C'est évident, c'est pas une série en bois.
Il m'est impossible d'écrire sur Twin Peaks sans plus ou moins révéler ce qui s'y trame, alors si vous êtes entrain de regarder la série où si ce n'est pas encore fait, revenez un peu plus tard, car de toute façon vous engloutirez les deux saisons très vite et vous recommencerez un jour.
Oui, parce que dans Twin Peaks tout est "Twin" justement, double ou jumeau si vous préférez et une seconde vision s'impose après la révélation sur le meurtre de Laura Palmer.
Cette héroïne qui brille par son absence car retrouvée sauvagement assassinée dès le premier épisode, incarne à elle seule la notion de la personne multiple, et c'est bon de découvrir une fille en plusieurs dimensions dans la ville en apparence bien figée et calme de Twin Peaks.
La Marilyn des temps modernes de Lynch, aux partenaires sexuels nombreux, cocaïnée, libre , belle et sympa représente la métaphore de la série, celle qui, libre dans la mort, (comme Betty de Mulholland flottant dans le ciel hollywoodien avec Rita sur la jaquette),permettra de révéler le vrai visage des protagonistes encore en vie.
Exact opposée de l'agent Dale Cooper qui complète le vrai duo de choc de la série, ce sont des voies inédites qu'il empruntera pour dialoguer avec Laura. Et pas dès moindres puisque ce sont sur les chemins de l'inconscient, du rêve et des méditations tibétaines que nôtre héros au coeur pur pourra trouver des indices pour rendre justice à Laura.
Impossible donc de parler de Twin Peaks sans interpréter le travail du binome Frost/Lynch, c'est l'apanage de toute oeuvre abstraite : laisser une liberté au spectateur et se doter de plusieurs lectures, toutes plus justes les unes que les autres.Le comble pour une série "policière", décidement tout n'est que paradoxes là dedans.Ce que fera un peu plus tard X files qui a clairement choisi son inspiration chez Lynch; d'ailleurs vers la moitié de la seconde saison, nous glissons doucement vers les aventures de Mulder et Scully (Duchovny est de la partie en plus, dans un rôle on ne peut plus double également).
Beaucoup on dit qu'après le coup d'éclat de Bob, la série s'étiolait dans un manque d'inspiration.Je ne suis pas d'accord avec ce point de vue qui oublie vite la cohérence totale dans laquelle Twin Peaks s'achève.
Il faut rentrer dans les thématiques lynchiennes pour accepter une montée du suspens, une épiphanie des plus folles vues à la télé et une pente finale qui ne lache jamais le sujet principal de son auteur, à savoir la peur.Sujet principal pourtant caché et insidieux, responsable de tous les malheurs dans nôtre chère bourgade.La peur de l'inceste du père de Laura aura eu raison de celle çi.Quand Bob peut agir, c'est qu'il s'est frayé un chemin, une porte ouverte sur la peur de quelqu'un.
C'est la même chose dans Dune que Lynch adapte, c'est encore la même chose dans Inland Empire, Lost Highway et Mulholland drive.Si l'on reproche à Lynch de mystifier son audience c'est peut être tout simplement parce que lui même est un grand mystique contemporain, mais jamais un pessimiste.
En dehors de toutes ces interprétations je peux dire que les autres personnages sont tous travaillés, sans nous ressembler ils sont pourtant vivants quelque part c'est certain (Audrey ou James^^), et je m'arrête là parce que les points de vue sont infinis, les louanges déjà clamées mais le parcours initiatique, lui, jamais mort.
P.S.: Ne trouvez vous pas la jaquette bien pensée?Une Laura en perso principal comme congelée, figée pour l'éternité comme peut l'être le population de Twin Peaks sur le panneau du générique.
Ajoutez à ça une chevelure serpentine à la Méduse et vous obtenez un vrai personnage mythologique qui appelle à la vision interieure de l'art en fermant les yeux, en étant morte.
"Le démon n'a pas besoin de s'exhiber sous des traits humains ou bestiaux afin d'attester sa présence. Il suffit, pour qu'il s'affirme, qu'il élise domicile en des âmes qu'il exulcère et incite à d'inexplicables crimes...". (J.K. Huysmans, Là-bas)
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