Une série d'anthologie

Saison 1 : 8/10

La nouvelle pépite de la chaîne HBO se distingue par sa réalisation cinématographique et par sa distribution prestigieuse, autour du duo de flics Matthew McConaughey - Woody Harrelson.
La relation évolutive de ces derniers constitue le cœur du programme, au détriment d'une enquête-prétexte, certes intéressante, mais pas forcément originale, avec un tueur en série au cœur des bayous de Louisiane (magnifiquement filmés pour donner une atmosphère glauque et poisseuse).

D'ailleurs cette première saison est sombre, pessimiste en dépit de l'éclaircie finale, jalonnée de scènes très dures. On ne regarde pas "True Detective" comme un pur divertissement, loin de là, d'autant que la dimension philosophico-métaphysique est omniprésente.

Rusty Cohle (McConaughey) a perdu sa fille et divorcé dans la foulée, donc ce n'est pas franchement un boute-en-train : il ne vit que pour ses enquêtes, domaine où il excelle, malgré ses conflits avec la hiérarchie.
Martin Hart (Harrelson) est davantage M. Tout-le-monde, marié (à Michelle Monaghan) et père de famille, il est sociable et bien intégré dans la police ; toutefois, lui aussi dévoilera certaines failles, et sa fascination pour Cohle n'est pas anodine.

Bref, "True detective" est un programme de grande qualité, le contraire d'une série tout public (d'ailleurs la scène de sexe avec Alexandra Daddario est assez torride), qui brouille encore les frontières entre petit et grand écran, et dont on attend la saison 2 (autres héros, autre histoire, mêmes concepteurs) avec une vraie impatience.

Saison 2 : 7/10

Une seconde saison qui a été beaucoup critiquée, ressentie par les fans de Rusty et Martin comme nettement inférieure au premier volet.
Pour ma part, j'ai bien aimé cette nouvelle intrigue, certes incomparable avec la précédente, sans aucun doute moins aboutie en effet, mais qui a le mérite de s'inscrire avec cohérence dans l'univers de Nic Pizzolato, en dépit des apparences.

En effet, à l'opposé des campagnes dépeuplées de Louisiane, le récit se déroule désormais dans un environnement urbain, au cœur d'une cité corrompue de Californie, la ville (fictive) de Vinci.
Ce qui nous offre une atmosphère troublante d'échangeurs et d'autoroutes côtières interminables, de bidonvilles peuplés de main d'œuvre clandestine et de lieux de débauche où l'argent sale coule à flot. Dommage que la réalisation sous-utilise ce cadre cinématographique, en dépit d'inserts un peu mécaniques.

Les thèmes développés dans la saison initiale se retrouvent ici sous d'autres formes : la corruption des institutions et des personnes, la quête de sens et la rédemption individuelle...
L'intrigue de la saison 2 est vaste, les personnages très nombreux, et les épisodes gagnent à se voir de façon rapprochée, sans respecter la diffusion TV traditionnelle (genre 1 épisode par semaine), sous peine de se sentir perdu.

D'autant que ces épisodes sont de facture inégale, de même que les scènes elles-mêmes et la prestation des acteurs, ce qui constitue la faiblesse majeure de la saison 2 par rapport à la précédente, plus homogène. Le season finale rallongé en étant hélas la meilleure preuve, après un épisode 7 de très belle facture...
Vince Vaughn, Colin Farrell et Taylor Kitsch ne sont pas mauvais, loin de là, mais il arrive qu'ils déçoivent au détour d'une scène ou d'un dialogue malvenu.

Cela dit, pour ma part, "True detective - Saison 2" reste avant tout l'histoire d'Antigone Bezzerides, alias Rachel McAdams : l'actrice canadienne crève l'écran dans ce rôle de fliquette un peu nympho qui cache un lourd passé. Un profil pas forcément original, mais McAdams irradie de charme et de talent, fragile et sexy à la fois ; c'est clairement pour elle et son personnage que je me suis tant attaché au show.

Plus généralement, sans esquiver les trous d'air ni les défauts, et sans tutoyer les sommets, "True detective" reste une anthologie policière de bon niveau, que j'ai suivi avec intérêt, en bon fan du genre. Cette tragédie grecque au cœur de la Californie est une autre variation de Pizzolato sur le dur métier de flic, qui me comptera encore dans ses rangs pour la troisième saison.

Saison 3 : 8/10

Certes, cette saison 3 n'atteint pas les sommets "métaphysiques" de la saison inaugurale, mais on sent une volonté manifeste de renouer avec les ingrédients originels, loin de la tonalité chorale de l'opus 2 : on retrouve ainsi le duo de flics, les différentes temporalités, le décor rural…

Ces 8 nouveaux épisodes nous embarquent dans une investigation policière au long cours, croisée au portrait d'un flic obstiné tout au long de son existence. Cet aspect extrêmement fouillé pourra en rebuter certains, et ravira en revanche les amateurs d'enquêtes en profondeur - dont je fais partie.

Autre particularité à dépasser pour les moins enthousiastes, toute l'intrigue est centrée sur un personnage plutôt antipathique (grosse prestation de Mahershala Ali, bluffant en vieillard notamment). Dommage pour Stephen Dorff, qui ne démérite pas, et dont le personnage plus attachant est un peu laissé de côté au bénéfice de son coéquipier.

Et puis il faut dire un mot sur la ravissante Carmen Ejogo, que j'ai découvert à cette occasion : comédienne de talent et femme magnifique à près de quarante-cinq ans (perso je lui en donne facilement dix de moins).

Au final, j'ai été séduit par ce troisième volet de l'anthologie policière imaginée par Nic Pizzolatto, qui renoue clairement avec ses débuts salués en 2014, et risque donc de réconcilier la plupart des fans du premier opus, en particulier les déçus de la saison 2.
Malgré quelques longueurs et une construction narrative parfois un peu artificielle, on se laisse happer par l'atmosphère soignée, les divers rebondissements de l'intrigue, et la qualité générale de l'interprétation.