Cohle of Cthulhu
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À l'origine j'étais un homme. Ni meilleur, ni pire qu'un autre. J'étais de ceux qui croyaient pouvoir se fondre dans le décor, sans bruit, sans hostilité. En pointillé. Je n'étais qu'un trait sombre de plus sur le mur lépreux de la prison éternelle.
J'avais les ambitions de ceux de mon espèce, être heureux à mon échelle, modestement, derrière des fortifications que je voulais solides, ces murailles que j'avais élevées haut pour nous protéger.
Je courais, trop pressé quand il aurait fallu m'arrêter, trop lent, trop faible et trop sourd quand il aurait fallu écouter et peut-être, te prendre dans mes bras.
Il fallait être aveugle pour ne pas voir les fissures. L'édifice s'est écroulé. Comme s'envolent des certitudes trop longtemps chevauchées, j'aurais voulu que mon cœur cesse de battre.
Comme le tien.
J'avalais les remugles de cet air vicié sans m'en rendre compte, plié, rangé, classé comme le sont tous ceux de mon espèce. J'attendais du voyage son lot de tumultes et ses caresses, aussi.
Depuis, je flotte dans les demi-teintes crépusculaires de l'horizon corrosif qui tord et concasse les rêves dans sa danse macabre. Un pas de deux.
Puis un jour, lassé de l'attendre, je suis mort.
J'ai mis un masque, choisi mon corps comme cercueil, camouflés mes yeux vides et j'ai continué la mascarade, traîné ma carcasse dans le bayou et sa civilisation qui s'efface.
Des jours à errer comme un chien.
J'ai regardé le ciel s'enflammer, cramer mes pupilles, et les oiseaux s'envoler en spirales prémonitoires.
J'ai asphyxié mon esprit de poudres psychotropes et ce corps décharné à fumer des clopes. Panser mes peines.
J'avalais la bile amère de ma souffrance à chaque déglutition, pour payer l'addition.
J'avance à tâtons, en spectre maudit, ligoté à mon âme. Le temps tambourine et n'est tendre pour personne. Surtout quand tu lui cherches des noises.
"Contemple le Roi Jaune, Carcosa est son royaume".
Le chagrin, c'est l'obscurité et la lumière conjugués. La mort n'est pas la fin puisque je bouge encore.
Faudrait scruter tout le monde, faire le compte des pervers. Répertorier la fange et puis, l'exterminer.
Pour ça, faut des chasseurs, des pisteurs et je suis le meilleur.
Faudrait fermer les yeux, compter jusqu'à dix et tout repeindre en couleurs.
Cramer des Camel, les unes après les autres, et patauger dans les marais, les alligators et les hommes autour.
De jour comme de nuit, je garde les yeux ouverts sur cette Terre de désolation.
Certains en récoltent toute la sève, d'autres en crèvent.
Moi, j'ai posé le buvard imbibé sur ma langue.
Les ténèbres m'englobent et je laisse faire.
J'entends ton rire enfantin qui résonne en écho dans ma boîte crânienne. Je n'ai plus mal. Je n'ai plus peur.
Scintillent les étoiles noires et l'innocence assassinée, mon cœur brûle encore.
Viens petite, donne moi la main.
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Créée
le 15 févr. 2016
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