Virginie Despentes n'a pas aimé la mini-série "Vernon Subutex". La romancière a pourtant bossé quelques mois sur cette adaptation de sa propre saga littéraire, avant de jeter l'éponge, suite à de nombreux désaccords avec la réalisatrice Cathy Verney, puis d'en dire le plus grand mal dans la presse.
De quoi refroidir le téléspectateur... sauf que de son propre aveu, Despentes ne l'a jamais regardée!
Pour ma part, j'ai trouvé la série très réussie; et l'adaptation très fidèle hormis sur un point, central il est vrai : le pamphlet socio-politique s'est affadi dans la version télé, davantage axée comédie de mœurs. Pour preuve, l'absence de Patrice : cet homme plutôt touchant malgré ses tares (il bat sa femme), à la psychologie complexe, a purement et simplement disparu du scénario. Canal + veut bien célébrer les freaks, les marginaux, les parias, mais la limite est atteinte lorsqu'on aborde la violence conjugale, devenue le pire pêché dans notre société contemporaine si bien-pensante.
En dépit de ce manque de courage de la production, "Vernon Subutex" demeure une très belle mini-série, superbe visuellement, et peuplée de personnages criants de vérité, incarnés par une galerie de comédiens remarquables choisis avec une grande pertinence - à commencer par Romain Duris, impeccable dans son rôle de clochard mélomane, et Céline Sallette, épatante en lesbienne virile.
Parmi les meilleurs seconds rôles, on citera pêle-mêle l'inénarrable Philippe Rebbot, la chanteuse Fishbach, ou encore l'impayable Charles Templon dans le rôle trop bref de Kiko.
En raison du format court (9 épisodes d'environ 30 minutes) et des multiples personnages, ces derniers sont brièvement esquissés, et je ne suis pas certain d'avoir autant apprécié la série si je n'avais pas lu les bouquins auparavant. En effet, grâce aux livres et au talent de Despentes, ces persos bénéficient déjà d'une authenticité et d'une profondeur psychologique remarquables, pas forcément perceptibles par le téléspectateur lambda.
De même, le dénouement apparaît trop rapide et trop flou dans la série, et je crains que le sens de cette conclusion demeure assez opaque pour qui n'a pas lu les bouquins...
Quoi qu'il en soit, j'ai passé un très bon moment devant cette mini-série, qui bénéficie en outre d'une valeur ajoutée incontestable, sous la forme d'une bande originale somptueuse, à dominante rock et électro mais assez éclectique (Poni Hoax, Lou Reed, Janis Joplin...), plutôt pointue et néanmoins accessible grâce des titres softs comme la balade "Something on Your Mind" de Karen Dalton, ou le tube "Cambodia" de Kim Wilde.