, sur une planète désertique aux 5 lunes. Quelques restants d’une technologie ancienne fournissent encore de l’énergie à quelques villages ou villes, tant que ces ruines fonctionnent encore. La vie est rude, les ressources limitées. Le soleil tape fort, la poussière et le sable semblent partout. Le plus fort fait la loi. D’un rapide coup d’oeil, le cadre fait penser à un western, aux quelques relents post-apocalyptiques.

Et parmi les plus célèbres renégats de ce monde ensablé et fatigué, le légendaire Vash the Stampede, dont la tête est mise à prix pour une somme astronomique. De quoi faire tourner bien des têtes, justement, même si sa réputation fait fuir les moins téméraires, ou les plus sages. Il est notamment accusé d’avoir détruit la ville de July, dans des circonstances mystérieuses.

Meryl et Milly sont deux agents d’assurance qui sont lancées à ses trousses, l’une est déterminée et professionnelle, l’autre est plus naïve et énergique. Elles veulent le retrouver pour le surveiller et l’empêcher de détruire de nouveaux biens que leur compagnie devraient rembourser.

Mais le Vash qu’elles rencontrent est bien loin de sa réputation de sanguinaire. S’il possède une élégance folle avec son manteau de cuir rouge, ses lunettes rondes et ses cheveux blonds en épis, son comportement enjoué et amical est bien loin des échos autour de sa personne. Il faudra même quelques épisodes pour que les deux employées des assurances, et surtout Meryl, soient complètement convaincues qu’il s’agisse bien du célèbre Vash the Stampede. Meryl ne voit ainsi en lui qu’un bouffon juste bon à amuser la galerie avant de prendre conscience de ses véritables capacités.

Sous ses allures à la cool, Vash est pourtant bien cette fine gâchette, ce pistolero capable des meilleurs coups quand la poudre doit s’exprimer. La série le mettra en valeur avec des poses travaillées, des acrobaties impressionnantes. Après Lupin the Third ou City Hunter/Nicky Larson, il fait partie de ses personnages qui cachent leurs véritables talents derrière un comportement de prime abord plus plaisantin.

Mais Vash se distingue aussi par sa nature profondément bienveillante, qui se dévoilera au fil des épisodes. Il a la stature du héros mais sans tout le culte de la violence autour. Vash ne recherche pas la violence, et s’il doit répliquer cela sera sans enlever la vie, parfois juste en démontrant sa supériorité. Il possède même une sensibilité exacerbée, bien loin de l’image du héros viril, car si Vash doit se mettre à genoux pour sauver des vies, il le fera. Les coups les plus durs ne sont pas ceux qu’il a reçu, marquant sa peau de nombreuses cicatrices, mais ceux qui l’ont blessé émotionnellement, parce qu’il n’a pas pu sauver une vie. Même les héros peuvent pleurer.

Si la série commence malicieusement, en laissant planer le doute sur cet homme en rouge qui fait des pitreries, elle s’offre quelques épisodes pour détailler son contexte, en affrontant quelques pistoleros bien vilains et sauvant quelques communautés qui en étaient victimes, avant que la deuxième partie fasse apparaître une organisation de dangereuses menaces, les Gung-oh-Guns. Entre-temps, un nouvel allié s’ajoutera à Vash pendant quelques épisodes, le prêtre Nicholas D. Wolfwood, assez peu catholique, fumant comme un pompier et transportant une grande croix. Les différences de mentalité entre Vash et lui offrent quelques moments électriques.

Tout comme Neon Genesis Evangelion ou Cowboy Bebop, certains épisodes font du surplace, une fois encore dans les 26 épisodes proposés il y en a quelques uns de trop. Même si la première partie consiste plus en des tranches de vie, elle offre quelques bons moments, passant d’un problème à un autre, d’un nouveau cadre à un autre. La deuxième partie avec son Gung-oh-Gun de l’épisode, et parfois plusieurs, convint un peu moins en affichant sa répétitivité.

