True Detective
8.2
True Detective

Série HBO (2014)

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Du bayou à l'Arkansas, une série inégale et ?

True Detective est une série d'anthologie. Au sens courant de l'expression : c'est une série mémorable, un fait incontestable ; mais plus techniquement, cela signifie que chacune des saisons est autonome, et raconte à elle seule une histoire entière.

Il est évident que la saison 1 a énormément marqué les esprits, beaucoup plus que les suivantes (enfin, j'ignore ce qu'il en est de la 4e, avec Jodie Foster, que je n'ai pas vue, et qui ne serait pas sans lien avec la première).

C'est donc de cette saison 1 que je parlerai [je finis par parler des suivantes, ce n'était pas prévu].

Cette saison repose sur un duo d'acteurs :

Ils incarnent deux officiers de la police criminelle, chargés d'enquêter sur un meurtre qui a toutes les apparences d'un crime rituel, vaudou, satanique, on ne sait pas — le tout dans un cadre sublime et étouffant, la Louisiane, le bayou, où plane comme un air de surnaturel.

Cette saison 1 de True Detective est donc un whodunit, mais aussi, tout à la fois une série d'atmosphère et une comédie de caractères, le duo formé par les deux enquêteurs étant des plus dissonants : entre le côté terre à terre de Hart, sa femme, ses filles, sa maîtresse, sa foi chrétienne basique, et la gravité de Cohle, qui lui tient des propos philosophiques, inspirés par sa vision nihiliste du monde, l'alchimie ne prend pas vraiment entre les deux partners — mais le spectateur, lui, est scotché devant la performance hors du commun du duo, tant chacun est remarquable dans son registre.

L'action se déroule à deux époques distinctes. Le meurtre investigué est celui de Dora Lange, en 1995 ; en 2012 les deux comparses, qui entretemps ont quitté la police, sont interrogés sur cette enquête par deux officiers de la brigade criminelle. L'enquête est manifestement rouverte, mais on ne sait ni pourquoi, ni dans quel but incertain se tiennent ces longs entretiens, qui occupent à peu près autant de temps d'écran que les scènes se déroulant en 1995.

(Un autre segment de l'action se déroule en 2002, mais je ne vais pas tout raconter.)

La technique du récit rétrospectif, fait par deux personnages différents — et manifestement, en froid l'un avec l'autre — est mise à profit avec brio, de façon très intelligente.

À un moment donné, le récit de ces faits d'il y a près de vingt ans s'interrompt, et le duo se reforme. L'enquête reprend, sur la base des nouveaux éléments accumulés obstinément par Cohle dans l'intervalle. La saison s'achemine vers son dénouement.

Il ne faut pas en dire plus. ll faut le VOIR. Où les mènera leur recherche obstinée de la vérité, par quels moyens ils parviendront au résultat final, importe peu. Voyez la galerie de paumés qu'ils croisent en chemin : une Amérique de déglingués, une Louisiane entre deux ouragans (Andrew en 1992, Katrina en 2005), pour une enquête qui prend son temps — hormis lors d'une incroyable scène d'action, un travelling de près de dix minutes, qui vient bouleverser le rythme tranquille de la série : on se croirait soudain chez Michael Mann ou dans American History X.

Le thème profond de cette saison 1, à bien y réfléchir, est l'amitié. Enfin chacun pourra se faire son avis sur la question, je jette juste cette pièce en l'air, pour moi c'est l'amitié, face au mystère du mal. Le mal au sens métaphysique du terme.

La suite, quand je parlerai de la saison 2. Si je la revois, car je crains qu'elle ne soutienne pas la comparaison. Car c'est le propre du génie qu'à côté de lui, tout paraisse bien vain.

***

Et voici pour la saison 2 : elle n'est pas indigne, loin de là, même si, comme je m'y attendais, elle souffre de la comparaison avec la première ; mais pour une série, c'est mal fichu, confus. Trop de personnages à suivre, me dit-on, il y a sans doute du vrai là-dedans.

Un Colin Farrel très défoncé (Velcoro), la très canon Rachel MacAdams (Antigone, si, si, Bezzerides), le truand Vince Vaughn (Semyon), qui aimerait changer de boulot : tel est le trio inattendu qui à la suite d'un meurtre, se retrouve à enquêter sur les dessous peu ragoûtants d'une vaste opération immobilière.

La question qui se pose pour moi concernant cette saison c'est, "pourquoi ça ne marche pas ?" Les derniers épisodes livrent un semblant d'explication : soudain c'est plein d'action, ça avance, ça ne piétine plus dans un tas de dialogues, de diversions scénaristiques et de manque global d'intérêt. Les personnages se rapprochent, les masques tombent mais, est-on encore dans un True Detective ? Il s'agit avant tout ici d'une histoire criminelle, ce qui ne colle pas avec les saison 1 et 3 (dont je parlerai prochainement), où les évènements sanglants pointent vers des mystères plus sombres, plus maléfiques.

Verdict : cette saison laisse un goût de ratage. Or on sent bien que ça aurait pu être mieux, et franchement emporter l'adhésion.

Personne n'est parfait.

***

Dans l'Arkansas, plusieurs périodes encore : les années 1980, les années 1990, et l'année 2015.

En 2015 donc, le personnage central, ex-flic encore une fois, Wayne Hays (impeccable Mahershala Ali), se livre face caméra, pour un documentaire, sur un crime qui l'a marqué des décennies auparavant. Un crime qui a marqué les mémoires, et lui, a un début d'Alzheimer...

Alors là on revient à ce qui a fait l'ADN de la série, enfin à ce qui a marqué dans la saison 1.

Le récit rétrospectif. Des flics, partenaires plus ou moins bien assortis. Une autre réflexion sur le mal — qui peut tuer "gratuitement" des enfants ?

Non sans un léger effet copier/ coller , que laisse supposer l'énumération ci-dessus : ces éléments de proximité sont-ils liés à l'espoir, peut-être, de renouer avec le succès de la première saison ?

L'interprétation est convaincante, l'intrigue, pas trop convenue en fait, mais à mon goût il manque quelque chose à cette troisième saison. Peut-être n'est-ce tout simplement pas mémorable.

Tout comme la mémoire de Wayne Hays finit par se faire la malle, on n'est tout simplement pas autant marqué par cette saison pour autant loin d'être indigne, que par l'inoubliable première saison : une aune à laquelle il est bien difficile de se mesurer.

Mathieu-Erre
9
Écrit par

Créée

le 16 mars 2024

Modifiée

le 26 mai 2024

Critique lue 75 fois

Mathieu Erre

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