Elle offre beaucoup plus d’informations sur Vash the Stampede, bien plus énigmatique que ce qu’on pourrait croire avec ses airs joyeux et amicaux, lui offrant une nouvelle profondeur et surtout un historique bien surprenant. Mais la menace que fait peser sur lui les Gung-oh-Gun tourne en boucle, à vouloir entretenir un mystère assez peu satisfaisant, dont l’identité du grand méchant, Knives, le frère pas gentil de Vash, est sans grande surprise.

Il s’agit d’ailleurs de l’un des problèmes de la série. Car si elle est divertissante et amusante, avec son lot d’humour et d’action, a bien du mal à développer les quelques thèmes proposés. En dehors du fait que certains mystères le resteront, pourquoi pas, la série se sent moins à l’aise quand il s’agit de laisser exprimer certains sujets. Le sentiment de culpabilité de Vash, le pacifisme extrémiste de ce dernier, les émotions contradictoires de Milly, les réflexions de Wolfwood sur les moyens à accomplir pour atteindre son but, tout cela est parfois présenté, parfois répété, sans que cela ne soit suffisamment poussé.

En dehors de la psyché de Vash, solide et complexe, qui a tous les épisodes pour se présenter par petite touche, la faute en revient aussi à certains personnages mal détaillés, dont on s’étonnera parfois de quelques revirements. Meryl et Millie n’auront pas le caractère pressenti dans le premier épisode où elles sont au premier plan, les autres épisodes les reléguant à la traîne de Vash. Il y aura bien quelques personnages secondaires qui se démarqueront, parfois pour le temps d’un épisode. Mais la plus évidente faiblesse provient des Gung-oh-Gun, la plupart sans véritable personnalité, fidèles à leur maître. Si Legato, bras droit de Knives, offre un semblant d’intérêt, malgré un surdosage dans la darkitude mystérieuse, on ne peut pas dire que le frère de Vash soit bien représenté. Dommage, dans la mesure où il représente l’antagoniste principal mais aussi le miroir inversé de notre héros, ses intentions sont légères, ses plans ne sont pas très réactifs.

Si la bande-son rock et ses riffs de guitare électrique dynamite la série, celle-ci démontre toutefois certaine maladresse dans son animation, voire de la mollesse. Quand l’action sonne la fin des regards en chien de faïence, elle se révèle dynamique, avec une certaine mise en scène qui vient appuyer l’allure charismatique de Vash, ou ses quelques pitreries. Mais dans les moments plus calmes, les séquences sont d’une qualité basique, les différences entre animateurs sautent parfois aux yeux. Il manque au film un visuel mieux défini, une animation plus régulière tout du long. Ces quelques écarts se voient, et c’est bien dommage.

Trigun donne l’impression de ne pas savoir ce qu’elle veut proposer, où sa légèreté et sa bienveillance font parfois oublier bien vite quelques éléments tragiques. Madhouse semble vouloir proposer une série grand public, assez divertissante, mais qui semble avoir peur de pousser la psychologie de ses personnages ou certaines conséquences.

Pour autant, malgré un trop grand nombre d’épisodes (et qui pourtant ne donnent pas toutes les clés) la série offre de bons moments, qui reposent essentiellement sur la personnalité et les énigmes de Vash et les mystères de ce monde, et les deux sont liés. La sensiblerie de Vash et ses nombreux talents permet d’offrir à la série un personnage central réussi, entre coups d’éclats, plaisanteries amusantes mais aussi des moments plus humains où il se mettra à nu. Si la réputation de la série est aussi bonne, c’est bien pour lui, devenu un personnage phare à juste titre.

Sans pour autant faire partie des incontournables des séries animées de ces années, Trigun a tout de même suffisamment de qualités pour lui donner sa chance de nos jours. Un film animé sorti en 2010 complète celle-ci. En 2023 Trigun Stampede a relancé la licence, mais avec une nouvelle direction. Vash a encore quelques cartouches dans ses poches.

SimplySmackkk
6
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il y a 8 jours

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